A ce stade du débat sur l’article 8, qui traite, en l’état actuel, de la contribution financière de l’État, j’aborderai plusieurs points.
En premier lieu, je souhaite poursuivre le débat qui a été engagé hier au sein de la commission des finances à la suite du rapport de notre collègue rapporteur pour avis, M. Longuet
Nous voulions présenter un amendement prévoyant le remboursement intégral des frais engagés par les communes. Le terme « intégral » a subi le couperet de l’article 40 de la Constitution, article que nous ne sommes pas parvenus – pas encore, dirai-je – à supprimer lors de l’examen, voilà peu, du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République.
Monsieur le ministre, lors de votre audition par la commission des affaires culturelles, le 18 juin dernier, vous avez dit que le projet de loi créait « une nouvelle compétence au profit des communes » et que, à ce titre, il appartenait « au législateur de fixer le montant et les modalités de la compensation financière attribuée aux collectivités pour l’accomplissement de cette tâche ».
Vous avez donc, ce jour-là, prononcé le mot « compensation », ce qui permet à nos collègues rapporteurs de présenter deux amendements identiques et de substituer au terme « contribution » celui de « compensation ». On avance !
Mais, pour notre part, nous voulions que cette compensation soit intégrale. A la lecture du compte rendu analytique des débats de ce matin, je note que M. Richert a utilisé le terme « intégrale », ce qui veut bien dire que nous étions dans le même esprit que nos collègues en défendant la notion de compensation intégrale.
Notre amendement a été refusé au motif qu’il allait au-delà des intentions du Gouvernement, qui n’avait pas la volonté de rembourser sur facture les collectivités ; M. le ministre s’en expliquera d’ailleurs tout à l’heure, puisque le Gouvernement présente lui-même un amendement relatif à la compensation.
Nous craignons, en tout cas à ce stade, que les communes ne soient pas remboursées à l’euro près de l’intégralité des frais qu’elles auront eu à payer pour l’organisation de cet accueil. Outre les frais concernant le personnel chargé de cet accueil, elles devront supporter les dépenses annexes telles que le chauffage, l’électricité ou le transport scolaire, s’il y a lieu.
Connaissant les mauvaises habitudes de l’État, nous pensons qu’il laissera une partie du coût financier de la mise en place de cet accueil à la charge des communes.
En deuxième lieu, je souhaite attirer l’attention du ministre et des rapporteurs sur la rédaction actuelle de l’article 8, qui reprend celle de la circulaire parue en janvier 2008, quant aux critères de fixation de cette contribution financière : je n’entre pas dans le détail, mais celle-ci est fonction du nombre d’élèves accueillis.
Là encore, nous redoutons le pire, parce que nous souhaitons que le critère retenu soit non pas celui du nombre d’élèves accueillis, mais celui des charges réellement exposées par la commune pour mettre en place ce service minimum.
De toute façon, les communes ne pourraient pas se satisfaire d’une indemnité forfaitaire qui serait d’emblée sous-évaluée.
Je vous rappelle que l’Association des maires de France a jugé, à de nombreuses reprises, que la contribution évoquée jusqu’ici était insuffisante au motif qu’elle ne prendrait en charge qu’une partie des frais.
En troisième lieu, et cet argument est important, l’article 8 nous paraît contraire aux dispositions de l’article 72-2 de la Constitution, qui dispose : « Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ».
Or l’article 8 du projet de loi renvoie à un décret le soin de fixer le montant et les modalités de versement de cette contribution. Il se pose donc un problème constitutionnel, que je ne développerai pas. Dans votre amendement, monsieur le ministre, vous renvoyez également à un décret le soin de fixer le montant d’une contribution minimale. Nous attendrons donc l’appréciation du Conseil constitutionnel, qui, nous l’espérons, reconnaîtra les pouvoirs du Parlement, car c’est au Parlement qu’il appartient de fixer le montant de cette contribution, et non à l’exécutif.
En dernier lieu, les contributions versées seraient financées par les retenues sur salaire des enseignants grévistes du primaire et du secondaire. Monsieur Longuet, vous avez utilisé cet argument hier et, selon vos calculs, ce mécanisme devrait permettre d’équilibrer les finances de l’État.
Permettez-nous de nous méfier ! Comparaison n’est pas raison, mais nous avons trop l’habitude des calculs qui nous sont présentés par le Gouvernement. Nous en avons notamment un très mauvais exemple avec le bonus-malus vendu par M. Borloo : il ne devait pas coûter un sou à quiconque, mais, dès les quatre premiers mois d’application du dispositif, force est de constater que son coût s’élèvera à environ 200 millions d’euros !
Mes chers collègues, nous ne pouvons pas laisser le Gouvernement faire porter sur les collectivités locales l’essentiel du rééquilibrage des finances publiques. Il ressort de la présentation faite, hier, par le Premier président de la Cour de comptes, Philippe Séguin, sur l’état des finances publiques et l’orientation prise par rapport à l’objectif de retour à l’équilibre en 2012, que l’État fait porter les deux tiers de cet engagement sur les dépenses des collectivités locales, et nous savons tous que cela n’a aucun caractère de réalité.
Monsieur le ministre, ayant été vous-même maire pendant douze ans, sans doute comprendrez-vous la position non partisane prise par M. Alain Lambert, auteur d’un important rapport sénatorial sur la fiscalité locale, position que nous partageons tous au sein de la commission des finances – vous pouvez en faire part à votre collègue ministre du budget –, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons : il faudrait, dans la dépense publique au titre des collectivités locales, séparer les dépenses relevant de l’autorité délibérante – la commune, le département, la région – et celles qui sont d’origine législative et réglementaire. C’est le cœur de notre débat !
Cela rétablirait la réalité des dépenses engagées par les collectivités locales et cela éviterait au Gouvernement de faire porter sur elles la très grosse responsabilité du déficit des finances publiques.