Intervention de Aymeri de Montesquiou

Réunion du 27 juin 2006 à 16h20
Règlement définitif du budget de 2005 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Aymeri de MontesquiouAymeri de Montesquiou :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, année après année, les gouvernements successifs tentent de nous convaincre que l'ère de l'irresponsabilité financière est révolue. Hélas ! nous sommes bien forcés de constater que l'état financier de la France se dégrade toujours un peu plus - même si l'on constate un mieux -, la conduisant à une situation insupportable.

Le ministre des finances, à son arrivée à Bercy, avait impulsé un ton nouveau, en rupture avec nombre de discours convenus. Il affirmait que la France vivait au-dessus de ses moyens ; il tenait enfin le langage de vérité dont nous ne pouvions plus faire l'économie. Malheureusement, les comptes de l'État s'illustrent toujours par l'ampleur de leur déficit.

Si l'endettement massif n'est historiquement pas une nouveauté, jamais notre pays n'avait connu d'aggravation tendancielle et prolongée comme celle des vingt-cinq dernières années. L'énormité des chiffres confine à l'abstraction : plus de 1 060 milliards d'euros de dette et, si la tendance se poursuivait, un ratio d'endettement de 130 % en 2020 et de 400 % en 2050.

Aujourd'hui, la gravité de la situation nous interdit toute présentation fallacieuse. Le rapport de notre collègue Paul Girod, consacré à la dette, mettait en évidence que l'extrême fragmentation des passifs de l'État travestissait la réalité en excluant certaines dettes de la comptabilité générale : caisse d'amortissement de la dette sociale ou CADES, service annexe d'amortissement de la dette de la SNCF, budget annexe « contrôle et exploitation aériens ».

Dans le même ordre d'idée, les engagements financiers latents de l'État, qui incluent surtout le régime de retraite des fonctionnaires d'État, pèseraient 380 milliards à 490 milliards d'euros supplémentaires.

Monsieur le ministre, la discussion du projet de loi de règlement a servi jusqu'à présent à constater sommairement l'écart entre les prévisions de la loi de finances initiale et l'exécution effective. Ce temps est révolu. L'adoption de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, a profondément modifié la pertinence de ce texte. Ce débat devient un moment de « vérité budgétaire », selon l'expression que M. Arthuis a utilisée l'année dernière.

Néanmoins, comme l'a relevé la Cour des comptes, l'exécution de la loi de finances pour 2005 a été marquée par d'importants efforts pour atteindre les objectifs initiaux en termes de soldes, de réduction, de régulation et de reports de crédits. Mais le déficit courant, établi à 43, 5 milliards d'euros, est en réalité minoré par la hausse de l'encours des correspondants du Trésor. Il faut y ajouter le recours non pérenne aux cessions d'actifs de l'État qui, si elles permettent des apports en trésorerie, ne peuvent être regardées comme des opérations de gestion efficaces, car elles ne sont pas renouvelables et sont assimilables à un investissement négatif.

La sincérité budgétaire est également affectée par des petites irrégularités, peu douloureuses prises isolément, mais qui finissent par affecter l'ensemble de l'équilibre des finances publiques. Il en est ainsi de la sous-évaluation de 1, 8 milliard d'euros des dotations de rémunération des personnels, soit 0, 6 % des dépenses du budget général, et des ouvertures de crédits par décrets d'avance, en violation de l'article 13 de la loi organique.

Il me faut également souligner les opérations de trésorerie effectuées entre deux exercices budgétaires qui, profitant ainsi du passage d'un compte à un autre, neutralisent artificiellement l'incidence budgétaire de milliards d'euros de dépenses. Ainsi, je citerai le remboursement à l'État de 5, 9 milliards d'euros effectué le 5 janvier 2006 par l'Agence centrale des organismes d'intervention dans le secteur agricole, rattaché juridiquement à l'exercice 2005, mais suivi le même jour d'un nouveau tirage qui sera, lui, imputé sur l'exercice 2006.

Encore plus inquiétante est l'évolution de la dette constatée au cours de cet exercice budgétaire : plus de 38 milliards d'euros, soit 14 % des dépenses du budget général.

Comme je l'ai déjà évoqué, notre stock de dette publique, qui continue toujours de croître à un rythme beaucoup trop important, rend l'obligation de solvabilité des administrations publiques de plus en plus difficile à remplir.

En euros constants, cette dette a augmenté de 6 % par an en moyenne entre 1980 et 2004. Chaque Français supporte ainsi sans le savoir une dette d'environ 41 000 euros, soit le double de la dette privée médiane. L'organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE, a estimé que la France devrait connaître un excédent budgétaire courant au moins égal à 1, 7 % pour ne serait-ce que stabiliser le ratio dette/PIB. Nous en sommes, hélas ! bien loin.

La charge de cette dette constitue le second poste de dépense de l'État. Quel ménage, quelle entreprise, quelle collectivité locale pourrait supporter une telle contrainte sur le long terme ? Il faut prélever toujours plus de ressources sur la production nationale pour réparer l'absence de courage des gouvernements successifs.

L'objectif n'est pas, bien sûr, de supprimer la dette de l'État. Mais il faut concentrer nos politiques d'emprunt uniquement sur les investissements qui satisfont l'intérêt général, et lui seul. C'est exactement ce qu'a fait le Royaume-Uni, monsieur le ministre, en instaurant en 1998 un code de stabilité budgétaire dont l'objectif avoué est d'appliquer aux investissements publics les mêmes règles qu'à l'investissement privé. Ainsi, l'endettement public ne peut dépasser 40 %, et le rendement attendu d'un investissement doit satisfaire ex ante la dépense initiée.

Les dépenses d'investissement sont donc sanctuarisées, même si la conjoncture est cycliquement défavorable. Chez nous, ce sont certaines dépenses de fonctionnement qui le sont. Par cette politique volontariste et raisonnée, le Royaume-Uni a très significativement renforcé ses investissements publics sans détériorer ses finances publiques.

Telle est la tâche qui nous incombe : réduire les dépenses de fonctionnement de facilité qui réduisent d'autant nos marges de manoeuvre en sacrifiant les seules dépenses pérennes. Au rythme actuel, seul un cinquième des dépenses peut vraiment être consacré à des postes budgétaires nouveaux : trois cinquièmes sont absorbés par des dépenses courantes, un cinquième par la dette et sa charge.

L'exemple britannique démontre qu'il est possible de redresser des situations très mal engagées.

En 1996, le ratio dette/PIB du Canada atteignait un pic de 68, 4 %. En 2003, après sept années d'exercices excédentaires, il chutait à 44 %.

Encore plus spectaculaire est le cas de la Nouvelle-Zélande : entre 1984 et 2004, la part de la dette publique est passée de 63 % à 17 % grâce à une politique d'affectation des excédents budgétaires au remboursement des charges des passifs.

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