Intervention de Françoise Férat

Réunion du 3 décembre 2008 à 10h30
Loi de finances pour 2009 — Enseignement scolaire

Photo de Françoise FératFrançoise Férat, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles :

Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, voilà huit années que la commission des affaires culturelles me fait l’honneur et le plaisir de me confier l’examen du budget de l’enseignement agricole et, sur cette période, je n’ai jamais connu une déception aussi forte qu’aujourd’hui.

Voilà un an, je rapportais devant vous le budget pour 2008 en faisant un double constat.

D’abord, les moyens prévus pour 2008 étaient extrêmement justes. Ensuite, des engagements avaient été pris afin de présenter, pour 2009, un budget plus ambitieux, condition nécessaire pour insuffler le nouveau souffle dont l’enseignement agricole avait besoin.

Un an plus tard, ce nouveau souffle est bien là et il prend la forme d’un cinquième schéma des formations en préparation, qui permettra sans doute – et je l’espère tout particulièrement, puisque j’ai eu l’opportunité de participer aux premiers stades de son élaboration – de donner un nouvel élan à l’enseignement agricole.

Si le projet est là, les moyens n’y sont pas.

Pour toute la communauté éducative que rassemble l’éducation agricole, c’est une immense déception. Pour la première fois, j’ai le sentiment que tous ceux qui font vivre cette exception remarquable sont au bord du découragement, voire, si rien n’est fait, du renoncement.

Cette année, tous m’ont dit l’impossibilité de continuer dans la direction indiquée par le projet de loi de finances, qui ne permettra ni de mettre en œuvre la rénovation prévue par le cinquième schéma, ni de maintenir en l’état l’offre éducative. Des suppressions massives de classes sont prévisibles. Selon certaines projections, officieuses, mais crédibles, elles pourraient concerner l’année prochaine soixante à quatre-vingt classes.

En apparence, ce budget peut pourtant paraître satisfaisant : il progresse en effet de 0, 64 %, alors que d’autres régressent ; il intègre quelques avancées, comme le recrutement d’auxiliaires de vie scolaire pour accueillir plus de jeunes handicapés ; il prévoit un effort sur le remplacement de courte durée dans le public, grâce au recrutement centralisé de cinquante contractuels.

Cependant, ce budget n’est en réalité pas soutenable. Le seul chiffre de l’évolution de la masse salariale hors contribution de pension le démontre. La masse salariale régresse effectivement de plus de 1, 60 %. De ce point de vue, l’enseignement agricole, particulièrement l’enseignement agricole public, est clairement entré en récession.

En fait de récession, je devrais parler d’un krach : en deux années, les moyens humains de l’enseignement agricole public ont diminué de 6, 01 %. La raison en est simple : comme tous les ministères, celui de l’agriculture doit appliquer la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Cela conduit mécaniquement à des coupes sévères dans les ressources humaines du ministère.

Bien entendu, mes chers collègues, la maîtrise de la dépense publique revêt un caractère impératif et nous ne pouvions continuer indéfiniment à accumuler des dettes supplémentaires aux dépens des générations à venir. Cependant, si l’effort de maîtrise doit être systématique, il ne peut être aveugle. Comme chacun de nous le sait bien, l’enseignement agricole ne faisait pas partie des services publics où les gains de productivité potentiels étaient légion.

Il s’agit d’un service public rural, mis en œuvre dans des lycées publics où règne un esprit particulier ainsi que dans des établissements privés qui n’ont cessé, depuis des années, de prélever sur leur propre trésorerie, c’est-à-dire sur les familles, les crédits qui leur manquaient. Or ces familles sont souvent celles d’élèves boursiers : dans l’enseignement agricole, plus d’un élève sur trois est effectivement boursier.

Du côté du privé, qui, pour des raisons historiques, est très présent dans l’enseignement agricole, la situation n’est pas meilleure, et ce pour chacune de ses composantes.

Les établissements du temps plein, tout d’abord, ne sont toujours pas parvenus à obtenir de l’État qu’il respecte ses engagements. Outre les salaires des enseignants qu’il prend à sa charge, l’État leur verse une subvention de fonctionnement calculée sur la base des dépenses de fonctionnement des lycées agricoles publics. Tous les cinq ans, le coût de l’élève dans le public doit donc être réactualisé, pour revaloriser en conséquence la subvention. Cette actualisation revêt néanmoins les apparences d’une épopée : le plus souvent, l’enquête quinquennale prévue par le code rural sur le coût de l’élève n’est pas menée et, lorsqu’elle l’est, sa prise en compte devient un véritable feuilleton.

Tel est à nouveau le cas depuis 2006 : une enquête a été réalisée – ce fut déjà l’objet de rudes négociations – et ses résultats ont été publiés en 2007. Le ministère, qui aurait dû en tenir compte en 2008, s’y est refusé faute de crédits, tout en promettant de le faire en 2009.

Ce ne sera évidemment pas le cas : la première tranche de crédits de paiement est prévue pour 2010, le reste étant versé en 2011, puis en 2012. En 2012, la subvention de fonctionnement sera donc calquée sur ce qu’elle était, en 2006, dans le public. À l’évidence, cela n’a rien de sérieux.

C’est pourquoi les établissements du temps plein ont, après deux années de négociations infructueuses, décidé d’engager une action contentieuse, qu’ils gagneront : les règles fixées par le code rural sont très claires, elles s’appliqueront mécaniquement et l’État sera condamné. Nul ne le conteste au demeurant.

Pour éviter ce contentieux, il aurait suffi de verser la première tranche de la revalorisation dès 2009 et de l’achever en 2011. Je m’interroge, mes chers collègues, sur les raisons qui ont pu conduire le ministère du budget à refuser, lors des négociations budgétaires, une mesure qui aurait évité à l’État une condamnation rétroactive pour manquement à ses obligations légales et réglementaires.

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