Intervention de Claude Domeizel

Réunion du 1er décembre 2011 à 21h30
Loi de finances pour 2012 — Enseignement scolaire

Photo de Claude DomeizelClaude Domeizel :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire » affectés à l’enseignement professionnel que portera mon intervention.

Nul ne me contredira si j’insiste sur la nécessité d’une rénovation de la voie professionnelle, qui doit cesser de constituer une voie de garage pour devenir une filière de prestige pour les jeunes qui quittent le collège. En effet, plus d’un tiers des élèves du second degré empruntent la voie professionnelle. C’est dire si cette filière est importante !

Les crédits concernés s’élèvent à 6, 729 milliards d’euros, contre 6, 677 milliards d’euros en 2011. Au milieu des nombreuses coupes claires auxquelles le présent projet de loi de finances procède, nous nous réjouissons de cette augmentation de 0, 8 %. Reconnaissez, monsieur le ministre, que c’est l’effort minimum que vous pouviez consentir en faveur de cette branche, après avoir mis en place la « rénovation de la voie professionnelle ».

Toutefois, il est regrettable que, cette année, la poursuite de l’application du passage du baccalauréat professionnel en trois ans au lieu de quatre vous conduise à supprimer 455 postes dans les lycées professionnels. Quant aux crédits pédagogiques, ils diminuent de 4, 6 % par rapport à 2011.

Par ailleurs, il ne fait aucun doute que les coupes budgétaires dans les crédits de la mission générale d’insertion, qui doit faciliter l’accès à la formation professionnelle, se réduisant de 3, 88 millions d’euros à 3, 71 millions d’euros, feront de nouvelles victimes parmi les élèves. En l’occurrence, je ne parle pas des décrocheurs, mais de ceux qui sont « décrochés » par le système scolaire. Cette réalité est d’autant plus regrettable que ces derniers constituent l’un des publics prioritaires de la réforme de la voie professionnelle.

Monsieur le ministre, permettez-moi de rappeler à nos collègues – peut-être ainsi qu’à vous-même – l’un des trois objectifs de cette réforme : réduire le nombre de jeunes qui quittent l’école sans diplôme, en les incitant à suivre au moins une « formation courte ».

Nous pouvons également regretter la suppression de lycées professionnels, dont les effectifs sont inférieurs à 200 élèves : dix-sept établissements ont été fermés ces dernières années. Certes, vingt établissements de réinsertion scolaire ont été créés, mais c’est peu si l’on veut répondre aux 180 000 jeunes « perdus de vue » chaque année.

Il serait trop simple de reporter l’enseignement professionnel sur les centres de formation d’apprentis, les CFA, dont les régions sont les « premiers financeurs ». L’Association des régions de France n’a d’ailleurs pas manqué de souligner le déséquilibre existant entre la formation initiale et l’apprentissage, l’absence de chiffrage, le manque de concertation ; bref, de dénoncer une réforme inadaptée aux professeurs de lycée professionnel.

Même la loi du 28 juillet 2011 pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels n’a pas atteint ses objectifs.

La réforme de la voie professionnelle que vous avez mise en œuvre est loin de porter ses fruits. En effet, avant même d’être parvenue à son terme, elle se traduit par un nouvel essor du décrochage scolaire.

Nous nous félicitons de l’augmentation du nombre de bacheliers professionnels. Mais ce mouvement n’est-il pas dû mécaniquement à la superposition transitoire des baccalauréats professionnels et des anciens brevets d’études professionnelles, les BEP ? Cet effet, qualifié du terme imagé de « bourrelet », disparaîtra dès l’année 2013.

Monsieur le ministre, votre réforme a reçu un accueil très contrasté. Les enseignants se montrent très critiques quant aux modalités d’application, tant sur le plan matériel que pédagogique. Ils pointent le manque d’accompagnement de l’inspection, l’hétérogénéité accrue des classes, les difficultés d’articulation entre la certification intermédiaire, à savoir les CAP et BEP, et la préparation au baccalauréat.

Pendant ce temps, les inégalités entre les établissements se creusent du fait de leur autonomie accrue. Cette évolution risque de provoquer la perte de spécificité du métier de professeur de lycée professionnel.

Faut-il rappeler l’absence quasi systématique de passerelles effectives à ce jour entre formations ? Les quelques passerelles – lorsqu’elles sont possibles – nécessiteront forcément un accompagnement adapté des élèves en phase de transition. Mais chacun sait que le suivi personnalisé est, malheureusement, inégalement appliqué ; de fait, chaque établissement fixe ses propres règles d’accompagnement, le réservant à certaines classes ou certains niveaux, bien sûr faute de moyens.

Heureusement, et on peut le comprendre, le message de revalorisation symbolique du baccalauréat professionnel semble être bien accueilli par les élèves et leurs familles, tout comme la possibilité de s’inscrire en BTS après le baccalauréat. Toutefois, il convient de prendre garde à la forte demande sociale à l’entrée des sections de techniciens supérieurs que cette réforme va entraîner en 2013. Il s’agira alors de ne point décevoir l’espoir de ces familles des classes moyennes et populaires.

Parallèlement, il faudra veiller à ne pas brouiller la distinction entre, d’une part, la voie technologique permettant de poursuivre ses études dans le supérieur et, d’autre part, la voie professionnelle destinée à l’insertion dans le monde du travail, laquelle constitue l’un des trois objectifs assignés à la réforme.

Par ailleurs, avant de réfléchir à la possibilité de rendre l’alternance obligatoire lors des dernières années de préparation au baccalauréat professionnel et au certificat d’aptitude professionnelle, comme l’a demandé le Président de la République, ne serait-il pas d’abord judicieux d’évaluer et d’harmoniser la réforme du baccalauréat professionnel en trois ans ?

Pour finir, j’insisterai sur le fait qu’une part importante des élèves choisit encore sa spécialité en fonction de l’offre de formation disponible localement, plus qu’en fonction d’un projet professionnel. Au choix de l’élève et de sa famille s’ajoute celui de l’institution elle-même, qui répond davantage à une logique de remplissage des formations existantes, sans tenir compte des réels projets professionnels de l’élève.

La clé de la valorisation de la voie professionnelle réside donc dans le « calibrage » de l’offre de formation et de sa répartition géographique. Or, au vu des fermetures d’établissements et de la tendance à vouloir se défausser sur l’apprentissage aux dépens de l’enseignement professionnel sous statut scolaire, cette valorisation paraît surtout s’estomper. Ce mouvement s’accompagne de la poursuite de la baisse du nombre de professeurs et du désengagement de l’État vers les collectivités territoriales.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, les chiffres n’étant pas à la hauteur de l’enjeu, le groupe socialiste ne votera pas le budget de l’enseignement professionnel.

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