Monsieur le ministre, aujourd’hui, on n’arrête plus rien à la frontière italienne entre Menton et Vintimille !
Au demeurant, une harmonisation européenne en la matière serait la bienvenue pour les Français vivant dans d’autres pays de l’Union européenne, qui pourraient un jour faire prendre leurs éléments biométriques auprès de l’administration de leur pays de résidence. Elle permettrait également d’améliorer la qualité des échanges entre pays d’une manière très significative, donnant tout son sens à l’espace de liberté et de sécurité que constitue l’espace Schengen.
Il semblerait que, pour l’instant, l’entrée en vigueur de la carte nationale d’identité électronique se calque, pour ainsi dire, sur le dispositif retenu pour le passeport biométrique. Or, dans ce dernier cas, le Gouvernement avait décidé par voie réglementaire que la puce du passeport contiendrait huit empreintes digitales du détenteur du titre. Ce choix ne correspondait toutefois à aucune exigence particulière du droit européen. D’ailleurs, des pays voisins qui appliquent la même directive de 2004 se sont dotés d’un titre différent, optant pour une puce comportant moins d’empreintes.
Pourquoi, alors, avoir considéré comme nécessaire la conservation de huit empreintes, ce qui a d’ailleurs conduit à ce que les systèmes mis en place dans les différents pays d’Europe ne soient pas compatibles, chaque pays protégeant son propre prestataire de service ?
La même question se pose aujourd'hui concernant la future carte nationale d’identité électronique. Sa puce contiendra-t-elle autant d’empreintes ?
Le Conseil d’État, en assemblée du contentieux, le 26 octobre dernier, a censuré la conservation dans un fichier centralisé de huit empreintes digitales alors que deux seulement figurent dans le composant électronique du passeport.
L’utilisation des données personnelles et la protection des informations personnelles sont des principes au respect desquels nous sommes particulièrement attentifs, et M. le rapporteur a bien évidemment recueilli l’accord de notre groupe en proposant de modifier du texte l’article 5 tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale. François Pillet a en effet déclaré : « L’esprit de responsabilité et l’exigence de vigilance commandent de s’entourer de toutes les garanties requises pour éviter tout risque de dévoiement du fichier. » Nous souscrivons à ces propos.
La CNIL a, elle aussi, émis plusieurs réserves quant à la centralisation des informations biométriques dans un fichier s’agissant des nouvelles cartes nationales d’identité. Gardons toujours en mémoire, lorsqu’il est question de création et d’exploitation de fichiers contenant des données personnelles, les tristes heures de notre histoire !
Le principe de protection des libertés est intangible. Nous veillerons donc, aussi bien lors de la discussion des articles que lors du passage du texte en commission mixte paritaire, à ce qu’on ne revienne absolument pas à la rédaction votée par l’Assemblée nationale.
Ce principe de protection des libertés devrait s’appliquer à tous. Pourtant ce n’est pas le cas : il existe bien un droit d’exception, celui qui s’applique aux étrangers vivant en France.
La mise en place du titre de séjour pour les étrangers, en application du décret du 8 juin 2011, introduit un nouveau traitement informatisé de gestion des dossiers des ressortissants étrangers à l’espace Schengen. Cela permet de rassembler et d’enregistrer à peu près tout de la vie administrative, mais aussi médicale, par exemple, de chaque étranger ; ce sont 7 millions de personnes vivant légalement sur notre territoire qui sont concernées ! Et ce fichage concerne non seulement les étrangers, mais aussi, depuis 2005, les Français hébergeant des étrangers séjournant dans notre pays avec un visa !
Voilà pourquoi nous vous adressons aujourd'hui un signal fort, monsieur le ministre. Nous voterons la création d’un fichier qui permettra, en conjugaison avec la nouvelle carte d’identité biométrique, de lutter efficacement contre la fraude à l’identité. Nous validons une telle évolution, mais en y ajoutant des garanties législatives sur le contenu et l’usage de ce fichier afin de garantir les libertés individuelles. Cela permettra, nous l’espérons, de convaincre nos partenaires européens d’envisager progressivement une politique harmonisée sur le sujet.
Nous sommes satisfaits qu’une telle perspective simplifie la délivrance des titres d’identité à nos concitoyens, mais rappelons tout de même, à cette occasion, la honte que constituent pour notre pays les conditions inhumaines et indignes de délivrance ou de renouvellement des titres de séjour pour étranger.
Enfin, nous soulignons l’importance de la position adoptée par la commission des lois et le groupe socialiste, qui souhaitent encadrer strictement et précisément par la loi la nature et l’usage de ce fichier et de la biométrie.
Il est heureux que le législateur se soit aujourd'hui saisi d’un sujet – j’en remercie le groupe UMP – que le Gouvernement avait tenu depuis des années à laisser dans le domaine réglementaire, avec toutes les dérives et atteintes à la liberté, à l’intimité que nous constatons aujourd’hui pour une partie des habitants de notre pays.
Monsieur le ministre, il ne peut pas y avoir deux poids, deux mesures. Après l’adoption de ce texte, il faudra revenir au droit commun pour les étrangers titulaires d’un titre de séjour en France, donc en situation régulière. L’intégration commande qu’ils soient traités, eux et les Français qui les fréquentent, comme l’ensemble des citoyens du pays, et non pas comme des délinquants potentiels.