Intervention de Hélène Luc

Réunion du 9 mars 2006 à 15h00
Violences au sein du couple ou contre les mineurs — Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixe paritaire

Photo de Hélène LucHélène Luc :

Monsieur le président, madame la ministre déléguée, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous examinons symboliquement, au lendemain du 8 mars, Journée internationale des femmes, cette proposition de loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs.

Comme l'a rappelé le rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire, cette proposition de loi avait été déposée sur l'initiative des deux formations de l'opposition de notre assemblée, le groupe communiste républicain et citoyen et le groupe socialiste.

À l'issue de l'examen de ce texte, notre sentiment est mitigé.

Nous sommes satisfaits, bien sûr, de l'inscription à l'ordre du jour d'une proposition de loi relative aux violences conjugales. Cela prouve que certaines mentalités peuvent évoluer, même si nous sommes encore loin du compte.

En revanche, le résultat auquel nous sommes parvenus aujourd'hui est un peu décevant par rapport à nos ambitions de départ.

En effet, lorsque nous avions déposé cette proposition de loi, nous voulions que des efforts soient accomplis en matière de prévention de ces violences.

C'est la raison pour laquelle nous avions souhaité axer nos propositions sur des mesures visant à renforcer la formation des professionnels qui sont amenés à rencontrer des victimes de violences conjugales : les policiers, les magistrats, les médecins, l'ensemble des personnels médicaux et paramédicaux, mais aussi les travailleurs sociaux.

Nous aurions aimé que ces professionnels reçoivent une formation initiale et continue, propre à leur permettre de répondre à la situation des victimes de violences conjugales et de prendre les mesures de prévention et de protection qui s'imposent.

Nous proposions également de faciliter l'éloignement du domicile conjugal ou de soumettre à une obligation de soins l'auteur des violences.

Malheureusement, excepté la disposition facilitant l'éloignement du conjoint, ce qui est important, nous constatons que nos propositions sur la prévention et la formation n'ont pas été retenues.

Pourtant, il y a encore fort à faire en la matière, car, si les outils juridiques existent, les femmes connaissent souvent mal leurs droits. Quant aux professionnels, qu'ils soient policiers, magistrats, travailleurs sociaux ou médecins, ils ne sont en général pas suffisamment formés pour leur offrir l'accompagnement adéquat.

Or il est primordial, lorsqu'une femme ose enfin briser le silence, qu'elle ne se heurte plus, comme par le passé, à l'incompréhension ou à l'indifférence, pour ne pas dire plus.

La violence conjugale a ceci de particulier qu'elle s'inscrit, comme son nom l'indique, dans la sphère du couple, donc dans la sphère privée. Cette caractéristique pose le problème du regard que la société se doit de poser sur les relations de couple lorsqu'elles sont sources de violences.

Jusqu'à présent, et nous espérons que cette proposition de loi va contribuer à faire évoluer les mentalités plus rapidement, les services de police, les magistrats ou les médecins avaient encore tendance à considérer que les violences conjugales ne les regardaient pas et relevaient de la seule sphère privée du couple en conflit.

Face à cette violence, encore trop sous-estimée, il était indispensable, à nos yeux, d'inclure dans la proposition de loi tous les acteurs de la lutte contre les violences conjugales.

Le magistrat qui prononce la sanction ne peut être le seul concerné car, à ce stade, le mal est déjà commis. La prévention est donc essentielle. Malheureusement, la proposition de loi qui nous est finalement présentée est principalement axée sur la répression.

Mais, pour qu'il y ait répression, encore faut-il qu'il y ait procès et donc qu'une plainte ait été déposée.

Aujourd'hui, une femme meurt tous les quatre jours des suites d'un acte de violence commis par son conjoint, et une femme sur dix, notamment parmi les jeunes, est concernée par les violences conjugales.

Ces actes de violences conjugales sont trop peu dénoncés, et des femmes sont encore trop souvent dénigrées, violentées et humiliées. Or l'emprise de leur partenaire est souvent si forte qu'elles n'osent ni ne savent en parler, même à leurs proches. Encore la situation s'améliore-t-elle un peu.

Les associations jouent un rôle très important en matière de prévention et de communication autour de ce phénomène. J'avais évoqué le cas de l'une d'elles, implantée dans le Val-de-Marne, lors d'une précédente lecture.

Mais l'État a un rôle important à jouer : il a l'obligation de lutter par tous les moyens contre les comportements sexistes, notamment en intégrant cette démarche au sein de l'éducation nationale, dans la formation des enseignants et dans le cursus scolaire, en soutenant des campagnes d'information régulières ou encore en formant ses agents dans une optique égalitaire.

La lutte contre les violences envers les femmes, la lutte contre les propos et comportements sexistes, la lutte contre toutes les atteintes aux droits des femmes, sont autant de combats à mener tous les jours.

De même, nous avions fait plusieurs propositions, notamment dans le cadre du projet de loi pour l'égalité des chances, tendant à inscrire dans le cursus scolaire, et plus précisément dans les cours d'éducation civique, une sensibilisation aux violences commises contre les femmes.

Mais, une fois de plus, notre proposition a été rejetée par le Gouvernement et sa majorité.

Lutter contre les violences, ce n'est pas seulement une question de répression pénale : c'est s'engager à sensibiliser le plus de personnes possibles, des plus jeunes au moins jeunes, à cette forme inacceptable de violence, et c'est ce que nous demandons au Gouvernement. Nous en avions longuement parlé, rappelez-vous, madame la ministre déléguée, au sein de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

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