Pour en finir avec l’austérité, une conclusion s’impose.
Dans un contexte récessif de crise économique aiguë, réduire la dépense publique revient à ajouter de la crise à la crise. Et les apparentes économies du jour sont bien souvent la source des dépenses, plus importantes, de demain !
Continuez à réduire les effectifs publics, notamment ceux de l’enseignement : le jour où nous n’aurons plus assez de professeurs qualifiés pour répondre au défi de la formation des jeunes, il sera trop tard !
Nous devons clairement abandonner ces logiques, qui n’ont pas plus réussi aujourd’hui qu’hier à inverser le cours de la dégradation des comptes publics.
Permettez-moi de vous rappeler, mes chers collègues – même si je ne siégeais pas au Sénat à l’époque, contrairement à certains d’entre vous ! –, qu’une loi d’orientation quinquennale sur les finances publiques avait été débattue en 1994. Il s’agissait, comme aujourd’hui, de réduire à hauteur de 2, 5 % les déficits publics – en tout cas ceux de l’État – qui atteignaient des montants astronomiques.
En toute logique, on avait encadré dans les limites de l’inflation la progression des dépenses du budget général et l’on avait rédigé un rapport volontariste sur les grandes orientations budgétaires à venir. Le ministre du budget de l’époque s’appelait Nicolas Sarkozy.
Rappelons que les objectifs fixés dans la loi de programmation n’ont pas été atteints et qu’en 1995, lors de la constitution du gouvernement Juppé, il avait fallu voter une série de dispositions accroissant sensiblement le poids des prélèvements obligatoires pour commencer à inverser la courbe des déficits. Époque étrange où la majorité du Sénat s’était empressée de débattre d’une proposition de loi relevant de deux points le taux normal de la TVA pour financer des mesures prétendument destinées à soutenir l’emploi, et avait été contrainte de voter la majoration de 10 % de l’ISF et de l’impôt sur les sociétés pour réduire le déficit budgétaire !
Quant aux difficultés de la protection sociale, elles étaient telles que vous aviez dû hâter l’adoption du plan Juppé, en fin d’année 1995, pour imposer au monde du travail la création de la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS, ressource destinée à alimenter le financement de la dette sociale par la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, créée à cet effet.
Pour autant, ce n’est qu’à compter du début de la législature 1997-2002 et de l’arrivée de la gauche au pouvoir que le niveau des déficits publics avait commencé à se stabiliser, puis à se réduire. Mieux encore : par moments, la sécurité sociale présentait un solde positif, permettant d’abonder le Fonds de réserve pour les retraites, le FRR. Quant au solde primaire budgétaire, il commençait à redevenir positif.
Mais après 2002, patatras ! Nous avons connu le retour des difficultés économiques et la renaissance des déficits exponentiels, une tendance qui ne s’est pas vraiment interrompue – bien au contraire ! –, comme l’atteste la situation présente.
Sortir de la spirale des déficits ne se décrète donc pas au fil d’une loi de programmation visant à agir de manière exclusivement comptable sur les finances publiques.
Selon nous, la finalité de la réduction des déficits doit être inscrite dans une démarche globale faisant, de nouveau, de l’action publique l’un des éléments de la croissance et de l’emploi. Nous devons favoriser tout ce qui fait levier pour le développement de l’activité économique en recherchant la meilleure utilisation possible des dépenses budgétaires de l’État comme de l’outil de la dépense fiscale.
Imaginez que nous fassions un autre sort aux sommes considérables que nous mobilisons pour alléger les cotisations sociales des entreprises, pour empiler les unes sur les autres les niches fiscales, pour modifier sans la réformer la fiscalité directe locale !
Au demeurant, une bonne part du déficit actuel est liée à la persistance de mesures inadaptées.
Quand on accroît de 10 milliards d’euros – c’est-à-dire de près de 7 milliards d’euros, impôt sur les sociétés déduit – les allégements, aveuglément distribués, de cotisations sociales, on ne fait rien d’autre que détériorer gravement le solde public global, sans effets patents sur le niveau de l’emploi, et encore moins sur la croissance !
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale lui-même prévoit une perte de recettes pour les régimes obligatoires de base de 42 milliards d’euros.
M. le ministre n’écoute pas : il ne pourra donc pas me répondre !