Le rapport de la Cour des comptes est parfaitement explicite sur le sujet : en 2005, « la norme zéro volume d'augmentation des dépenses est loin d'avoir été respectée ». La Cour des comptes estime, en effet, que la dépense budgétaire a progressé de 2, 3 % en valeur, et non de 2 %, soit 0, 5 point de plus que l'objectif « zéro volume ».
Peut-être, monsieur le ministre, me taxerez-vous de partialité, mais reconnaissez que l'on ne peut mettre en cause l'objectivité de la Cour des comptes, même si elle nous déplaît ! En tant que maires, nous sommes heureux quand la chambre régionale des comptes nous accorde un satisfecit ; lorsqu'elle nous dépeint une situation insuffisante, il faut l'accepter.
Cinq catégories de dépenses ne sont pas prises en compte pour la mesure des dépenses de l'État selon les principes retenus dans la charte de budgétisation : les dépenses fiscales ; les fonds de concours ; les remboursements et dégrèvements autres que ceux sur les impôts d'État ; les prélèvements sur recettes fiscales au profit des collectivités locales et de l'Union européenne ; les opérations à caractère définitif effectuées sur les comptes spéciaux du Trésor ou de gestion du patrimoine de l'État.
Or ces cinq catégories de dépenses croissent plus vite que la dépense nette et représentent en 2005 près de 149, 4 milliards d'euros non pris en compte, contre 134, 5 milliards d'euros en 2004, soit une hausse de 11 %. Si on les additionnait aux dépenses nettes du budget général, on arriverait à un total de 438, 2 milliards d'euros en 2005, contre 418, 1 milliards d'euros en 2004, soit une hausse de 4, 8 %.
Nous ne sommes donc pas vraiment proches de la rigueur que vous nous avez annoncée, monsieur le ministre ! Vous venez de nous assurer que l'objectif du « zéro valeur » serait atteint en 2007. Si cela se confirme, ce sera très bien, et vous nous verrez alors à vos côtés. Cela sera-t-il suffisant ? Je ne le crois pas.
Nous sommes donc confrontés à de mauvais résultats, obtenus qui plus est par le biais d'artifices comptables mis en évidence par la Cour des comptes.
Je ne reviendrai pas sur l'imputation budgétaire d'un remboursement de la CADES, dont vous avez indiqué qu'elle était régulière, mais qu'elle n'était pas insincère, et qui s'élève à 3 milliards d'euros.
Vous n'avez pas évoqué la reprise de la dette de 2, 5 milliards d'euros du fonds de financement des prestations sociales agricoles, le FFIPSA, comptabilisée non en dépenses, mais en trésorerie - excusez-moi du peu ! Vous n'avez fait aucun commentaire sur ce point, monsieur le ministre, et je vous pose la question : est-ce véritablement sérieux, alors qu'il s'agit non pas de trésorerie, mais d'une dette supplémentaire de 2, 5 milliards d'euros ?
La Cour a également mentionné des minorations de remboursements aux organismes de sécurité sociale, à hauteur de 1, 3 milliard d'euros ; une avance accordée à l'Agence centrale des organismes d'intervention dans le secteur agricole, l'ACOFA, remboursée et renouvelée le jour même, pour 4, 2 milliards d'euros ; ou encore des prélèvements sur la trésorerie d'organismes liés à l'État non prévus dans la loi de finances rectificative pour 2005.
Au total, le solde budgétaire se trouve ainsi amélioré artificiellement de plus de 11 milliards d'euros. Cela nous amène à nous poser, à l'instar de la Cour des comptes, des questions quant à la sincérité et la régularité du budget de l'État !
En ce qui concerne les recettes, elles augmentent plus vite que la richesse nationale, du fait notamment des recettes exceptionnelles, que nombre de mes collègues ont mentionnées, en hausse de 5, 5 % pour les recettes brutes, fiscales et non fiscales. Il paraît particulièrement malsain de tabler sur des recettes exceptionnelles, donc conjoncturelles, pour réduire un déficit structurel ! Qui plus est, monsieur le ministre, vous avez jugé bon de consacrer à la réduction du déficit 3 % seulement du surplus de 11, 9 milliards d'euros de recettes constaté en 2005, alors que 82 %, je suis obligé de le constater, étaient destinés à des dépenses nouvelles.
Se pose également, en matière de recettes, la question de la créance de 1, 2 milliard d'euros de l'État sur l'UNEDIC, due depuis 2002 : que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour que l'UNEDIC, qui a déjà recours aux marchés financiers asiatiques pour payer les indemnités de chômage, parvienne à rembourser cette créance ?
Dans ces conditions, quelle solution pouvons-nous préconiser ? Je suis certain qu'elle passe par la sincérité budgétaire. Nous, parlementaires, ne demandons qu'à connaître la vérité et à prendre la mesure exacte de la situation. Nous saurons alors prendre nos responsabilités et soutenir votre combat contre la persistance et l'aggravation de la dette publique.
Pour y parvenir, il me semble qu'il faut cesser d'intégrer des ressources ponctuelles pour afficher un moins mauvais solde budgétaire ; stabiliser les dépenses en valeur et non plus seulement en volume, mais vous avez répondu sur ce point ; faire prévaloir le consensus des économistes concernant l'ensemble des prévisions qui permettent d'établir la loi de finances ; enfin, modifier le plan comptable en y réintégrant certaines dépenses aujourd'hui non budgétisées. Tels sont les chantiers dans lesquels nous souhaiterions nous engager d'urgence.
Je conclurai mon propos en soulignant que nous sommes un certain nombre sur ces travées à attendre beaucoup de la LOLF, qui doit nous permettre de contrôler l'efficacité de la dépense publique dès le premier euro. Nous en sommes encore loin aujourd'hui, comme nous l'avons constaté avec le projet de loi de finances pour 2006 : lors de son examen, nous avons déploré les économies que nous n'avons pas pu faire puisque nous n'avons pu aller au-delà de 30 millions d'euros.
Vous avez commencé à maîtriser le dérapage, monsieur le ministre. Il faut aller plus loin encore et se plier à la nécessité impérieuse d'analyser et de débusquer les dépenses inefficaces afin de les réduire.
Ce projet de loi de règlement fait état de résultats somme toute décevants et qui soulignent la situation alarmante des finances publiques de la France - M. le rapporteur général l'a d'ailleurs rappelée -, avec une dette publique qui culmine à plus de 60 % du PIB, une dépense publique qui continue de croître pour passer de 53, 3 % du PIB en 2004 à 54 % en 2005, et des prélèvements obligatoires qui augmentent de 1 point de PIB pour s'établir à 44, 1 % de ce dernier en 2005.
Certes, les déficits publics sont passés en deçà de la barre des 3 %. Mais - et vous le savez, monsieur le ministre - c'est parce que vous avez eu recours à des artifices comptables qui m'amènent, comme la Cour des comptes, à juger que votre projet de loi portant règlement définitif du budget de 2005 n'est pas sincère au regard des principes de la LOLF qui sont mis en oeuvre depuis le 1er janvier 2006.
J'estime de plus que vous avez essayé de dissimuler que les dépenses augmentaient plus vite que la richesse nationale, que vous avez surestimé la croissance et, surtout - c'est là le principal reproche que nous pouvons vous adresser -, que vous ne faites pas du retour à l'équilibre la priorité première de votre gouvernement.