Intervention de Simon Sutour

Réunion du 27 juin 2006 à 9h30
Prévention des violences lors des manifestations sportives — Adoption définitive d'une proposition de loi en deuxième lecture

Photo de Simon SutourSimon Sutour :

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, ainsi que cela a été dit, nous devons cette nouvelle lecture au fait que les dispositions de la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives viennent d'être codifiées par ordonnance au sein du code du sport, ce qui a entraîné l'abrogation de cette loi en tant que telle.

Un tel chassé-croisé illustre l'instabilité croissante du droit, ce qui est source de complexité et d'insécurité. Le phénomène est d'ailleurs dénoncé de longue date par les plus hautes autorités de l'État, qu'il s'agisse du Président de la République, ou des présidents du Sénat, de l'Assemblée nationale, du Conseil constitutionnel ou encore du vice-président du Conseil d'État.

Toutefois, il ne s'agit pas d'intenter de mauvais procès. La codification contribue à la simplification formelle du droit, car elle clarifie et ordonne les règles applicables pour les citoyens.

La position du groupe socialiste n'a pas varié. Nous adopterons la présente proposition de loi, mais en signalant que l'ensemble des réserves que nous avions soulevées en première lecture n'ont trouvé aucun écho ni de la part du Gouvernement ni de la part du rapporteur de la commission des lois.

Je ne reviendrai pas sur les modalités de présentation de cette proposition de loi. Le Gouvernement a préféré le véhicule d'une proposition de loi plutôt que celui d'un projet de loi. Or un travail préalable et approfondi aurait permis de traiter des questions connexes.

J'insisterai sur le risque de dérives auxquelles peut conduire l'adoption de deux catégories de mesures.

Je pense à la disposition relative à la participation de la réserve civile de la police nationale à la prévention des violences à l'occasion des manifestations sportives, ainsi qu'à la mesure phare de cette proposition de loi, c'est-à-dire la nouvelle dissolution administrative des associations et groupements de fait dont les membres commettent des violences lors des manifestations sportives.

S'agissant du premier point, j'avais dénoncé en première lecture une telle extension déguisée du champ d'action de cette catégorie d'intervenants, ainsi que l'absence d'information sur les modalités pratiques de ces recours, en particulier les conditions de rétribution des réservistes, alors que ces derniers sont tenus à un nombre restreint de missions.

S'agissant du second point, qui vise à permettre la dissolution par décret de toute association violente et raciste, on peut être surpris par le choix de créer une commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives, alors que le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, vient de nommer un coordonnateur national chargé du football. On nous certifie qu'il ne s'agit pas là d'un énième « comité Théodule ». Nous voulons bien le croire. L'avenir le dira !

Cependant, et je le redis, le recours à une nouvelle instance de temporisation correspond à une forme d'éclatement de l'autorité de l'État. Celui-ci n'ose plus prendre directement ses responsabilités, alors qu'il dispose déjà sans conteste des moyens d'agir.

Il serait excessif d'évoquer le rétablissement de la loi du 8 juin 1970 tendant à réprimer certaines formes nouvelles de délinquance, dite loi « anti-casseurs », qui permettait de poursuivre tout participant à un rassemblement interdit sans qu'il ait nécessairement commis personnellement des violences. Une telle « responsabilité collective » heurte de plein fouet un principe du droit pénal, selon lequel chacun est responsable de ses propres actes et pas de ceux de son voisin, sauf au risque d'injustices flagrantes.

Cependant, le dispositif de la présente proposition de loi, dont les objectifs sont certes louables, ouvre la voie à la mise en place d'une législation de ce type. La pression sécuritaire est telle que ce qui avait été abrogé en 1981 pourrait de nouveau sembler légitimé par les faits. En effet, la crise des banlieues et les défilés contre le contrat première embauche, le CPE, ont créé un appel d'air. Ainsi, le 18 mars 2006, un député a déposé une proposition de loi tendant au rétablissement de la loi anti-casseurs. Une telle demande est relayée par les mouvements et partis extrémistes. Évidemment ! Or il faudrait au contraire agir avec prudence et éviter d'entretenir ce climat délétère.

En outre, je regrette que le Sénat ait rejeté les garanties demandées par le groupe socialiste, qui visaient à rendre obligatoire l'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, sur la mise en place des fichiers de supporters.

En effet, dans la mesure où l'application concrète des mesures judiciaires ou administratives d'interdiction de pénétrer dans une enceinte sportive ou de se rendre aux abords peut se traduire par l'enregistrement informatique des personnes ainsi frappées d'exclusion, il convenait de prévoir le recours à l'avis préalable de la CNIL et de le rendre obligatoire dans le texte de la proposition de loi.

Cela aurait permis de s'assurer que la mise en place de ces dispositifs se fait en parfaite conformité avec la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dite loi « informatique et libertés ».

Je suis d'autant plus surpris que, lors de l'examen du projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration, projet de loi qui sera définitivement adopté cette semaine, la commission des lois avait elle-même souhaité que, pour la gestion informatique des centres d'accueil pour demandeurs d'asile, on renvoie à la loi du 6 janvier 1978.

Tout le monde connaît le rôle essentiel que joue la CNIL en matière de protection des droits et des libertés fondamentales. Il faut conforter le rôle de cette autorité administrative indépendante dans la loi chaque fois que nous le pouvons.

Je profite de cette occasion pour mentionner l'excellent rapport intitulé Les autorités administratives indépendantes : évaluation d'un objet juridique non identifié, que vient de rédiger notre collègue le doyen Gélard dans le cadre des travaux de l'office parlementaire d'évaluation de la législation.

J'espère simplement que, lorsque notre collègue déclare que l'indépendance de ces organisations ne doit pas signifier l'irresponsabilité, il ne cherche pas à écorner indirectement leur autonomie et donc leur mission de contrôle.

Cela dit, et en dépit des réserves que je viens de rappeler, le groupe socialiste juge légitime l'objectif visé par cette proposition de loi. C'est la raison pour laquelle il émettra un vote positif.

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