Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la seconde fois - je dis bien « seconde », et non pas « deuxième », car j'espère que nous n'aurons pas à y revenir -, le Sénat est appelé à modifier les modalités de fonctionnement du conseil d'administration du STIF.
Il est vrai que la décentralisation des transports collectifs est le fruit - si je peux m'exprimer ainsi - d'une gestation douloureuse. De juillet à mars, elle a duré neuf mois.
Étant tous les deux membres de la commission des finances, j'ai eu l'occasion de débattre dans cette enceinte avec Roger Karoutchi des compensations financières, lors de l'examen tant du projet de budget pour 2005 que du projet de budget pour 2006.
La compensation de ce transfert n'étant pas correcte au départ, le groupe socialiste a demandé que la région d'Île-de-France bénéficie de la même équité que celle qui avait été appliquée aux autres régions en 2001, sous le gouvernement Jospin.
On a alors assisté à une partie de bras fer et, en signe de protestation, la région et les départements de gauche ont décidé de ne pas désigner leurs représentants au conseil d'administration du STIF.
La commission consultative d'évaluation des charges, présidée par notre collègue Jean-Pierre Fourcade, a dégagé les voies d'un compromis, qui reste à finaliser ; le Gouvernement doit sortir de l'ambiguïté.
Cela étant, on atteignait l'objectif recherché.
Hélas ! lors de l'examen du texte qui est devenu la loi du 6 janvier 2006 relative à la sécurité et au développement des transports, et alors que les conditions paraissaient remplies pour désigner les représentants au conseil d'administration, l'Assemblée nationale a adopté, sur l'initiative de Patrick Devedjian, député UMP et vice-président du conseil général des Hauts-de-Seine, un amendement qui reniait les principes de la décentralisation en réinstallant le préfet à la tête du conseil d'administration du STIF et mettait un coup de frein au développement des transports collectifs, en instaurant un véritable droit de veto au profit de collectivités locales très minoritairement contributrices. Je rappelle que 80 % des financements publics proviennent de la région et de Paris.
Lors de la commission mixte paritaire, mes collègues du groupe socialiste, notamment mon ami Daniel Reiner, ont défendu un amendement visant à supprimer cette disposition. Il a été repoussé au profit d'une nouvelle rédaction qui ne nous paraissait pas plus acceptable que la première.
Si la loi du 6 janvier 2006 restait en l'état, on aboutirait à une situation où trois départements, les Yvelines, les Hauts-de-Seine et le Val-d'Oise, pourraient bloquer toute action nouvelle en faveur des transports collectifs en Île-de-France.
Cette décision, impromptue, a forcément entraîné une riposte : lors de la séance du 20 janvier, la majorité du conseil régional a décidé de modifier le règlement intérieur du conseil afin de permettre à son président de se réserver le droit, pour désigner les représentants de cette instance, d'utiliser soit le scrutin proportionnel, soit le scrutin majoritaire. Dans ce dernier cas, aucun élu de la droite régionale ne siégerait au conseil d'administration du STIF.
Cette situation de blocage pouvait-elle perdurer ? Notre collègue Roger Karoutchi et plusieurs de ses collègues d'Île-de-France ont pensé que ce n'était pas possible. Ils ont donc déposé, le 25 janvier dernier, la proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui, afin de sortir du mauvais pas dans lequel l'UMP s'était mise.
L'article unique de la proposition de loi revient donc sur les modalités de fonctionnement du conseil d'administration du STIF. Le mécanisme proposé est assez complexe.
Le texte pose le principe selon lequel les délibérations à caractère budgétaire ou ayant une incidence budgétaire sont adoptées à la majorité absolue, ce qui n'était pas précisé dans l'ordonnance du 7 janvier 1959 régissant l'organisation du STIF.
Il prévoit, par ailleurs, une exception à ce principe pour les délibérations qui ont pour effet d'accroître les charges de fonctionnement du STIF. Le vote à la majorité absolue est la règle. Néanmoins, une seconde délibération peut être demandée. La demande doit émaner d'un représentant des conseils généraux ou du conseil régional, invoquant « l'intérêt majeur » - notion juridique dont l'appréciation est pour le moins aléatoire - de sa collectivité. Cette demande doit être confirmée par un vote à la majorité des deux tiers de la collectivité concernée. Si tel est le cas, la seconde délibération ne peut être adoptée qu'à la majorité qualifiée des deux tiers.
Le rapporteur, M. Philippe Dominati, a modifié assez sensiblement la proposition de loi - dans le bon sens, je dois le dire - en limitant dans le temps la possibilité d'avoir recours à cette procédure dérogatoire. Si la disposition est adoptée, à partir du 1er janvier 2013 le droit commun s'appliquera, à savoir le vote à la majorité absolue. Cela est de nature à rassurer nos collègues qui n'appartiennent pas à l'Île-de-France et qui pouvaient s'interroger sur le principe même d'une procédure dérogatoire.
Je dirai un mot sur l'esprit de la décentralisation. Il me paraît important que l'on revienne à l'esprit originel. Les grandes lois Defferre de 1982 étaient inspirées par un esprit de générosité et d'efficacité. Un quart de siècle plus tard, cet esprit a été quelque peu abandonné, pour ne pas dire détourné ou dévoyé, par l'application de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.
En effet, en assimilant décentralisation et transferts de charges vers les collectivités locales - charges que l'État impécunieux ne veut plus assumer - sans assurer la totalité des compensations, le Gouvernement a pris le risque de faire douter nombre d'élus locaux, de gauche ou de droite, de la pertinence même de la décentralisation.