...et je remercie ceux qui ont pu contester cette paternité de me la rendre !
Sans refaire l'« histoire » de l'amendement Mariani tel qu'il a été perçu dans l'opinion publique, force est de reconnaître que nos grands penseurs de toute sorte ont pour caractéristique de parler de ce qui les intéresse, mais sans nécessairement se référer aux textes ni tenir compte de leurs éventuelles évolutions ! À ce dernier égard, il sera d'ailleurs intéressant d'observer si la presse, qui a fait ses gros titres sur la position du Sénat, continue d'avancer les arguments - justifiés - contre l'amendement voté par l'Assemblée nationale même si notre assemblée adopte ce soir d'autres dispositions.
Pour en revenir à nos grands penseurs, il a par exemple été dit que les lois bioéthiques interdisaient « l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques ». Or, ce sont les termes exacts de l'article 16-11 du code civil, qui, dans son deuxième alinéa, autorise, sous certaines conditions, le recours aux tests ADN pour établir - ou, d'ailleurs, pour contester - un lien de filiation, comme l'ont rappelé Pierre Fauchon et quelques-uns de nos collègues. Certes, nombre d'entre nous se sont refusé à voter cette disposition, mais il n'en reste pas moins qu'elle existe et, pour avoir longuement débattu de ces questions lors de la révision des lois bioéthiques, nous le savons tous.
Un des inconvénients de l'article 5 bis tient précisément à ce qu'il ne se rattache pas aux dispositions du code civil. À l'évidence, c'était une première raison de modifier le texte adopté par l'Assemblée nationale.
Deuxièmement, l'article 5 bis vise la « preuve d'une filiation avec au moins l'un des deux parents », c'est-à-dire également avec le père, solution que, eu égard au principe, très important dans notre droit, de la présomption de paternité, il nous a paru impossible d'accepter. Certes, dira-t-on, si un père est sûr de sa paternité... Mais peut-on jamais l'être à 100 % ? Dès lors, on courrait le risque de remettre en cause tous les fondements de la famille à l'occasion de cet article, qui devait donc également être modifié sur ce point.
Troisièmement, il nous est apparu que, pour rentrer dans le cadre du code civil, il fallait que le contrôle d'une autorité judiciaire s'exerce. C'est pourquoi l'amendement n° 203, utilement complété par une contribution de Pierre Fauchon, prévoit la saisine du président du tribunal de grande instance de Nantes, puisque c'est le tribunal qui a la compétence du contentieux de l'état civil, dans des conditions déterminées par le code de procédure civile et, cela va de soi mais il me paraît néanmoins indispensable de le préciser, avec un débat contradictoire.
J'indique par ailleurs que l'identification par empreintes génétiques peut être sollicitée « par dérogation à l'article 16-11 » mais, en fait, nous nous situons pratiquement dans le cadre du deuxième alinéa de cet article.
Incontestablement, l'article 5 bis pouvait apparaître au départ comme la restriction d'un droit et c'est ainsi qu'il a été compris, du moins par les médias.
Cependant, si M. Mariani a présenté son amendement comme une réponse au problème de la fraude documentaire et cité à ce propos le rapport d'Adrien Gouteyron intitulé Trouver une issue au casse-tête des visas, il me paraît très important d'insister, comme vous l'avez vous-même fait, monsieur Gouteyron, tant dans votre rapport qu'en séance publique, sur le fait que, dans de nombreux cas, les regroupements familiaux sont refusés pour défaut ou carence de l'état civil.
Bien sûr, il y a la possession d'état, mais, quand bien même elle se prouve par tous moyens sur la base d'un faisceau de critères, elle est complexe - voire impossible - à établir par les services consulaires. Dans de tel cas, quelle issue reste-t-il, si ce n'est une identification par des tests génétiques ?
C'est d'ailleurs pourquoi j'estime que nous avons une bonne loi et que nous ne devons pas changer de cadre, car il est protecteur. Dans de nombreux pays, je vous le rappelle, mes chers collègues, rien n'interdit de procéder à des tests génétiques, car il n'y a pas de législation en la matière, mais, et c'est là qu'est le paradoxe, à quoi peut servir un test si, quelque soit son résultat, il n'a pas valeur de preuve ?
Refuser de prendre en compte les tests génétiques alors que la preuve de la possession d'état peut être faite « par tous moyens » va, en somme, à l'encontre des principes généraux de notre droit.
Monsieur le président, je me réjouis de la qualité du débat, qui est loin d'avoir été médiocre.
Si elle demeure, la pratique de l'identification d'une personne par le biais d'un test ADN, qui peut permettre à certains demandeurs de visa d'être fixés quand toutes les autres démarches - état civil, possession d'état, etc. - ont échoué, doit être encadrée par la législation en vigueur dans notre pays et effectuée sous le contrôle du juge, afin d'être en conformité avec l'article 16-11 du code civil.
Permettez-moi d'ajouter une précision importante : l'état civil est considéré comme valable. Certes, il peut y avoir des fraudes, mais c'est un autre problème ! Il faut savoir que l'état civil ne peut être contesté lorsque l'identification provient d'une autorité responsable et que le document est authentique. Je pense à l'Algérie, à la Tunisie, au Maroc, ou encore à beaucoup d'autres pays où le problème ne se pose pas, où il n'est donc pas nécessaire de procéder à des tests : l'état civil vaut par convention, ce qui limite les cas !
J'ai pourtant entendu à ce propos des exemples qui sont faux et des déclarations enflammées qui sont tout à fait surprenantes et qui ne correspondent, d'ailleurs, pas toujours à la réalité. Mais nous sommes habitués à ce genre de détournement, quelquefois volontaire, de notre action, afin de nous faire passer pour des « méchants » qui ne respectent pas les droits de l'homme...
Monsieur le ministre, avant de prendre un décret, il serait intéressant d'établir une concertation préalable avec les pays qui ne sont pas considérés comme ayant un état civil stable. La liste pourrait d'ailleurs être déterminée par les services consulaires. Une telle concertation est même absolument indispensable si l'on veut améliorer la situation.
Des coopérations judiciaires sont déjà établies avec un certain nombre de pays ; je pense en particulier au Viêt Nam, qui dispose d'un très bon état civil. Il est vrai qu'en matière de droit civil notre coopération avec ce pays est ancienne.
Cela éviterait qu'on nous oppose encore des visées néocolonialistes ou je ne sais quelle autre vieille notion, alors que telle n'est pas la volonté du Gouvernement, ni celle du Parlement.
Monsieur le président, pardonnez-moi d'avoir été un peu long, mais reconnaissez que, en général, je n'abuse pas de la parole ! Toutefois, dans ce cas particulier, il convenait d'expliciter les raisons du dépôt de cet amendement, enrichi désormais de quelques sous-amendements.
Celui du Gouvernement instaure la gratuité - bien sûr, monsieur le ministre, nous avons approuvé cette disposition - et pas seulement si le test est positif. Les sous-amendements de MM. Pierre Fauchon et. Henri de Richemont complètent eux, le dispositif en accordant notamment la priorité à la possession d'état, ce qui donne un équilibre à l'ensemble.
Honnêtement, autant que d'autres, je suis attaché à des valeurs éthiques et je n'aime pas généraliser. Mais je me dis que ce débat a permis de clarifier les choses et d'éviter de donner à penser que l'on empêchera des regroupements familiaux par le recours aux empreintes génétiques. Au contraire, grâce à notre amendement, et même si les cas ne sont pas très nombreux, nous permettrons, avec l'utilisation de cette procédure, des regroupements familiaux qui autrement n'auraient pu avoir lieu.