Je suis tout à fait d’accord avec M. le rapporteur. Mais l’importance du point soulevé par Mme Bricq va me permettre, à la fois pour cette discussion et pour la jurisprudence future, de faire un commentaire.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que vous examinez aujourd’hui est le premier des projets de loi de la République à faire de l’évaluation environnementale un élément déterminant de la décision, au même titre que les évaluations socio-économiques.
C’est pourquoi, madame la sénatrice, les dispositions de la loi d’orientation sur les transports intérieurs de 1982 auxquelles vous vous référez pour la constitution du dossier préparatoire au débat public nous sont apparues très largement insuffisantes.
Je voudrais en particulier insister sur le fait que nous avons été soucieux d’assurer un niveau élevé de protection de l’environnement en veillant, concrètement, à l’intégration de ces considérations dans le processus d’élaboration du schéma.
En nous inscrivant de manière volontaire dans la droite ligne des exigences des Nations unies et des orientations du Grenelle, nous avons fait le choix de l’innovation – et c’est une première – en soumettant le projet de métro automatique à une évaluation stratégique environnementale préalable.
J’insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas là de l’étude classiquement présentée depuis plus de vingt ans. Je parle de l’évaluation stratégique prévue par la directive 2001/42/CE dite « plans et programmes ».
J’observe du reste que le projet de loi Grenelle II prévoit de compléter prochainement les dispositions de transposition de cette directive, afin de les mettre en adéquation avec les exigences rappelées par la Commission européenne le 8 octobre dernier.
Nous avons engagé cette évaluation depuis l’été dernier, dans le cadre d’un marché public notifié le 9 novembre 2009, pour un montant atteignant 650 000 euros. Quatre bureaux d’études de renommée internationale dans chacun de leurs domaines d’expertise sont ainsi au travail depuis déjà de longs mois.
Je me permets, au passage, d’attirer votre attention sur le fait que de telles études n’ont pas encore été conduites pour le projet Arc Express.
Cette évaluation stratégique environnementale, qui sera terminée et remise en juillet prochain, s’appuie en premier lieu sur la connaissance la plus exhaustive possible de l’état initial de l’environnement sur toutes les thématiques pouvant être impactées par le projet : qualité de l’air, émissions de gaz à effets de serre, bruit, ressource en eau, risques, milieux naturels, agriculture, sites et monuments protégés, ressources minérales du sous-sol et du sol.
Le fuseau retenu pour cette analyse exhaustive couvre plus de 160 communes et une largeur minimale de trois kilomètres, permettant ainsi de retenir véritablement le meilleur tracé et d’en justifier le choix, notamment en expertisant de manière approfondie les possibilités de passage en mode aérien.
À partir de là, les incidences de la mise en œuvre du projet seront évaluées sur la base de modélisations pendant la phase de travaux mais également à l’horizon 2035, soit environ dix ans après la mise en service du métro automatique, comme le requiert la directive.
Le résultat de ces études sera soumis, comme le prévoit le code de l’environnement, à l’avis indépendant de l’autorité environnementale, et l’ensemble sera présenté au débat public à l’automne.
Permettez-moi de m’arrêter quelques instants sur un exemple simple. Chacun le sait, la géologie est l’élément de base de l’analyse de tout projet d’infrastructure. En effet, dans le cas des infrastructures aériennes, les ancrages sont positionnés dans les roches superficielles, les dix à quinze premiers mètres en général. Les tunnels, quant à eux, sont creusés directement dans les entités géologiques en place à une profondeur généralement comprise dans la région entre vingt et quatre-vingts mètres, mais parfois plus : le tunnel de l’autoroute A 86, entre Vaucresson et Rueil-Malmaison, présente une profondeur maximale de presque cent mètres.
Il se trouve que, si l’on envisage de contourner Paris par l’est, entre Champigny, Noisy et le Bourget, par exemple, l’analyse des géologues met en évidence le risque de percuter la formation de l’éocène du Valois. Dit ainsi, cela ne parle guère, mais cela signifie tout simplement qu’un ouvrage souterrain, selon sa profondeur et son tracé, est susceptible d’affecter des roches contenant de l’eau.
Or ces couches constituent une ressource en eau importante du nord de Paris. De plus, ce tronçon, comme d’autres du reste, est fortement concerné par les forages, que nous avons localisés en totalité.
Les risques d’interférence avec des zones sollicitées pour les prélèvements d’eau ne peuvent être ignorés. Il est donc indispensable de les évaluer très précisément en amont, sauf à risquer de découvrir trop tard qu’un métro souterrain entraînerait une réduction du volume disponible pour l’alimentation en eau potable.
C’est d’autant plus sensible que, chaque année, les habitants de la petite et de la grande couronne sont soumis à des restrictions des usages de l’eau pendant l’été, et même de plus en plus souvent jusqu’à l’automne.
La connaissance préalable et exhaustive des conditions environnementales, qu’il s’agisse des risques naturels, de la protection de la qualité des milieux aériens et souterrains ou de la prévention des nuisances, est déterminante pour permettre une décision véritablement éclairée, techniquement mais également économiquement.
Dans le cadre de l’évaluation environnementale, la totalité du fuseau envisagé, sur une bande de plus de trois kilomètres de large, a donc été à ce jour entièrement cartographiée, en surface mais également en sous-sol, jusqu’à une profondeur de cent mètres. Nous avons donc anticipé les difficultés éventuelles en matière de génie civil dont chacun sait qu’elles sont, dans les projets insuffisamment préparés, génératrices de surcoûts importants et de dérives financières.
Madame la sénatrice, voilà très concrètement ce que nous faisons pour prendre en compte les préoccupations d’ordre environnemental et, de façon corollaire, pour maîtriser les coûts.
Plus généralement, nous estimons que nous ne pouvons faire l’impasse sur une telle évaluation, tant elle est stratégique au regard des incidences de nos projets d’infrastructure sur la vie quotidienne de nos concitoyens, le développement réellement durable de la région-capitale et les finances publiques.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai pris le soin d’exposer longuement ce point car, d’une certaine manière, ce dernier est symbolique de l’approche que nous avons choisie dans le cadre de l’élaboration du projet du Grand Paris : asseoir en toute transparence la décision sur des données objectives, qu’il s’agisse des risques naturels, technologiques, des incidences éventuelles sur la production d’eau potable, la biodiversité, les émissions de polluants atmosphériques, le climat ou encore les nuisances sonores.
J’avais indiqué hier à Mme Voynet qui m’interrogeait sur cette question que je lui apporterais des précisions. Je regrette qu’elle ne soit pas là.