Intervention de Thierry Foucaud

Réunion du 6 novembre 2008 à 15h15
Programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 et prélèvements obligatoires — Question préalable

Photo de Thierry FoucaudThierry Foucaud :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre groupe présente, à l’occasion de l’examen de ce projet de loi de programmation des finances publiques, une motion tendant à opposer la question préalable à sa discussion et son adoption.

Notre position appelle bien entendu plusieurs observations.

Nous sommes engagés de manière dramatique et sensible, depuis plusieurs mois, dans une nouvelle poussée de crise économique.

Cette crise économique prend des formes nouvelles et significatives. Elle affecte notamment les activités financières, victimes d’une libéralisation et d’une ouverture sans rivages ni frontières des marchés qui conduisent à la destruction massive des valeurs cotées sur les places financières, mais aussi à une terrible contraction du crédit dont souffre toute l’économie.

Pour autant, la récession n’a pas attendu les turbulences de Wall Street ou de la City pour se manifester.

Dans l’ensemble des pays développés, les logiques, à l’œuvre depuis longtemps, consistant à réduire les coûts de main-d’œuvre, à précariser et flexibiliser l’emploi, ont fini par générer des crises de débouchés d’une force inégalée.

Dans les pays de l’Union européenne, l’endettement massif des ménages – comme en Grande-Bretagne ou en Italie – ou les contraintes imposées par la défense inconditionnelle de la parité de l’euro ont ajouté à l’asphyxie.

Les choix politiques que vous avez faits, l’an dernier, dans la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA, comme dans bien des lois et textes antérieurs depuis 2002, n’ont rien arrangé.

La loi TEPA a favorisé les heures supplémentaires au détriment de l’embauche ou du recours à l’intérim, soutenu artificiellement les cours du marché du bâtiment grâce à la réduction sensible de la fiscalité du patrimoine, justifié l’intolérable pratique des taux immobiliers variables !

De surcroît, elle n’a pas empêché, comme nous l’avons vu mardi, que croisse et embellisse encore le scandale des rémunérations de dirigeants d’entreprises sans commune mesure avec le sort imposé à leurs propres salariés.

Enfin, en s’attaquant à l’impôt de solidarité sur la fortune, elle a consacré le gâchis des deniers publics au profit exclusif d’une infime minorité de contribuables.

La récession est là, directement sensible au travers du moral des ménages, qui n’a jamais été aussi bas, des perspectives d’activité de nos petites et moyennes entreprises, du ralentissement des embauches dans tous les secteurs et de l’accroissement spectaculaire du nombre des sans-emploi. Malgré bien des artifices, vous ne pouvez en effet masquer la hausse des effectifs, la poursuite des plans sociaux à répétition et la mise au chômage technique d’un nombre croissant de salariés dans de grandes unités de production.

La récession est tellement présente que, même pour cette année 2008, vous concédez que le pourcentage de croissance attendu ne sera pas atteint et que le cadrage du projet de loi de finances pour 2009 n’est plus d’actualité.

Cette récession est nette, avec un PIB qui ne progressera que de 0, 5 point environ cette année et qui sera compris entre 0 et 0, 5 point, l’an prochain !

Disons les choses comme elles sont : ce n’est pas avec le plan de sauvetage des marchés financiers et des banquiers spéculateurs marris de toutes leurs moins-values et créances douteuses que vous allez relancer la machine ! Bien au contraire, en n’exigeant aucune contrepartie digne de ce nom, sinon de vagues engagements moraux qui n’engagent que les naïfs qui y croient, aux financements que l’État va apporter ou garantir aux banques, on risque fort de prêter le flanc à de nouvelles mésaventures boursières et financières !

Une mise en cause de la privatisation du secteur financier est directement inscrite dans la crise actuelle. Il est en effet acquis, même si cela n’apparaît à aucun moment dans le texte qui nous est soumis, que le discours sur l’allégement du coût du travail était une vue de l’esprit !

Le vrai problème auquel sont confrontées nos entreprises, c’est celui de l’accès au crédit, c’est celui du rôle et de la place de l’interface du système bancaire dans le financement de l’économie, à partir des dépôts à vue des particuliers et de la sollicitation des marchés de capitaux !

La crise actuelle aura au moins servi à faire litière du discours rebattu sur les charges sociales et le coût du travail pour nous recentrer sur l’essentiel : comment l’économie – c’est-à-dire les entreprises, donc les salariés qu’elles emploient –, à partir des richesses qu’elle crée ou qu’elle est en situation de créer, peut-elle compter sur l’assistance du système de crédit ?

Vient à l’esprit un autre faisceau de critiques et de questionnements, portant sur la logique qui sous-tend l’ensemble du projet de loi de programmation, texte de renoncement et de mise en déclin de la dépense publique.

Les fondements idéologiques de cette démarche – et j’emploie le mot « idéologique » à dessein – sont connus. Est posé comme postulat de départ que la dépense publique est, par nature, essentiellement mauvaise et qu’il faut la réduire, pour aujourd’hui et pour l’avenir. Et, quand on ne peut pas la réduire, pour des raisons de dynamique propre, il s’agit de la comprimer, de l’encadrer, de l’enserrer dans un cadre de plus en plus étroit.

Ce projet de loi de programmation, qui postule que l’austérité est l’une des sources de l’équilibre budgétaire, participe donc du renoncement à faire de la dépense publique un élément de croissance globale de l’économie. Avouez que c’est pour le moins troublant !

Posons une question simple, qui est d’ailleurs abordée, et de la pire des manières, par le texte : est-il souhaitable, et même admissible, que les dépenses de santé progressent dans notre pays ?

Le fait que ces dépenses augmentent, souvent dans des proportions inattendues ou pas totalement « prévues », est-il un signe de mauvaise tenue de l’économie ? Au risque d’en surprendre quelques-uns, nous répondons non.

Compte tenu de bien des paramètres – allongement de l’espérance de vie, amélioration globale de la qualité des soins et des techniques médicales, prévention sanitaire... –, il est parfaitement logique que les dépenses de santé progressent dans notre pays. Cette progression n’est d’ailleurs pas uniquement un facteur aggravant de la situation des comptes publics, puisque les recettes fiscales et sociales diverses qui proviennent de l’ensemble des activités relevant des secteurs sanitaires et sociaux augmentent de manière presque aussi certaine que les dépenses.

Notre système est-il perfectible ou est-il le centre et le lieu d’une inefficience chronique de ses engagements ? Nous ne le pensons pas. D’ailleurs, si vous comparez les résultats que nous obtenons sur bien des plans – réduction de la mortalité infantile ou meilleure qualité de la prévention de nombre de maladies graves – avec ceux d’autres pays, vous constaterez que nous sommes loin du désastre !

Pourtant, le présent texte prévoit d’encadrer étroitement la progression des dépenses de santé, ce qui mettra immanquablement en cause la qualité des soins hospitaliers, l’engagement des personnels de santé, sans oublier le niveau des prestations servies aux assurés.

Cette logique de réduction de la dépense publique est particulièrement à l’œuvre s’agissant des missions du budget général de l’État, où quasiment tous les postes sont à la baisse, à l’exception notable du service de la dette. Deux raisons expliquent cette situation : d’une part, le déficit budgétaire et les difficultés de trésorerie sont largement pris en charge par la croissance exponentielle de cette dette ; d’autre part, l’indexation des taux d’intérêt de la dette publique de l’État constitue une charge croissante, comme une sorte de dîme que l’ensemble des Français paient aux spéculateurs financiers qui la détiennent !

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