Intervention de Jean-Pierre Michel

Réunion du 18 février 2010 à 9h30
Récidive criminelle — Vote sur l'ensemble, amendement 102

Photo de Jean-Pierre MichelJean-Pierre Michel :

Le groupe socialiste votera contre ce projet de loi.

Il avait déjà voté contre le texte qui allait devenir la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, et ce pour une raison essentielle que M. Robert Badinter a rappelée lors de son intervention dans la discussion générale.

Il s’agit en effet d’une véritable innovation dans notre droit pénal : désormais, des personnes seront privées de liberté non pas en fonction des actes qu’elles ont commis, mais en fonction de ceux qu’elles pourraient commettre, donc en fonction de leur personnalité ou même de leur personnalité supposée.

C’est une authentique régression. On en revient aux théories de Lombroso sur le « criminel né ». La dangerosité supposée dont on nous rebat les oreilles n’est pas autre chose que ce concept de « criminel né », que l’on remet aujourd’hui à l’ordre du jour.

Je n’ignore pas que la commission des lois et de la commission des affaires sociales, par la voix des deux rapporteurs, M. Jean-René Lecerf et M. Nicolas About, à qui nous rendons hommage, ont su préciser certaines notions, permettant notamment de lever la double confusion qui sous-tendait ce texte.

Tout d’abord, on confondait la dangerosité psychiatrique et la dangerosité pénale. Il faut en effet distinguer ces deux notions qui sont bien différentes, tous les psychiatres s’accordent à le reconnaître. Grâce aux amendements et aux explications de M. About, cette confusion a, nous semble-t-il, été levée.

Ensuite, on confondait les rôles du juge, du procureur et du médecin, quelle que soit la spécialité de ce dernier. Les explications qui nous ont été apportées, ce matin encore, par MM. Lecerf et About, ont permis d’éclaircir la situation.

Néanmoins, nous voterons contre ce texte.

Lutter contre la récidive : oui, trois fois oui ! Qui pourrait d’ailleurs s’y opposer ? Mais nous récusons les deux méthodes utilisées par le Gouvernement.

En premier lieu, il ne recourt qu’à la répression. Or, malgré quatre lois répressives en cinq ans, nous n’avons guère enregistré de progrès.

En second lieu, il fait voter des lois déclamatoires, compassionnelles, qui courent, au fil de l’actualité, après les faits divers – lesquels ne disparaissent pas pour autant –, mais qui ne résolvent rien.

Il existe d’autres manières de combattre la récidive. Il suffit pour s’en convaincre de lire le rapport de M. Vincent Lamanda, Premier président de la Cour de cassation. Tout le monde le sait, et le Gouvernement le premier. D’ailleurs, en acceptant l’amendement n° 102 de la commission des lois, qui prévoit de reporter l’application de certaines mesures, Mme le garde des sceaux reconnaît qu’elle n’a pas la possibilité de donner au Centre national d’observation de Fresnes les moyens de les mettre en œuvre.

Tout le monde sait aussi que les structures extra-hospitalières et extra-pénitentiaires sont aujourd’hui en nombre insuffisant pour assurer, à législation constante – a fortiori après l’adoption probable du présent projet de loi –, le suivi judiciaire et psychiatrique des personnes qui ont été condamnées ou qui sortent de prison, avec ou sans injonction de soins.

Ce n’est donc pas en prenant de nouvelles dispositions répressives sans mettre en place les moyens nécessaires à leur application que l’on parviendra à résoudre le problème de la récidive.

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