Intervention de Thierry Foucaud

Réunion du 27 juin 2006 à 16h20
Règlement définitif du budget de 2005 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Thierry FoucaudThierry Foucaud :

Ah oui, c'est certain !

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, artifices comptables, recettes appelées en avance, reports massifs de crédits budgétaires pourtant votés par le Parlement, tout concourt, pour l'exercice budgétaire 2005, à constater que cette loi de règlement témoigne des choix idéologiques désastreux qui ont conduit, depuis le début de la législature, à dénaturer l'action publique, tout en accroissant les déficits cumulés, alors que la croissance économique n'était pas au rendez-vous.

De la soulte exigée d'EDF au versement anticipé du premier acompte de l'impôt sur les sociétés, des annulations de crédits aux arrêtés de répartition, tout a été mis en oeuvre cette année !

Et pour quel résultat ? Un niveau de déficit maintenu artificiellement sous la barre des 3 %, mais représentant une masse de près de 200 milliards d'euros en total cumulé depuis 2002, pour une croissance inférieure à 1, 5 % !

Comme l'a indiqué Nicole Bricq, la discussion du projet de loi de règlement est aussi le moment de dresser un bilan. Vous pensez que les choix budgétaires que vous avez validés de manière systématique depuis 2002 sont les seuls qui doivent s'appliquer à la situation de notre pays. Il s'agit tantôt de confirmer nos choix européens, auquel cas, nous nous enfermons dans des critères de convergence qui paraissent chaque fois plus inaccessibles, tantôt de donner à nos entreprises plus de compétitivité, sans sourciller quant à l'utilisation qui est faite des marges financières qui leur sont offertes.

Pour ne prendre que ce seul exemple, comment ne pas établir un lien entre l'insolente santé de nos marchés boursiers, malgré l'affaiblissement momentané du CAC 40, et la controverse persistante sur la réalité de la création d'emplois ?

Les moyens financiers de nos entreprises n'ont sans doute jamais été aussi importants - Total, par exemple, profite des effets de la hausse continue des prix du pétrole brut -, mais les augmentations les plus notables portent uniquement sur la rémunération du capital, les parachutes dorés et les primes d'installation confortables des PDG de nos plus grandes entreprises.

On peut estimer que Antoine Zacharias est allé un peu loin en ce qui concerne sa rémunération au sein du groupe Vinci, mais le quotidien de la plupart de nos grands patrons consiste à accumuler des plus-values sur les cessions d'actions, des avantages en nature, des rémunérations spécifiques diverses, autrement dit à procéder à une véritable vampirisation continue des recettes mêmes des entreprises. C'est arrivé à un point tel que l'on peut être incompétent, ignorer les délais de livraison de la production de sa propre entreprise, et percevoir de juteuses plus-values financières sur plans d'option d'achat d'actions !

Le contexte dans lequel nous débattons de ce projet de loi portant règlement définitif du budget de 2005 est profondément marqué par cette actualité, véritable insulte pour toutes celles et tous ceux qui subissent quotidiennement les effets de la régulation budgétaire.

Parmi ceux qu'il nous a été donné d'auditionner ces derniers jours, il n'est pas de ministre qui ne se soit félicité d'avoir réussi à maîtriser autant que possible la dépense publique réelle de son département ministériel, pas un qui ne loue les effets de la fongibilité des crédits sur la capacité à dégager des gains de productivité et des économies, dont le caractère exclusivement comptable constitue d'ailleurs la limite. On économise des bouts de chandelle, mais l'incendie continue de se propager !

Deux faits politiques majeurs ont marqué l'année 2005, mes chers collègues.

Le premier, au détour de la large controverse populaire et publique menée au cours de l'hiver et du printemps, a été le rejet massif, par le suffrage universel, du projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe.

Ce vote témoigne de la large condamnation par les Français d'une certaine manière de voir la vie, de concevoir le fonctionnement de notre économie et de notre société, qui continue pourtant à trouver défense et illustration dans les politiques menées par le Gouvernement.

Le second fait majeur, ce sont les événements de l'automne 2005, dans les banlieues et les quartiers populaires, et qui n'ont suscité, pour l'heure, que deux réactions inadaptées : tout d'abord, la mise en oeuvre d'un état d'urgence stigmatisant, héritage d'une époque révolue, et désignant à la vindicte publique les jeunes issus des milieux les plus modestes et offrant à quelques-uns l'occasion de faire jouer la fibre sécuritaire, à défaut de rétablir la sécurité ; ensuite, face aux difficultés d'emploi dont souffrent ces jeunes, la mise en place du contrat première embauche, le fameux CPE, véritable destruction programmée du droit du travail.

Mes chers collègues de la majorité, ce CPE, vous l'avez soutenu, contre toute évidence et contre l'opinion largement majoritaire de nos compatriotes, des salariés, de la jeunesse étudiante et lycéenne ! Vous avez dû consacrer sa disparition ici même, voilà deux mois et demi, sans pour autant tirer les conséquences réelles de la situation.

Depuis des années et des années - trop d'années -, vous condamnez notre pays à la précarisation des conditions de travail, à l'insécurité de l'activité professionnelle, au nom de la compétitivité de nos entreprises, mais surtout de la restauration permanente de leur rentabilité financière. Depuis vingt ans, nous assistons, pour toute politique, à la baisse continuelle de l'impôt sur les sociétés, à la réduction de son assiette, à la diminution de la taxe professionnelle, à l'allégement des cotisations sociales normalement dues par les entreprises.

Au terme de cette phase historique, les sommes ainsi dépensées se révèlent particulièrement spectaculaires. Ainsi, depuis 1985, 450 milliards d'euros auront été engloutis dans ces politiques de moins-disant social et fiscal en faveur des entreprises ! Je dis bien 450 milliards d'euros, mes chers collègues, c'est-à-dire la moitié de l'encours de la dette publique négociable de l'Etat !

Et puisque vous êtes si attentifs et sourcilleux quant aux évolutions de la dépense publique, comment ne pas pointer le fait que le coût annuel de la prise en charge par l'État des cotisations sociales des entreprises sera passé, entre 1992 et 2005, de 6 milliards de francs à une facture de 22, 2 milliards d'euros, soit vingt fois plus ?

Pour quel résultat, serait-on conduit à s'interroger au moment même où d'aucuns souhaitent faire des parlementaires les observateurs sourcilleux de l'engagement des deniers publics ?

Nous notons d'ailleurs, ce qui ne nous étonne guère au demeurant, que nous n'aurons pas de débat thématique, en séance publique, sur les crédits consacrés à la mission « travail et emploi », alors même que le chapitre des exonérations de cotisations sociales représente, à lui seul, 30 % des dépenses d'intervention publique du titre IV de la loi de finances pour 2005.

C'est pourtant cette clairvoyance budgétaire qui devrait nous animer au cours de ce débat. Mais nous en sommes évidemment loin, d'aucuns préférant sans doute désigner à la vindicte les fonctionnaires ou les retraités que le budget de l'État prend à son compte !

Devrais-je rappeler à ceux qui l'oublient toujours un peu vite que ces fonctionnaires, ce sont nos voisins de palier, c'est l'institutrice de nos enfants, le policier qui règle la circulation aux carrefours, l'agent des services de l'équipement qui déneige la route en hiver...

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