Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 10 octobre 2006 à 10h00
Questions orales — Régime juridique applicable aux enfants nés sans vie

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

Au mois de juin dernier, à l'occasion de l'examen de deux propositions de loi relatives à la législation funéraire et aux congés pour évènements familiaux, j'avais attiré l'attention du Sénat et du Gouvernement sur le statut juridique des enfants nés sans vie.

Aujourd'hui, je souhaite précisément attirer l'attention de M. le garde des sceaux sur ce sujet.

En effet, conformément à l'article 79-1 du code civil, l'enfant né sans vie est celui qui est mort-né après quatre mois et demi de grossesse ou l'enfant qui est né vivant mais non viable - il doit avoir respiré au moins une fois - et décédé avant la déclaration de naissance. Ces enfants sont entre 5 000 et 6 000 chaque année, c'est-à-dire un chiffre comparable au nombre des victimes d'accidents de la route ou de l'amiante. Cette comparaison a pour objet de vous montrer qu'il ne s'agit pas d'une question marginale.

Comme le souligne le Médiateur de la République dans son rapport annuel, le régime juridique applicable à ces enfants en matière de droits sociaux et d'état civil ne permet pas d'accompagner au mieux les familles concernées dans leur processus de deuil.

En matière d'état civil, le problème tient au fait que l'acte attestant que l'enfant est né sans vie n'est pas un acte de naissance ; il ne détermine donc aucune filiation et ne valide aucune reconnaissance prénatale. Ainsi, les parents d'un enfant né sans vie peuvent prénommer leur enfant, mais ils ne peuvent pas lui donner leur nom de famille. De même, l'inscription de cet enfant dans le livret de famille pose de véritables problèmes dans le cas des couples non mariés dont c'est le premier enfant, et est extrêmement complexe pour les parents d'enfants naturels.

Cela a des conséquences sur les droits sociaux. Ainsi les pères d'enfants nés sans vie ne peuvent bénéficier du congé de paternité puisque l'acte d'enfant sans vie n'est pas un acte de naissance.

Plusieurs législations européennes prouvent qu'une réforme autorisant la reconnaissance légale d'un enfant né sans vie est envisageable. Ainsi, de nombreux États européens accordent une personnalité juridique à l'enfant né sans vie, avec les conséquences qu'une telle reconnaissance entraîne : possibilité de déterminer une filiation et d'attribuer un nom, inscription sans restrictions sur le livret de famille.

Le droit français se caractérise en fait par la faible portée qu'il attribue à l'acte d'enfant sans vie. Jusqu'à présent, le ministère de la justice n'a donné aucune suite à la proposition du Médiateur de la République de créer un groupe de travail chargé d'étudier ces questions. Une réforme du statut juridique des enfants nés sans vie soulagerait ces quelques milliers de familles qui, chaque année, vivent ce douloureux événement.

Monsieur le ministre, pourriez-vous m'indiquer où en est la réflexion du ministère de la justice sur ce sujet.

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