Intervention de André Vallet

Réunion du 9 mars 2006 à 15h00
Violences au sein du couple ou contre les mineurs — Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixe paritaire

Photo de André ValletAndré Vallet :

Monsieur le président, madame la ministre déléguée, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, au terme de cette navette parlementaire, nous sommes saisis des conclusions de la commission mixte paritaire sur un texte au sujet profondément tragique et qui prend une dimension toute particulière au lendemain des différentes manifestations célébrant la Journée internationale des femmes.

Il s'agit bien en effet d'un sujet tragique, reflétant malheureusement le machisme encore très présent dans nos sociétés contemporaines. Sujet tragique, dont la gravité se mesure non seulement par son ampleur mais aussi par sa généralité, car les violences conjugales touchent tous les peuples, toutes les sociétés et toutes les couches sociales : milieux favorisés, bourgeois, classe moyenne, milieu ouvrier... Tout le monde est concerné, nul n'est épargné, aucune exception ne saurait venir contredire la généralité du phénomène.

Est-il nécessaire de rappeler ces chiffres accablants ? Tous les quatre jours, une femme meurt des suites de violences conjugales et près d'une femme sur dix se déclare victime de violences conjugales !

Bien entendu, dans ce débat, je ne voudrais pas que l'on oublie les hommes, qui sont également victimes de violences, certes dans des proportions beaucoup plus restreintes mais suffisamment importantes pour qu'ils ne soient pas écartés du débat.

La gravité et l'ampleur du phénomène méritaient que nous intervenions en tant que législateur. C'est pourquoi je tiens à mon tour à mettre en lumière le rôle capital de notre Haute Assemblée en la matière.

D'abord, l'initiative de ce texte revient à plusieurs de ses membres qui ont déposé deux propositions de loi. C'est sur la base de ces deux textes que la commission des lois a proposé au Sénat des pistes innovantes dans le but affiché de sanctionner plus durement ces comportements inacceptables mais aussi pour adapter les outils répressifs aux évolutions de notre société.

La Sénat, je le souligne, a accompli une démarche salutaire : désireux de briser la loi du silence, il a repoussé toute frilosité pour légiférer sur un sujet qui, ne l'oublions pas, a longtemps été tabou.

C'est un message très fort que nous adressons aux Français. Nous avons montré que nous étions sensibles à cette terrible question, et notre vote unanime ne fait que renforcer avec honneur l'importance de nos travaux.

Nous avons, au cours des débats, adopté plusieurs dispositions visant à renforcer la répression des violences commises en sein du couple, notamment en permettant l'extension de la circonstance aggravante actuellement retenue pour les violences commises par le conjoint ou le concubin de la victime aux violences commises par le pacsé.

Je voudrais également revenir sur l'amendement, de première importance, adopté en première lecture, élevant à dix-huit ans l'âge légal du mariage des femmes. Les membres de mon groupe y attachaient beaucoup d'importance dans la mesure où il s'agissait d'une proposition que nous avions soutenue à plusieurs reprises mais qui n'avait malheureusement jamais été retenue dans des textes précédents. La satisfaction que nous donne l'adoption de cette mesure dépasse bien entendu la frustration de ne pas avoir été entendus auparavant.

Je voudrais également saluer le travail de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, présidée par notre collègue Gisèle Gautier. En effet, grâce aux études préalables qu'elle avait diligentées sous l'égide de son rapporteur, notre collègue Jean-Guy Branger, la délégation a pu formuer des propositions intéressantes, sources d'inspiration pour le texte que nous sommes sur le point d'adopter. Certaines de ces suggestions ont été reprises dans l'actuelle proposition de loi, d'autres n'ont pas reçu un accueil favorable. Peut-être à l'avenir faudra-t-il aller plus loin, en particulier s'agissant du volet préventif.

Je n'oublie pas non plus la contribution des députés, en particulier les mesures visant à renforcer la lutte contre les mariages forcés et celles qui répriment plus sévèrement la pornopédophilie.

Quelques points de désaccord demeuraient encore après les deux lectures devant chacune des assemblées, désaccords que la commission mixte paritaire réunie mardi a tenté de régler.

Je ne reviendrai pas dans le détail sur le maintien dans le texte, contre notre avis, de la proposition des députés de constituer en circonstance aggravante le viol conjugal, le débat ayant déjà eu lieu à plusieurs reprises, mais nous ne pouvons qu'exprimer notre regret qu'une telle disposition ait été retenue en commission mixte paritaire, alors qu'il y avait, il faut le souligner, une fois de plus unanimité dans nos rangs.

En conclusion, je voudrais insister sur l'importance de l'effort qui doit encore être accompli pour améliorer la prévention et l'accompagnement des hommes et des femmes concernés.

L'intervention des pouvoirs publics doit en effet se faire à tous les niveaux : depuis la prévention jusqu'à la répression, bien sûr, sans oublier toutefois l'accompagnement des victimes.

Trop souvent encore, en effet, même si les mentalités ont beaucoup changé, le sujet n'est pas pris au sérieux, suscitant sarcasmes et plaisanteries. Même s'il ne faut pas suspecter derrière ces réactions de mauvaises intentions, elles traduisent malheureusement la faiblesse de l'évolution des mentalités.

Il faut que nous parvenions à combattre les nombreuses idées reçues. Il faut que nos concitoyens comprennent qu'il existe bien des hommes et des femmes battus, qu'il ne s'agit pas d'un phénomène qui ne touche que quelques centaines de personnes, qu'il n'y a pas un portrait-robot de la famille type ou du mari type, qu'une femme qui quitte son foyer n'est pas forcément une irresponsable et que le viol au sein du couple est une réalité.

Au-delà d'un effort particulier pour « tordre le cou » aux idées reçues, il y a encore beaucoup à faire pour accompagner ces femmes et ces hommes qui peinent à briser la loi du silence.

D'abord, il faut les encourageant à parler, et à le faire le plus tôt possible. Il faut aider ces personnes, qui très souvent s'enferment dans un mutisme total et destructeur, car elles sont psychologiquement et matériellement dépendantes. Il faut parvenir à faire sortir ces drames de la sphère privée. Plus tôt le problème sera connu, plus les chances seront réunies pour tenter de résoudre la situation avant que l'inéluctable arrive.

Mais cet effort doit également être significatif pour aider, dès les premiers signes, les personnes violentes, lesquelles, sans un traitement approprié, chuteront sans aucun doute dans une spirale de violence.

Ce premier pas est peut-être le plus difficile, mais c'est très certainement le plus important.

À ce niveau, il faut également sensibiliser le plus grand nombre d'acteurs, que ce soient le milieu médical, les services sociaux, les policiers, les gendarmes et les magistrats.

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