Intervention de Nathalie Goulet

Réunion du 7 décembre 2007 à 9h30
Loi de finances pour 2008 — Santé

Photo de Nathalie GouletNathalie Goulet :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ainsi que je l'ai dit rapidement lors du vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, je réitère aujourd'hui mon attachement aux politiques de prévention, notamment aux politiques liées à l'éducation en matière alimentaire.

Je suis heureuse de constater que des enfants assistent ce matin, dans les tribunes, à nos débats, parce qu'ils vont être très intéressés par mes observations sur la prévention des risques en matière d'alimentation des enfants.

Mon mari a été longtemps président de la sous-commission de l'agriculture et de l'alimentation du Conseil de l'Europe. C'est la raison pour laquelle je suis aussi particulièrement attachée à ces questions.

On creuse sa tombe avec sa fourchette. Notre alimentation est notre première médecine.

Dans bien des domaines, l'heure n'est plus ni aux colloques, ni aux rapports, ni aux études, ni même à une journée mondiale contre l'obésité infantile.

Madame la ministre, l'heure est définitivement à l'action, surtout si l'on considère qu'un milliard de personnes sont en surpoids sur la planète, dont 300 millions sont obèses, chiffre qu'il faut comparer aux 842 millions de personnes qui souffrent de malnutrition. Dans ce domaine, se posent évidemment des problèmes de société.

L'obésité est une pandémie, c'est aussi un facteur aggravant d'autres maladies.

Avec 12, 4 % d'adultes obèses, auxquels s'ajoutent 29 % de personnes en surpoids, ce sont au total 41 % de Français adultes qui sont en surcharge pondérale. Ce fléau n'épargne pas les jeunes, puisque 1, 5 million d'entre eux souffrent d'obésité.

Au-delà de l'image corporelle, l'obésité a des conséquences graves sur la santé : élévation des graisses dans le sang entraînant de nombreux problèmes cardiovasculaires, insuffisances respiratoires, diabètes, augmentation de la pression artérielle.

La probabilité d'attaque cérébrale est multipliée par deux dans le cas d'un indice de masse corporel supérieur à 30, et l'espérance de vie est réduite de dix ans.

Les pathologies liées à l'obésité entraînent des coûts considérables pour les individus et la collectivité. Madame la ministre, je veux insister sur les conséquences absolument dramatiques de l'obésité ; une politique de prévention massive pourrait, me semble-t-il, alléger l'ensemble de nos déficits.

La Commission européenne a estimé que les dépenses liées à l'obésité coûtent chaque année entre 75 milliards et 130 milliards d'euros à l'Europe des Quinze. Les personnes obèses dépensent en moyenne 27 % de plus en soins de ville et 39 % de plus en produits pharmaceutiques.

Faudra-t-il en arriver à prendre les mêmes mesures que le maire de Philadelphie, qui a engagé une croisade en la matière en lançant le programme « Comment perdre 76 kilos en 76 jours ? ».

Après avoir perdu quarante kilos, une habitante de cette ville confiait qu'elle n'avait plus besoin d'insuline, de bonbonne à oxygène ni de déambulateur. Au final, cette croisade massive a permis une réduction des coûts liés à l'obésité.

Par ailleurs, aux Etats-Unis encore, une étude a été menée dans une classe qui suivait un cours de sécurité routière, au milieu duquel on a passé des spots publicitaires pour une pizza. À l'heure du déjeuner, 85 % des enfants de cette classe se sont dirigés sans hésitation vers les pizzas, alors que le pourcentage a été inférieur à 10 % dans une autre classe qui n'avait pas été sensibilisée à cette publicité.

Madame la ministre, les enjeux en matière de prévention représentent près de 40 milliards d'euros. Comme on l'a dit à plusieurs reprises, il faut absolument former les médecins. Savez-vous que plus de la moitié des patients qui commencent un traitement anti-cholestérol n'ont jamais essayé au préalable de suivre un régime pauvre en graisses ? On commence par ingurgiter des médicaments avant de faire un effort !

Je dirai un mot sur les maladies cardiovasculaires.

Une étude finlandaise montre que le fait de réduire d'un gramme notre consommation de sel entraîne une chute de près de 75 % du nombre des maladies cardiovasculaires chez les personnes âgées de moins de soixante-cinq ans.

Dès 1998, notre collègue Michel Dreyfus-Schmidt a alerté les autorités sur ce sujet, posant chaque année la même question sur les excès de sel dans l'alimentation industrielle. Il lui a été répondu que notre situation n'était pas différente de celle de nos voisins, et qu'il n'y avait pas de quoi s'alarmer. Que de temps perdu, mes chers collègues !

Quant aux affections de longue durée, qui sont remboursées à 100 % par l'assurance maladie, elles nous donnent des indications sur leur coût actuel et futur, et une bonne part d'entre elles pourraient être évitées si des mesures de prévention étaient mises en place.

Le coût des affections de longue durée, ALD, est de 38 milliards d'euros. Cela représente cinq fois le déficit annuel de la sécurité sociale en 2005, 13 % des recettes de l'État, le montant annuel des intérêts de la dette de l'État et 60 % du budget de l'éducation nationale !

Madame la ministre, il est temps de se saisir sérieusement de ce problème ! Il est indispensable de dépasser le cadre strictement médical et de concentrer nos efforts sur la prévention de l'obésité infantile.

Des informations à caractère sanitaire défilent sous les messages publicitaires relatifs aux produits alimentaires : « Pour votre santé, évitez de mangez trop gras, trop sucré, trop salé » ou « Pour votre santé, bougez plus ». Elles sont absolument insuffisantes au regard du contenu du message publicitaire : par exemple, la tartine de Nutella, si fascinante et irrésistible, ou encore la pizza dont le parfum semble crever l'écran ! La forme du message publicitaire est extrêmement importante et il reste nombre de mesures à prendre sur les points de prévention. Je pense notamment à l'obésité infantile.

Certes, ce n'est pas si simple. J'écoutais l'allusion de notre collègue Bernard Murat au coût des fruits et légumes. Pourtant, le bilan coût-avantage d'une vraie politique de prévention en matière de risques et de sécurité alimentaire est évident et prouvé ; de nombreux rapports l'attestent.

Madame la ministre, vous avez une vraie croisade à mener sur ce thème. Nous sommes tous prêts à y travailler et nous serons tous à vos côtés. Si, grâce à la prévention, nous parvenons à réduire le déficit budgétaire d'environ 38 milliards d'euros - c'est, semble-t-il, le chiffre avancé par l'OCDE -, la tâche de notre valeureux président de la commission des finances du Sénat sera facilitée !

Madame la ministre, les membres du groupe du RDSE et moi-même voterons votre budget. Toutefois, nous avons tous à travailler sur ces problèmes d'obésité qui sont extrêmement importants. Cette action marquera, je crois, votre ministère.

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