Séance en hémicycle du 3 novembre 2011 à 9h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

La séance est ouverte à neuf heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

M. le Premier ministre a transmis au Sénat :

- le rapport sur les missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation retraçant l’évolution de la dotation nationale et des dotations régionales affectées à ces missions, établi en application de l’article L. 162-22-13 du code de la sécurité sociale ;

- le rapport sur la tarification à l’activité des établissements de santé et ses conséquences sur l’activité et l’équilibre financier des établissements publics et privés, établi en application de l’article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale ;

- le rapport sur le bilan d’avancement du processus de convergence tarifaire faisant état des réalisations et des travaux menés dans la mise en œuvre de la convergence tarifaire, établi en application de l’article 33 de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 de financement de la sécurité sociale pour 2004 ;

- le rapport d’activité du fonds d’intervention pour la qualité et la coordination des soins, établi en application de l’article L. 221-1-1 du code de la sécurité sociale ;

- le rapport sur l’évaluation de la mise en œuvre de la franchise sur les médicaments, les actes des auxiliaires médicaux et les transports sanitaires, établi en application de l’article L. 322-2 du code de la sécurité sociale.

Acte est donné du dépôt de ces rapports.

Ils ont été transmis à la commission des affaires sociales et sont disponibles au bureau de la distribution.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Nous avons tous pu constater la façon dont s’est déroulée la séance d’hier après-midi : il a été impossible d’achever l’examen du texte inscrit à l’ordre du jour dans le délai initialement prévu de quatre heures, créneau horaire habituel. La suite de la discussion a été reportée à ce soir, ce qui bouleverse l’emploi du temps de nombre de nos collègues.

Je rappelle que, dans le passé, certains reprochaient souvent au Gouvernement d’ajouter des séances au dernier moment. Or nous avons été informés hier soir seulement du renvoi de la suite de la discussion de cette proposition de loi à la séance de ce soir – et peut-être même de cette nuit, ce qui signifie que la matinée de demain sera perdue pour ceux d’entre nous qui auront participé à ce débat.

Mais là n’est pas le sujet. J’observe que l’on ne respecte même plus, dans cette assemblée, l’article 29 bis du règlement puisque l’on ampute le créneau réservé à l’ordre du jour proposé par les groupes d’opposition et les groupes minoritaires – en l’occurrence, il s’agit du créneau du groupe UMP – : en effet, la séance n’a commencé qu’à neuf heures trente au lieu de neuf heures. Si nous continuons sur cette lancée, nous ne respecterons même plus la Constitution, ce qui me paraîtrait tout à fait regrettable !

La conférence des présidents devrait pouvoir définir des règles qui s’appliquent à tous, comme elle avait su le faire jusqu’à présent !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Mon cher collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement.

Je conviens tout à fait des désagréments que vous évoquez et je ferai part de vos observations à la conférence des présidents. Cependant, vous pouvez admettre, me semble-t-il, que le créneau réservé à votre groupe a été simplement décalé et non pas « amputé » : en effet, l’ordre du jour de ce matin prévoit que la séance publique débute à neuf heures trente et se prolonge jusqu’à treize heures trente…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

De mieux en mieux ! Et pourquoi pas jusqu’à quatorze heures, pendant qu’on y est ? Il n’y a plus aucun respect pour l’opposition !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Le créneau de quatre heures que vous évoquiez sera donc respecté.

La parole est à M. le président de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à souligner le grand intérêt du débat qui s’est tenu hier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

C’est moi-même qui ai proposé que nous le poursuivions jusqu’à son terme : étant donné que M. Jean-Jacques Hyest avait déposé de nombreux amendements très intéressants, je ne voulais pas lui causer le déplaisir ni la déception de se trouver dans l’impossibilité de les défendre…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur Hyest, vous venez de proférer un adjectif que je n’apprécie pas particulièrement…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Mon cher collègue, vous pouvez bien sûr dire ce que vous voulez ! Je tiens cependant à vous faire observer que vous avez défendu une motion de renvoi à la commission tout en ayant déposé concomitamment un grand nombre d’amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

En toute rigueur intellectuelle, si vous aviez pensé qu’il fallait absolument que ce texte soit à nouveau examiné par la commission, il eût été plus logique de ne pas déposer tous ces amendements… Mais vous avez tout à fait le droit de présenter des amendements et vous aurez même le loisir de les défendre durant la soirée, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

… voire la nuit. Une telle perspective ne peut pour vous qu’être source de béatitude !

Permettez-moi d’ajouter encore deux points. Le premier a d’ailleurs été évoqué par M. le président, ce dont je le remercie : si la séance publique commence ce matin à neuf heures trente plutôt qu’à neuf heures, ce n’est pas en raison de la question évoquée par M. Hyest, mais parce que le débat d’hier soir consacré aux prélèvements obligatoires et à leur évolution a duré une heure de plus que prévu. L’ordre du jour de ce matin indiquant expressément que le présent débat peut continuer jusqu’à treize heures trente, votre groupe politique ne perdra pas une seule minute du temps qui lui a été imparti, mon cher collègue.

Sur le second point, je me permets de vous faire observer que la même question risque de se poser à nouveau cet après-midi, puisque le texte présenté par le groupe UCR fait l’objet d’un nombre non négligeable d’amendements – n’est-ce pas, madame Escoffier ?

Mme Anne-Marie Escoffier acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

J’ai donc proposé à la conférence des présidents d’appliquer la même règle, afin que nous puissions achever cette nuit et, éventuellement, demain matin ou demain après-midi l’examen des amendements déposés sur la proposition de loi tendant à préserver les mandats en cours des délégués des établissements publics de coopération intercommunale – ce texte intéresse tant M. Hyest que moi-même –, ainsi que l’examen des amendements portant sur la proposition de loi relative au patrimoine monumental de l’État, présentée par nos collègues du groupe UCR.

Pour conclure, monsieur le président, je pense qu’il est bon pour le travail du Parlement de poursuivre l’examen des textes jusqu’à son terme, plutôt que d’interrompre le débat au bout de deux ou trois heures. Monsieur Hyest, vous voyez donc que vos craintes n’ont absolument aucun fondement…

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe UMP, la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, relative à la protection de l’identité (proposition n° 744 [2010-2011], texte de la commission n° 40, rapport n° 39).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte qui revient aujourd’hui devant la Haute Assemblée a déjà fait l’objet, en première lecture, de débats denses et constructifs entre le Gouvernement et le Parlement.

La qualité de ces débats devait naturellement beaucoup à ce qu’ils s’appuyaient sur le travail des coauteurs de cette proposition de loi, les sénateurs Jean-René Lecerf et Michel Houel que je tiens à saluer à nouveau aujourd’hui. Grâce à eux, nous avons d’emblée ciblé les bons enjeux, à savoir la simplification des démarches administratives de nos concitoyens, d’une part, et le renforcement de la lutte contre l’usurpation d’identité, d’autre part.

Les débats de la première lecture ont permis de faire apparaître plusieurs points de convergence.

Je me réjouis en particulier que les dispositions relatives à la puce de services dématérialisés de la nouvelle carte d’identité électronique aient été votées conformes dans les deux assemblées. La mise en œuvre de ces dispositions permettra de rendre un service moderne et facultatif à nos concitoyens.

Nous sommes également d’accord sur la nécessité de mieux protéger nos concitoyens contre le fléau que constitue l’usurpation d’identité. Chaque année, en effet, nombre d’entre eux voient leur identité détournée à des fins frauduleuses.

J’ai bien noté, lors des échanges en première lecture, les divergences exprimées sur la quantification des usurpations d’identité. Convenons ensemble qu’il est difficile de mesurer précisément cette délinquance qui peut prendre des formes très différentes, d’un emprunt de nom sans conséquence majeure à un vol d’identité susceptible d’occasionner des dommages graves pour les victimes. Comme le disait votre rapporteur dans son premier rapport, le phénomène est « polymorphe » et agit à différents niveaux.

Cependant, quelle que soit cette difficulté à obtenir une mesure fine du phénomène, les différentes informations recueillies nous ont tous amenés à un triple constat : l’usurpation d’identité touche plusieurs dizaines de milliers de personnes, ce qui justifie une attention précise ; par ailleurs, ce fléau lancinant est en progression et prend des formes de plus en plus sophistiquées ; il en résulte enfin un véritable drame pour les victimes, qui réclame l’application d’une action publique protectrice.

Il faut en effet bien prendre conscience des drames que vivent certains de nos concitoyens victimes d’usurpation d’identité. Du jour au lendemain, une vie normale peut ainsi devenir un cauchemar, et je crois que nous devons tous en prendre l’exacte mesure.

Je pense ainsi à cet homme qui, chaque fois qu’il veut quitter le territoire français, se retrouve bloqué, car son nom, « emprunté » par un tiers, a été inscrit au fichier des personnes recherchées. Je n’oublie pas non plus cet autre homme, en dépression chronique au motif qu’un inconnu se réclame du même nom que lui et ne cesse de contracter de nouveaux emprunts et d’opérer des retraits frauduleux sur ses comptes : interdit bancaire, la sécurité sociale l’a également radié de ses fichiers.

Je peux encore citer le cas de cet artisan, victime du vol de sa carte nationale d’identité et qui, parce que plusieurs crédits à la consommation ont été souscrits en son nom par un inconnu, s’est retrouvé depuis, lui aussi, interdit bancaire et contraint à quitter son domicile pour ne plus vivre que dans l’angoisse d’un nouveau courrier de recouvrement ou de la visite d’un huissier.

Tous ces cas véridiques illustrent une réalité qui plonge brutalement la victime d’une usurpation d’identité dans l’interdit bancaire, la radiation de ses droits à la sécurité sociale ou la réclamation d’une dette qui ne la concerne en rien.

Je vous demande donc, mesdames, messieurs les sénateurs, d’imaginer le quotidien de certains de nos concitoyens, harcelés de lettres recommandées d’huissiers ou de convocations devant l’administration ou la justice, qui doivent, en permanence, à la fois prouver leur identité et démontrer qu’ils ne sont pas concernés par les déchéances ou les obligations que leur sont imputées à tort.

Il nous appartient donc de mettre en place les moyens de combattre un phénomène en pleine expansion, aux conséquences financières et morales importantes pour ces victimes que sont les femmes et les hommes dont l’identité a été usurpée.

Là encore, je crois que nous sommes d’accord pour remplir ce devoir de protection à l’égard de nos concitoyens et mettre en œuvre une carte nationale d’identité capable de répondre à ces enjeux.

L’usurpation d’identité, en effet, n’a rien d’une fatalité : le succès du passeport biométrique, dont nous avons délivré plus de six millions d’exemplaires en deux ans, est là pour le prouver. Grâce à lui, nos concitoyens bénéficient tout à la fois d’une procédure d’obtention simplifiée et d’un titre plus sûr.

Il ne reste ainsi, en réalité, qu’un seul véritable point de désaccord entre le Gouvernement et la Haute Assemblée : il porte sur le traitement à développer entre les données d’état civil et les données biométriques, objet de l’article 5 de la proposition de loi.

Comme vous le savez, la carte nationale d’identité électronique introduit une double sécurité contre l’usurpation d’identité : d’une part, l’enregistrement des données biométriques qui permettent d’identifier n’importe quel demandeur de titre de manière certaine ; d’autre part, la mise en œuvre d’une base unique et centralisée, la base TES – titres électroniques sécurisés –, déjà utilisée pour les passeports, pour recenser, confronter et vérifier les informations relatives aux demandeurs ou aux titulaires de titres. Elle garantit de la falsification de titres et de la délivrance de plusieurs cartes à la même personne.

L’article 5 du texte que nous examinons aujourd’hui, objet de notre désaccord, concerne l’intensité du lien qu’il convient d’établir, au sein de cette base TES, entre les éléments d’état civil et les données biométriques.

La commission des lois du Sénat propose de dégrader techniquement le fichier national biométrique en retenant une base « à lien faible », c’est-à-dire sans lien univoque entre les données.

Comme les auteurs de la proposition de loi, le Gouvernement souhaite au contraire que soit retenu un lien univoque, « un lien fort », entre ces deux types de données, afin de bénéficier pleinement des techniques existantes et d’être capable de s’adapter aux menaces d’usurpation d’identité actuelles et à venir.

En cela, nous ne faisons que reprendre les orientations des débats que la Haute Assemblée a conclus en 2005 par le rapport d’information du sénateur Jean-René Lecerf. Les équilibres complexes entre sécurité et liberté publique y sont longuement débattus, et l’une des conclusions expose clairement que « le débat devrait moins se focaliser sur la création ou non d’un fichier national de gestion de ce titre, qui existe déjà, que sur les conditions de son utilisation ».

C’est précisément sur ces conditions que je vous propose de réfléchir, notamment quant aux accès à la base centrale, qui doivent permettre de garantir les équilibres entre les objectifs de sécurité et les libertés publiques.

La base centrale apporte une réponse proportionnée aux enjeux et à l’objectif de sécurité des titres et de lutte contre l’usurpation d’identité. C’est d’ailleurs ce que le Conseil d’État confirme dans sa décision du 26 octobre dernier sur le décret relatif aux passeports biométriques, en considérant que la création de la base centrale, y compris avec des données biométriques, ne porte pas une atteinte excessive au droit des personnes au respect de leur vie privée. Je le cite : « la collecte des images numérisées du visage et des empreintes digitales des titulaires de passeports […] et la centralisation de leur traitement informatisé, compte tenu des restrictions et précautions dont ce traitement est assorti, est en adéquation avec les finalités légitimes du traitement ainsi institué et ne porte pas au droit des individus au respect de leur vie privée une atteinte disproportionnée aux buts de protection de l’ordre public en vue desquels il a été créé ».

La question à traiter est donc celle du lien.

L’utilisation de la base centrale est, avant tout, destinée à garantir la bonne fabrication et la délivrance du titre à la bonne personne. L’accès à la base est donc réservé aux seuls agents chargés de ces opérations à l’Agence nationale des titres sécurisés, dans les préfectures ou dans les postes consulaires.

Par ailleurs, sous le contrôle du juge, des réquisitions sont toujours possibles ; elles constituent, comme dans de nombreuses situations, une aide à la justice pour la manifestation de la vérité. Il n’y a là rien de spécifique à la carte nationale d’identité, et les libertés publiques demeurent garanties par l’intervention du juge.

Je rappelle, de plus, que la base TES intègre déjà les conditions d’une utilisation contrôlée, conformément aux préconisations de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL. Cela signifie qu’il existe une traçabilité des agents utilisant la base, que les garanties techniques de segmentation des données sont en place et que des garanties de sécurité lors des transmissions ou contre l’intrusion fonctionnent.

L’accès aux données est restreint et justifié. Le lien, dès lors, peut être « fort ».

En revanche, concernant le lien faible, les difficultés sont multiples et, à mon avis, rédhibitoires.

Le risque réside, tout d’abord, dans l’absence de garantie d’une lutte efficace contre les usurpations d’identité, alors même que c’est l’objectif du texte. Le lien « faible » ne permet notamment pas de remonter efficacement jusqu’à l’usurpateur ; il permet de constater la fraude, mais pas de distinguer la victime de l’usurpateur sans un travail d’enquête lourd pouvant impliquer plusieurs centaines de personnes. De même, s’il peut être admis qu’il est difficile d’usurper une identité enregistrée dans la base, une base à lien faible ne permettra pas d’identifier un usurpateur qui est parvenu à entrer dans la base avant le légitime propriétaire de l’identité.

En outre, mesdames et messieurs les sénateurs, où est la protection des libertés individuelles si nous retenons, pour l’exploitation de la base TES, un système dont la fiabilité peut être mise en doute ?

En effet, le lien faible n’a encore été mis en œuvre dans aucun pays et rien ne prouve qu’il soit fiable d’un point de vue strictement technique. L’entreprise à l’origine du lien faible a d’ailleurs clairement écrit à l’Agence nationale des titres sécurisés que « le lien faible est un concept qui n’a fait l’objet d’aucune réalisation opérationnelle à ce jour. Le passage du concept à un produit opérationnel nécessitera du temps et des investissements importants que nous n’avons pas précisément évalués à l’heure actuelle ». Développer d’emblée un dispositif pour plusieurs dizaines de millions de titres fondé uniquement sur un concept est donc un très grand risque technique et financier.

De surcroît, retenir le lien faible reviendrait à instituer par la loi un avantage compétitif, voire un monopole, au profit de la société détentrice du brevet. C’est, me semble-t-il, en contradiction avec le droit européen de la concurrence.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande de ne pas vous arrêter au milieu du chemin et de permettre à la puissance publique d’être en mesure de relever les enjeux des fraudes à l’identité.

Je vous prie donc de revenir sur l’amendement de votre commission des lois et de retenir, pour l’exploitation de la base TES, une logique de lien univoque encadré et contrôlé dans son accès et son utilisation.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes appelés à examiner en deuxième lecture la proposition de loi relative à la protection – nécessaire – de l’identité, présentée par nos collègues Jean-René Lecerf et Michel Houel.

Monsieur le ministre, vous venez de donner de nombreuses illustrations de la fraude à laquelle nous voulons mettre un terme.

En première lecture, le Sénat a souscrit au but recherché : lutter contre les usurpations d’identité grâce à la constitution de titres électroniques associés à un fichier central biométrique permettant de prévenir les fraudes.

Reconnaissant la pertinence de la proposition de nos collègues, l’Assemblée nationale a marqué son accord avec la quasi-totalité des dispositions résultant des travaux de la Haute Assemblée.

Cependant, l’Assemblée nationale, estimant utile d’autoriser la recherche d’identification d’un individu à partir des empreintes digitales enregistrées dans le fichier central, a adopté une position fondamentalement différente de celle du Sénat sur la question cruciale de l’architecture du fichier central biométrique. Ce faisant, dans la mesure où ils ne l’ont pas exclue, les députés ont autorisé implicitement la recherche d’identification par reconnaissance faciale.

Lors de sa séance du 17 octobre dernier, la commission des lois a estimé que le retour au dispositif et à l’équilibre qu’elle avait initialement proposés et qui avait été retenus par le Sénat s’imposait.

Il faut bien reconnaître que l’initiative est, dans le sujet qui nous préoccupe, du côté du Sénat, qu’il s’agisse des auteurs de la proposition de loi ou d’une solution innovante, fruit de notre réflexion.

Nous avons fixé les termes du débat en reconnaissant la légitimité des objectifs tout en marquant la limite absolue qui ne devait pas être franchie, à savoir assurer la protection de l’identité sans porter atteinte aux droits fondamentaux.

Examinons synthétiquement les données qui, à mon sens, emportent la décision.

Les députés ont supprimé la garantie technique imposée par le Sénat dans la constitution matérielle du fichier, estimant qu’en cas d’usurpation d’identité il serait impossible d’identifier l’usurpateur potentiel, sauf à engager une enquête longue et coûteuse imposant de recouper des informations pour réduire la liste des suspects dont l’empreinte digitale est classée dans le même sous-fichier.

Bien au-delà de cette simple critique, il apparaît surtout que la motivation des députés tient dans le fait que le fichier, tel que nous l’avions conçu, ne pourrait pas être utilisé à des fins de recherche criminelle.

Ce raisonnement ignore le fait que la proposition de loi parvient à atteindre son objectif par un dispositif élaboré moins pour la répression que pour la dissuasion. En effet, l’usurpateur d’une identité déjà protégée et enregistrée aura 99, 9 % de risques de se faire prendre lors de sa tentative d’usurpation.

En cas d’alerte, les services de police voient leur enquête facilitée du fait qu’ils ont accès à la base centrale et qu’ils sont en possession d’informations supplémentaires sur l’éventuel fraudeur : son âge approximatif, la couleur de ses yeux, son sexe, sa domiciliation alléguée et sa domiciliation probable. Dans la mesure où ils disposent en outre de ses empreintes digitales et de sa photographie, ils peuvent confronter ces informations à celles qui sont contenues dans les fichiers de police.

Cette constatation suffit à justifier la proportionnalité entre les buts visés par la proposition de loi et les dispositifs matériels mis en place. En revanche, l’Assemblée nationale rompt cet équilibre et propose même un objectif différent de celui qui est nécessaire à la stricte protection de l’identité.

Comme cela a été noté en première lecture par le Sénat, cette situation fait incontestablement encourir au texte des risques d’inconstitutionnalité et, circonstance aggravante, fait certainement entrer celui-ci en contradiction totale avec les normes européennes telles qu’elles sont appliquées par la Cour européenne des droits de l’homme.

J’ajoute que le texte qui revient de l’Assemblée nationale ne satisfait même pas aux certitudes affichées par les députés. En effet, il rendrait possible les procédés de reconnaissance faciale et, contrairement à ce que nous avons voté, permettrait l’utilisation du fichier central par les services antiterroristes hors de toute réquisition judiciaire. À ce stade de nos discussions, l’état du droit, il importe de le souligner, ne nous permet pas de modifier notre position.

Depuis la séance de la commission des lois du 19 octobre 2011, d’autres éléments, même s’ils sont de portées juridiques différentes, doivent être ajoutés au débat.

Le 25 octobre dernier, la Commission nationale de l’informatique et des libertés a adopté une note d’observations sur la proposition de loi dont nous discutons. Elle y souligne qu’il convient « de s’assurer que le traitement créé ne peut être utilisé à d’autres fins que la sécurisation de la délivrance des titres d’identité et de voyage » et qu’il « conviendrait également de s’assurer qu’un tel système ne soit pas détourné de sa finalité par un recours systématique aux réquisitions judiciaires […]. En effet, une consultation systématique du fichier aurait pour effet de le doter de facto d’une finalité de police judiciaire, qui constitue une finalité distincte. »

Au nombre des techniques susceptibles d’interdire toute utilisation détournée du fichier, la CNIL compte celle du « lien faible » retenu par le Sénat en première lecture. C’est déjà un premier élément juridique, mais ce n’est qu’une note d’information de la CNIL.

Le lendemain, le 26 octobre 2011, le Conseil d’État, saisi d’un recours en annulation du décret ayant organisé la mise en pratique du passeport biométrique, a rendu sa décision. Vous en avez cité, monsieur le ministre, les passages qui justifient parfaitement la création d’une base centrale de données.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Faisant référence à des normes internationales dont le respect s’impose au législateur, le Conseil d’État a rappelé que « l’ingérence dans l’exercice du droit de toute personne au respect de sa vie privée que constituent la collecte, la conservation et le traitement, par une autorité publique, d’informations personnelles nominatives, ne peut être légalement autorisée que si elle répond à des finalités légitimes et que le choix, la collecte et le traitement des données sont effectués de manière adéquate et proportionnée au regard de ces finalités ».

Ainsi, en cet instant, nous savons que seule la constitution matérielle des fichiers telle qu’elle a été conçue par le Sénat est en mesure, tout en répondant à l’objectif de la proposition de loi, de satisfaire à la fois au respect des principes fondamentaux attachés aux libertés publiques, au respect des normes juridiques supérieures qui s’imposent au législateur et au respect de la proportionnalité entre l’objectif de la loi et les moyens mis en œuvre pour son application.

La nature de la base créée pour la protection de l’identité, unique par sa taille et par la qualité de ceux qui y seront enregistrés – à terme, plus de soixante millions de Français –, en fait – et la formule n’est pas excessive – le fichier des gens honnêtes !

Cette constatation, ajoutée à celle que ce fichier aura vocation à perdurer, nous a conduits à doubler les garanties juridiques, possiblement éphémères, de garanties matérielles mathématiquement irréversibles.

En matière de lutte contre la fraude à l’identité, le zéro défaut est l’objectif de l’Assemblée nationale.

S’agissant de la protection des libertés publiques, le risque zéro est la priorité du Sénat.

La solution que nous proposons élimine tout risque pour les libertés publiques et assure une efficacité de 99, 9 % à la future protection de l’identité.

Le texte qui vous est soumis aujourd’hui, voté à l’unanimité par la commission des lois, préserve les objectifs de la proposition de loi, dans le respect des droits fondamentaux. Telles sont les raisons pour lesquelles, mes chers collègues, je vous invite à l’adopter.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV, du RDSE, de l ’ UCR et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous partageons un certain nombre des objectifs de la proposition de loi, de même que nous sommes d’accord avec divers constats qui en sont à l’origine.

L’usurpation d’identité – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre – est effectivement un drame pour toutes les victimes, quelle que soit la nature précise de cette usurpation.

Aujourd'hui, nous ne disposons pas des outils nécessaires pour quantifier réellement ce phénomène, mais là n’est pas l’objet du texte qui nous est aujourd'hui soumis. Notre objectif à tous est de limiter le plus possible les usurpations d’identité, et ce point ne prête pas à polémique.

En revanche, ne jouons pas au chat et à la souris avec les avis récents du Conseil d’État et avec ceux de la CNIL. Ne jouons pas au chat et à la souris sur les questions de proportionnalité et sur la finalité des dispositifs que nous allons mettre en place aujourd'hui.

La proposition de loi qui nous est soumise ne crée pas simplement une carte d’identité biométrique et un fichier centralisé. Elle institue aussi – on l’oublie peut-être un peu rapidement – de nombreux contrôles à la source de la production des documents d’identité, en particulier pour les documents d’état civil. Ces contrôles seront certainement très efficaces et respecteront parfaitement la vie privée. Il ne sera désormais plus possible ni d’inventer des documents d’état civil ni de présenter de faux documents d’état civil ou des actes d’état civil appartenant à un tiers. C’est là un énorme progrès qu’il faut noter.

J’évoquerai maintenant les données biométriques qui seront inscrites demain dans nos documents d’identité. Ces données sont des caractéristiques nous appartenant en propre, dont nous ne pouvons nous défaire et qui permettent de nous identifier de façon certaine.

J’insiste sur le fait que les données biométriques n’ont pas toutes la même valeur. Certaines de ces données sont traçantes, alors que d’autres ne le sont pas, et c’est une distinction à laquelle la CNIL attache une grande importance.

Les empreintes digitales, notamment, sont des données biométriques traçantes : nous les laissons là où nous passons, à notre insu. Elles peuvent également être reconstituées – M. Türk, ancien président de la CNIL, nous en avait fait la démonstration – et être utilisées à mauvais escient contre quelqu’un. Il semblerait même que cela soit très facile !

L’inscription de ces données biométriques dans une puce intégrée à la pièce d’identité constitue une avancée. Le propriétaire reste en leur possession et est maître de leur authentification. Le groupe socialiste-EELV se prononcera donc pour cette mesure.

Le groupe socialiste-EELV n’est pas non plus opposé au traitement centralisé des données, autrement dit à la création du « fichier des gens honnêtes », pour reprendre l’expression de M. le rapporteur, mais… Il y a beaucoup de « mais », que les membres de la commission des lois ont été unanimes à relever, à l’instar de la CNIL.

Certes, la CNIL n’a pas émis d’avis spécifiquement défavorable sur les conditions d’utilisation de ce fichier, sur la traçabilité de la consultation, etc. Pour autant, elle a bien affirmé et réaffirmé sa position sur la finalité de la constitution et de l’utilisation de ce fichier, ainsi que sur « la proportionnalité de la conservation sous forme centralisée des données biométriques au regard de l’objectif légitime de lutte contre la fraude documentaire ».

Ce fichier ne doit servir qu’à lutter contre l’usurpation d’identité. Il ne doit en aucun cas devenir un fichier de police généralisé, car, demain, soixante millions de Français y figureront.

Contrairement à ce que vous nous avez dit tout à l’heure, monsieur le ministre, la base de données à lien faible permet facilement de déceler les usurpations d’identité et de détecter les fraudes. Si la fraude peut être détectée dans 99, 9 % des cas, qui prendra le risque de frauder, voire de récidiver, sachant que le risque d’être détecté sera alors accru, les services de sécurité ou les services d’état civil étant alertés sur le sujet ? Ne faisons donc pas peur aux Français avec un faible risque de fraude de l’ordre de 0, 1 %.

Il faut également savoir que les mesures prises en matière de contrôle des documents d’état civil en amont de la production de la carte d’identité seront efficaces et que la base de données à lien faible est largement suffisante pour atteindre l’objectif de la proposition de loi, qui est, je le rappelle, de lutter contre l’usurpation d’identité et non de créer un fichier de soixante millions de Français honnêtes, à la disposition des services publics.

Aujourd’hui, j’observe que, à la suite de nombreuses histoires d’écoutes plus ou moins légales

M. le ministre le conteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Bien évidemment, le groupe socialiste-EELV se rangera à l’unanimité à l’avis de M. le rapporteur. Nous souhaitons revenir au dispositif adopté par le Sénat en première lecture, qui tend à privilégier la protection des libertés publiques, domaine dans lequel il faut assurer le risque zéro ; quant au « défaut zéro » dans la lutte contre l’usurpation d’identité, il est approché à 99, 9 % : mais le 0, 1 % de risque, pourcentage extrêmement minime, doit être appréhendé à la lumière de l’ensemble du dispositif et non pas de la simple constitution du fichier.

Pour finir, j’exprimerai un petit regret. Il concerne la puce appelée « vie quotidienne » qui sera intégrée au titre d’identité. Je regrette qu’aucune mesure ne soit prévue aujourd'hui en matière de traçabilité et d’effacement des données que les utilisateurs laisseront partout sur Internet. Aucune mesure d’information des citoyens n’est prévue non plus. J’avais déjà fait part de mes inquiétudes sur ces questions lors de l’examen du texte en première lecture, mais la proposition de loi est restée en l’état, et je le regrette.

En tout état de cause, sur ce sujet, le groupe socialiste-EELV suivra M. le rapporteur, comme il l’a fait en commission. Il votera donc le texte tel qu’il résulte des travaux de la commission des lois.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV. – Mme Anne-Marie Escoffier et M. Jean-Paul Amoudry applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui en deuxième lecture tend à lutter contre l’usurpation d’identité grâce à l’instauration d’un titre national d’identité biométrique.

Si les usurpations d’identité existent et si elles ont de graves conséquences pour celles et ceux qui en sont les victimes, il nous semble nécessaire de clarifier le débat sur les objectifs affichés des auteurs de la proposition de loi et sur leurs ambitions réelles, comme d’ailleurs sur celles du Gouvernement. Il est clair en effet que cette proposition de loi est une œuvre commune !

À cet égard, nous continuons de dire que, sur un tel sujet, un projet de loi était préférable. Il nous aurait permis de disposer d’une étude d’impact et de l’avis du Conseil d’État, notamment sur les risques majeurs d’atteintes aux libertés publiques.

En effet, cette proposition de loi n’instaure pas simplement une carte nationale d’identité modernisée. Elle prévoit également la constitution d’un fichier dans lequel seront inscrits pas moins de quarante-cinq millions de nos concitoyens ! C’est d’ailleurs bien cela qui intéresse le Gouvernement, monsieur le ministre ! Vous avez en effet proposé, en dernier recours, d’amender le texte pour en revenir à la rédaction de l’Assemblée nationale, laquelle prévoit l’instauration d’un lien fort au sein de ce fichier entre l’état civil d’un demandeur de titre et ses données biométriques, et ce afin de permettre une utilisation à des fins judiciaires.

L’acharnement dont vous faites preuve, monsieur le ministre, nous semble tout à fait éclairant sur la nature même de ce fichier. Vous le qualifiez d’ « administratif » alors que son objet sera principalement judiciaire.

Dès lors, vous comprendrez que le fichage généralisé de nos concitoyens dans le seul but de lutter contre l’usurpation d’identité nous semble pour le moins disproportionné. Certes, ce phénomène n’est pas anodin et plonge dans le plus profond désarroi celles et ceux qui en sont les victimes, comme vous l’avez indiqué, monsieur le ministre ; mais l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales n’ayant recensé que 13 900 cas en 2009…

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

…– c’est beaucoup trop, je vous l’accorde –, la mise en œuvre d’un dispositif de portée générale ne nous paraît pas nécessaire. C’est d’ailleurs ce qu’a redit la CNIL dans sa note d’observations du 25 octobre dernier.

Ainsi, entre les objectifs affichés et la finalité inavouée de ce texte, il y a un fossé que nous regrettons.

Sur le fond, nous constatons que, progressivement, l’action sécuritaire du Gouvernement a profondément modifié la nature des fichiers prétendument destinés à lutter contre la délinquance. On en vient de plus en plus à du fichage généralisé. Comment expliquer autrement le fait que, aujourd’hui, trente-quatre millions de nos concitoyens figurent dans le STIC, le système de traitement des infractions constatées ? Ce phénomène est particulièrement dangereux.

Avec ce texte, monsieur le ministre, vous faites clairement un pas supplémentaire dans cette dérive sécuritaire. Le fichier central biométrique risque en effet de transformer l’ensemble de la population en coupables potentiels. Nous sommes bien loin, monsieur le rapporteur, du « fichier des gens honnêtes » que vous évoquiez !

Par ailleurs nous sommes extrêmement inquiets des déclarations de certains membres de l’UMP, lesquels considèrent que ce fichier aura des « retombées positives » sur le contrôle de l’immigration. Une telle évolution serait à notre sens particulièrement dangereuse. En tout cas, de tels propos sont révélateurs des utilisations, perverses pour certaines d’entre elles, qu’il serait possible de faire d’un tel fichier.

Pour notre part, nous contestons la création d’un fichier à vocation générale sous quelque forme, administrative ou judiciaire, que ce soit. Il serait dangereux pour les libertés publiques d’institutionnaliser cette forme de contrôle de la plus grande partie de la population. La CNIL a d’ailleurs alerté le législateur sur cette question, notamment dans un avis réservé, en date du 11 décembre 2007, sur le décret concernant l’établissement des passeports biométrique.

La CNIL a en effet considéré que, si légitimes soient-elles, les finalités gestionnaires définies dans le décret « ne justifiaient pas la conservation, au plan national, de données biométriques telles que les empreintes digitales et que les traitements ainsi mis en œuvre seraient de nature à porter une atteinte excessive à la liberté individuelle ».

Plus récemment, le 25 octobre dernier, elle a confirmé cette analyse sur le présent texte en évoquant même un détournement de finalité du fichier à des fins purement judiciaires. Elle a également réitéré son analyse en estimant que « la proportionnalité de la conservation sous forme centralisée des données biométriques, au regard de l’objectif légitime de lutte contre la fraude documentaire, n’est pas à ce jour démontrée ».

Cette déclaration me semble plus qu’un appel à la prudence ! Nous aurions à ce titre souhaité que l’audition de présidente de la CNIL, annoncée par le rapporteur lors de la présentation du rapport, ait pu avoir lieu.

Je vous rappelle également que la création de cette carte d’identité biométrique ne constitue en aucun cas une obligation européenne. En effet, le règlement européen du 13 décembre 2004 impose certes « d’insérer dans une puce la photographie du titulaire et ses empreintes digitales » dans les passeports et les visas mais en aucun cas dans les « cartes d’identité délivrées par les États membres ».

Par ailleurs, d’autres pays, à l’image de l’Allemagne, ont créé une carte nationale d’identité biométrique sans pour autant constituer de fichier centralisé. Cela devrait nous interpeller voire nous inspirer.

Il faut également se poser la question de savoir si cette nouvelle carte ainsi que le boîtier qui permettra de la lire seront payants ou gratuits pour nos concitoyens. Ce lecteur sera-t-il offert par l’État aux Français avec leur carte d’identité électronique, comme c’est le cas en Allemagne, ou faudra-t-il que les gens l’achètent, comme en Belgique ? Nous attendons des réponses claires à cet égard.

Comment ignorer également que le passage au biométrique est une formidable opportunité de créer un marché lucratif pour les quelques entreprises spécialisées dans ce domaine ? Mes chers collègues, je vous le dis tranquillement : la République et la Haute Assemblée ne peuvent être à la solde de lobbies. À ce titre, nous nous inscrivons en faux contre la présence sur cette carte nationale d’identité d’une puce de « e-commerce » permettant de répondre à la demande de sécurisation des transactions commerciales sur Internet émanant des industriels. Nous considérons en effet qu’un titre d’identité est intimement lié à la citoyenneté. Il ne doit donc pas être utilisé à des fins commerciales, sous peine de voir le citoyen supplanté par le consommateur. Un tel détournement est fondamentalement dangereux pour la démocratie.

Techniquement parlant, cette volonté de sécurisation des échanges sur Internet est, en outre, une course vaine. Plus les technologies seront avancées en matière de sécurisation des données, plus les moyens de les contourner seront élaborés. C’est une histoire sans fin !

Pour finir, je voudrais aborder une question qui n’a que très peu été évoquée : il s’agit de l’augmentation des charges pour les collectivités que cette proposition de loi suppose. Les communes sont déjà lourdement affectées par les passeports biométriques, alors même qu’elles sont exsangues ! Elles ne pourront indéfiniment faire face aux transferts de charges opérés par l’État. « Les missions des services état civil des mairies ne sont pas extensibles à l’infini », soulignait ainsi l’Association des maires de grandes villes de France.

Pour toutes ces raisons, nous voterons, une nouvelle fois, contre ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j’ai le souvenir encore trop vif d’une expérience où nous avions confondu objectifs et moyens, et qui avait permis l’apparition sur le marché de nombreux « vrais faux » papiers, pour ne pas être très vigilante sur les mesures qui vont être prises ici.

Je vous ai écoutés, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, avec la plus grande attention. Je suis néanmoins obligée de dire que nous avons assisté, avec la modification apportée par l’Assemblée nationale à la proposition de loi telle que votée à l’unanimité en première lecture par le Sénat, non pas à un contournement mais à un véritable détournement de l’esprit initial du texte.

Rappelons-nous un instant quel était l’objectif de nos collègues Jean-René Lecerf et Michel Houel, auteurs de cette proposition de loi heureuse et opportune. Il s’agissait d’éviter les risques de fraude à l’identité, un mal qui s’est développé de façon vertigineuse sous les effets conjugués de la malignité de délinquants peu scrupuleux et d’une insuffisante protection des données personnelles identitaires. Généraliser à l’ensemble de la population française un dispositif protecteur des libertés publiques et individuelles et éviter des drames dont vous avez souligné l’intensité : tel était l’objectif initial de la proposition de loi.

Pareille ambition exigeait une absolue vigilance sur les moyens à mettre en œuvre. Le Sénat avait, sur proposition de l’excellent rapporteur de la commission des lois, veillé à un parfait équilibre du texte de loi visant à rendre pleinement dissuasive toute tentative de fraude sans jamais permettre au dispositif choisi d’être utilisé à d’autres fins, notamment de recherche criminelle.

Le vote positif que j’avais exprimé au nom de tous les membres du groupe RDSE ne valait que parce que le fichier central créé reposait sur le principe du « lien faible », qui encadrait strictement les garanties juridiques autant que matérielles de la protection des libertés publiques et individuelles.

L’Assemblée nationale, en choisissant de supprimer à l’article 5 l’alinéa relatif à ce « lien faible », fait de cette proposition de loi un tout autre dispositif. Elle permet le fichage de soixante millions de personnes, la population française, en donnant la possibilité de croiser les données identitaires de base avec les empreintes biométriques et les images faciales numérisées.

Comment accepter que pareil fichier puisse trouver sa place dans un pays qui s’honore d’être le pays des droits de l’homme et qui ne peut accepter que soit progressivement rogné le champ des libertés publiques, en contradiction avec les principes posés dans notre Constitution ?

C’est donc tout naturellement et fermement que le retour au texte initial du Sénat s’impose à nous, qui sommes les gardiens en même temps que les garants de ces principes.

Le texte issu de la commission qui nous est proposé aujourd'hui respecte les garanties fondamentales de l’individu, lui apporte la protection qu’il est en droit d’attendre de notre système judiciaire et le préserve de ces démarches intrusives qui ne cesseraient, si l’on n’y prenait pas garde, de l’emprisonner.

La CNIL est là, fort opportunément, pour veiller à ce que pareil enfermement soit rendu très difficile, à défaut d’être impossible. Elle a su montrer sa capacité à résister à des mesures intempestives et privatives de liberté. Ses avis ont utilement éclairé ce texte. Il suffit, comme cela nous a été rappelé à l’instant, de se référer à sa note d’observations du 25 octobre dernier.

Pour ces raisons, les membres du groupe RDSE conditionneront leur vote positif au retour au texte initial du Sénat, amendé lors du dernier examen en commission des lois pour exclure explicitement que le fichier central créé puisse faire l’objet d’un système de reconnaissance faciale. Seules ces dispositions garantissent l’équilibre voulu sur ces travées entre protection des libertés publiques et individuelles, prévention des fraudes et assurance de la parfaite faisabilité concrète du fichier.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais d’abord vous confier ma satisfaction d’avoir déposé, avec Michel Houel, cette proposition de loi en juillet de l’an dernier.

Les problèmes de la protection de l’identité ne me sont pas totalement étrangers et cette proposition de loi se présente comme la suite logique des travaux menés en 2005, au nom de la commission des lois, par la mission d’information sur la nouvelle génération de documents d’identité et la fraude documentaire que présidait Charles Guené et dont j’étais le rapporteur.

À de multiples reprises, lors des examens budgétaires successifs et en dernier lieu lors de la discussion de la loi LOPPSI 2, j’avais eu l’occasion d’interroger le Gouvernement sur les raisons d’une aussi longue attente, après le projet de création d’un titre fondateur d’identité dès 2001 et le projet INES, ou projet d’identité nationale électronique sécurisée, de 2003. Cet étrange retard, alors que la prolifération des usurpations d’identité ne pouvait laisser d’inquiéter, me paraissait d’autant plus surprenant que, dès 2005 – faut-il le rappeler ? –, un sondage réalisé par l’institut Ipsos révélait que 74 % de nos concitoyens se déclaraient favorables à la création d’une carte nationale d’identité électronique comportant des données personnelles numérisées, telles que les empreintes digitales, la photographie ou l’iris de l’œil, que 75 % étaient favorables à la constitution d’un fichier informatique national des empreintes digitales, tandis que 69 %, majorité toujours confortable, estimaient que cette future carte devrait être obligatoire pour garantir une réelle diminution des fraudes.

Bref, je ne me reconnais pas vraiment, en tant qu’auteur de cette proposition de loi, dans le petit télégraphiste auquel certains collègues députés inclinaient à m’assimiler.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

J’éprouve également quelques difficultés à comprendre le procès de principe fait à la proposition de loi, « procédure parlementaire pour le moins étrange » selon les uns, obligation de recourir au projet de loi dans la mesure où la protection de l’identité s’avère un « sujet régalien par excellence » selon les autres. Qu’elle soit gouvernementale ou parlementaire, l’initiative législative revêtait pour moi une valeur identique, la dernière révision constitutionnelle allant d’ailleurs, à mon avis, dans ce sens. J’éprouve même un certain malaise à voir des collègues faire de la proposition de loi une sorte de parent pauvre du projet de loi, alors que je les croyais davantage attachés à ce principe élémentaire du régime parlementaire qu’est le partage de l’initiative législative.

À la lecture des débats parlementaires de juillet dernier à l’Assemblée nationale, bien avant, donc, que Conseil d’État et CNIL n’apportent, si j’ose dire, leur pierre à l’édifice, je constate cependant un certain nombre d’éléments consensuels.

J’observe un accord sur les objectifs, tout d’abord. C’est ainsi que Delphine Batho exprimait l’attachement de son groupe à la lutte contre l’usurpation d’identité, à l’amélioration de la protection de l’identité, comme au caractère infalsifiable des documents d’identité et à un meilleur soutien des victimes de ces usurpations. Notre collègue se disait même prête à voter un tel texte lorsqu’elle disposerait d’une étude d’impact, d’un avis du Conseil d’État et d’un avis de la CNIL.

Je constate un accord sur l’importance croissante de l’usurpation d’identité, ensuite. Je ne reviens pas sur l’estimation sans doute trop large du CREDOC, le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie, qui comptabilisait, en 2009, 210 000 victimes par an. Mais on est loin, également, des 13 900 cas de fraudes documentaires à l’identité constatés par les services de police et de gendarmerie puisque, à partir des données du fichier automatisé des empreintes digitales, on décompte déjà 80 000 usurpations d’identité annuelles. Comment s’en étonner lorsque l’on prend conscience de la facilité avec laquelle il est possible d’obtenir des faux papiers dans notre pays ? Il suffit presque de connaître la commune de naissance d’une personne pour solliciter un acte de naissance authentique. Parallèlement, le fraudeur déclare la perte ou le vol de l’ensemble de ses papiers au commissariat. Muni de l’acte de naissance et de factures dont nos poubelles sont remplies, il pourra obtenir un nouveau titre d’identité. N’y a-t-il pas particulièrement de quoi s’émouvoir, quand on sait à la fois le drame vécu par les victimes – chacun l’a reconnu – et les dangers que peuvent faire courir à la société ces individus, escrocs ou apprentis terroristes, ayant ainsi revêtu le manteau d’honnêtes citoyens ?

La proposition de loi fait face à ce fléau par l’enregistrement des données biométriques, qui permet à coup sûr l’authentification d’une personne, c'est-à-dire la vérification qu’elle possède bien l’identité qu’elle prétend avoir. Mais seule l’existence d’un fichier central, outil d’une gestion centralisée des titres, permettra d’assurer l’unicité de l’identité, c'est-à-dire de garantir qu’un individu n’ait bien qu’une seule identité et qu’une identité ne soit utilisée que par un seul individu.

Certes, il importe aussi de sécuriser la chaîne de l’identité, sans quoi nous courons le risque de permettre aux usurpateurs d’obtenir de « vrais faux » papiers, c'est-à-dire des documents non falsifiés mais comportant des données erronées en raison d’une protection insuffisante des documents sources que sont les extraits des registres de l’état civil. L’article 4 de notre proposition de loi y pourvoit en prévoyant que les « agents chargés du recueil ou de l’instruction des demandes de délivrance de la carte nationale d’identité ou du passeport peuvent faire procéder à la vérification des données de l’état civil fourni par l’usager auprès des officiers de l’état civil dépositaires des actes contenant ces données dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État ». Dans l’exposé des motifs, nous préconisions même que les données d’état civil figurant sur le formulaire de demande de titre soient vérifiées par voie dématérialisée auprès du service communal dépositaire.

Sans éliminer toutes les possibilités de fraude, ces mesures de contrôle automatique limiteraient considérablement le risque, aujourd'hui très réel, de voir une personne se faire délivrer, en particulier via Internet, un acte d’état civil, puis un titre ne correspondant pas à sa véritable identité.

Toutefois, à supposer même qu’une fraude intervienne lors de la délivrance des premiers titres biométriques et qu’un individu usurpe l’identité d’une personne n’ayant pas encore de titre d’identité associé à un fichier, le fraudeur se retrouverait enfermé de manière permanente et irréversible dans l’identité volée à autrui. Ce caractère définitif de la fraude à l’émission du titre dissuade de la commettre par la certitude qu’elle sera inéluctablement découverte à brève ou à moyenne échéance.

J’avoue également ne pas partager les inquiétudes émises quant à la présence, dans la carte d’identité biométrique, à côté de la « puce régalienne », portant les données biographiques et biométriques de la personne, d’une seconde puce, dite « de service » ou de vie quotidienne, totalement optionnelle, et qui permettrait de sécuriser les échanges commerciaux et les transactions administratives sur Internet.

Ici encore, les commentaires n’ont pas fait dans la nuance… « Il est proprement hallucinant, s’est ainsi exclamée notre collègue députée Sandrine Mazetier, qu’un même support serve de document officiel de la République française et contienne une puce commerciale. […] Il s’agit d’un stupéfiant abaissement par l’État de sa propre image et de celle des citoyens français. » Rien de moins !

Pourtant, chacun sait que cette partie « Internet » permettant au titulaire de la carte nationale d’identité de prouver son identité sur la Toile et de signer des documents en ligne n’utilisera en aucun cas les données biométriques contenues dans la partie « document de voyage » ou, si vous préférez, dans la partie régalienne. Celles-ci seront inexploitables pour les opérateurs commerciaux, tout en les assurant de l’identité de la personne.

Autrement dit, c’est bien l’État qui sanctuarisera l’identité, dans la vie publique comme dans la vie quotidienne. Il me semble que cela relève indiscutablement de ses responsabilités régaliennes et qu’il ne revient pas, dans notre tradition juridique, à des organismes privés, si respectables soient-ils, de garantir avec la même autorité l’identité des personnes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Enfin, reste la question la plus délicate, qui opposait déjà le Sénat et l’Assemblée nationale en première lecture, à savoir celle du lien créé, au sein de la base, entre les éléments d’état civil et les données biométriques : lien faible ou lien fort ?

Dans une base à lien fort, à une identité correspond un ensemble de données biométriques personnelles, tandis que, dans une base à lien faible, un état civil renvoie à un « tiroir » contenant de multiples empreintes, de même qu’une empreinte correspond à un « tiroir » contenant de multiples états civils.

Le choix du lien faible, brillamment défendu par notre excellent rapporteur François Pillet, permettra certes de détecter efficacement l’usurpation d’identité, mais nous privera de la possibilité de remonter aisément aux usurpateurs, comme de la faculté d’identifier facilement des personnes désorientées ou amnésiques, ou encore, dans l’hypothèse – que l’on veut croire tout à fait exceptionnelle – d’une catastrophe naturelle, de la reconnaissance certaine des corps. De la même façon, toute utilisation du fichier central sur réquisition judiciaire en matière de recherche criminelle deviendra radicalement impossible.

Nous aurons l’occasion de discuter de nouveau de ce point lors de l’examen de l’amendement présenté par le Gouvernement à l’article 5, mais le débat revient largement à savoir si des garanties juridiques étendues suffisent à écarter tout risque pour les libertés publiques ou s’il faut y ajouter la garantie technique, par hypothèse immuable, du lien faible.

En tout cas, mes chers collègues, je me réjouis que ce débat soit porté devant le Parlement, après tant de rapports, sondages et commentaires des médias. Car c’est bien aux députés et sénateurs qu’il appartient de faire en sorte que progrès technologique, renforcement de la sécurité et protection des libertés, loin de s’opposer, puissent se soutenir mutuellement, ce qui m’apparaît comme un enjeu essentiel des années à venir. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme vient de le souligner l’auteur de la proposition de loi, la discussion parlementaire sur ce sujet est bienvenue, car elle permet au législateur de poser les garanties indispensables à la mise en place d’un fichier que notre collègue François Pillet, rapporteur, qualifie de « fichier des gens honnêtes ».

Sans doute le Gouvernement aurait-il préféré poursuivre sa démarche de mise en place de titres d’identité sécurisés par la voie réglementaire, s’exposant encore aux critiques de la CNIL et à des jugements condamnant les dispositions prises, comme celui qui a été rendu à la fin du mois dernier au sujet des passeports biométriques.

Oui, mes chers collègues, le Gouvernement a choisi de mettre la population sous contrôle ! Les expériences actuellement menées en la matière nous obligent ici, au Sénat, à nous montrer vigilants quant à la garantie des libertés de tous ceux, Français ou étrangers, qui résident ou séjournent sur notre sol dans le respect des lois.

Il faut le souligner, cette vigilance s’était déjà exercée au mois d’avril dernier lors de la première lecture de la présente proposition de loi, due à l’initiative de nos collègues Jean-René Lecerf et Michel Houel. Elle devra être confirmée aujourd’hui, démontrant au passage l’intérêt d’un Parlement bicaméral.

Ma collègue Virginie Klès est intervenue sur les problèmes soulevés par la nécessaire protection des données, mais aussi des libertés de nos concitoyens. C’est essentiel dès lors qu’un fichier central est envisagé, fichier indispensable pour donner son sens à cette carte sécurisée, mais fichier qui doit être soumis à des conditions strictes de mise en place et de consultation.

C’est toute l’importance du « lien faible », expression caractérisant un fichier qui permet de valider l’identité d’une personne donnée grâce à ses caractéristiques biométriques, mais qui ne permet pas de violer les libertés individuelles en identifiant une personne sur la simple présentation d’une empreinte digitale ou d’une photo.

Alors que de nombreux acteurs économiques – opérateurs téléphoniques, fournisseurs d’accès à Internet, services de paiement par carte, etc. – établissent, compte tenu de leurs activités, des fichiers sensibles, dont l’usage est susceptible de violer la vie privée de nos concitoyens, les pouvoirs publics doivent encadrer l’usage de ces fichiers, ce qu’ils comportent et les conditions entourant leur consultation, afin que le devoir de sécurité respecte le droit de chacun à la liberté et à l’intimité.

Les pouvoirs publics doivent être exemplaires en la matière, afin de pouvoir être rigoureux et crédibles dans la défense de la liberté de nos concitoyens.

Lutter contre la fraude à l’identité, permettre l’identification électronique des Français lors de leurs démarches administratives : voilà les avantages d’un texte, qui, s’il est bien bordé sur le plan juridique, simplifiera la vie des citoyens, permettra de mieux les protéger et rendra les démarches de renouvellement des cartes d’identité plus faciles, plus rapides et plus en cohérence avec celles qui concernent les demandes de passeport.

Représentant les Français de l’étranger, je souhaite insister sur les démarches fastidieuses, aux délais insupportables – parfois deux ans ! –, qu’implique l’établissement des certificats de nationalité française.

Deux décrets, en date du 2 mars 2010 et du 18 mai 2010, confirmés par une circulaire du ministère des affaires étrangères, dispensent, pour l’établissement d’une carte nationale d’identité ou d’un passeport, de la production d’un certificat de nationalité française dès lors que cette nationalité a pu être dûment établie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Monsieur le ministre, je souhaiterais avoir la confirmation que la nouvelle carte nationale d’identité sécurisée n’entraînera pas de facto l’abrogation de ces décrets et que les Français de l’étranger pourront être non seulement protégés d’éventuelles usurpations d’identité, mais également dispensés des démarches extrêmement longues qui ne leur étaient plus imposées depuis la parution de ces deux textes.

Par ailleurs, depuis l’entrée en vigueur du décret du 3 août 2010 portant simplification de la procédure de délivrance et de renouvellement du passeport à l’étranger, les Français établis hors de France ne sont plus obligés de se présenter une seconde fois à l’ambassade ou au consulat pour la remise du passeport biométrique. Ce titre d’identité peut ainsi être remis par l’intermédiaire d’un consul honoraire habilité ou à l’occasion d’une tournée consulaire. Je me félicite que ces dispositions soient également applicables à la nouvelle carte nationale d’identité électronique.

Monsieur le ministre, la France est notre pays, mais l’espace Schengen est un espace de libertés publiques, qui témoigne des progrès accomplis à cet égard en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale et depuis la chute du mur de Berlin. Aller de Paris à Budapest ou de Varsovie à Séville sans aucune contrainte est un acquis fantastique de la construction européenne. Cela conduit à une constatation qui doit nous guider dans notre politique : en termes de sécurité et de libertés publiques, c’est dans cet espace-là qu’il convient aujourd’hui d’agir.

Vouloir imposer un « lien fort » dans le fichier central entre les éléments biométriques et l’identité d’une personne, comme le souhaite le Gouvernement, serait un viol des libertés qui n’a techniquement aucune justification sérieuse au regard de l’objet du texte qui nous est soumis : lutter contre la fraude à l’identité. De plus, cela ne serait d’aucune efficacité dès lors que nos partenaires européens, soucieux de préserver les libertés publiques, ne nous suivraient pas.

Les dispositions que nos principaux partenaires ont prises pour mettre en place une carte d’identité électronique sont encore trop diverses. Plus de douze pays ont adopté une telle carte, mais peu, pour l’instant, prévoient l’inclusion de données biométriques et presque aucun, la mise en place d’un fichier central.

C’est pourquoi notre commission des lois, en suggérant la mise en place d’un fichier à lien faible, allie le respect de la personne et une démarche visant à convaincre l’ensemble de nos partenaires qu’il est possible de mettre en place les moyens de lutter contre la fraude à l’identité dans l’espace Schengen de manière efficace, en améliorant la vie quotidienne et en respectant les libertés individuelles.

Monsieur le ministre, vous pourrez ficher les Français à l’aide d’empreintes, photos et autres « fadettes », vous violerez leur intimité

M. le ministre de l’intérieur manifeste son désaccord.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Monsieur le ministre, aujourd’hui, on n’arrête plus rien à la frontière italienne entre Menton et Vintimille !

Au demeurant, une harmonisation européenne en la matière serait la bienvenue pour les Français vivant dans d’autres pays de l’Union européenne, qui pourraient un jour faire prendre leurs éléments biométriques auprès de l’administration de leur pays de résidence. Elle permettrait également d’améliorer la qualité des échanges entre pays d’une manière très significative, donnant tout son sens à l’espace de liberté et de sécurité que constitue l’espace Schengen.

Il semblerait que, pour l’instant, l’entrée en vigueur de la carte nationale d’identité électronique se calque, pour ainsi dire, sur le dispositif retenu pour le passeport biométrique. Or, dans ce dernier cas, le Gouvernement avait décidé par voie réglementaire que la puce du passeport contiendrait huit empreintes digitales du détenteur du titre. Ce choix ne correspondait toutefois à aucune exigence particulière du droit européen. D’ailleurs, des pays voisins qui appliquent la même directive de 2004 se sont dotés d’un titre différent, optant pour une puce comportant moins d’empreintes.

Pourquoi, alors, avoir considéré comme nécessaire la conservation de huit empreintes, ce qui a d’ailleurs conduit à ce que les systèmes mis en place dans les différents pays d’Europe ne soient pas compatibles, chaque pays protégeant son propre prestataire de service ?

La même question se pose aujourd'hui concernant la future carte nationale d’identité électronique. Sa puce contiendra-t-elle autant d’empreintes ?

Le Conseil d’État, en assemblée du contentieux, le 26 octobre dernier, a censuré la conservation dans un fichier centralisé de huit empreintes digitales alors que deux seulement figurent dans le composant électronique du passeport.

L’utilisation des données personnelles et la protection des informations personnelles sont des principes au respect desquels nous sommes particulièrement attentifs, et M. le rapporteur a bien évidemment recueilli l’accord de notre groupe en proposant de modifier du texte l’article 5 tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale. François Pillet a en effet déclaré : « L’esprit de responsabilité et l’exigence de vigilance commandent de s’entourer de toutes les garanties requises pour éviter tout risque de dévoiement du fichier. » Nous souscrivons à ces propos.

La CNIL a, elle aussi, émis plusieurs réserves quant à la centralisation des informations biométriques dans un fichier s’agissant des nouvelles cartes nationales d’identité. Gardons toujours en mémoire, lorsqu’il est question de création et d’exploitation de fichiers contenant des données personnelles, les tristes heures de notre histoire !

Le principe de protection des libertés est intangible. Nous veillerons donc, aussi bien lors de la discussion des articles que lors du passage du texte en commission mixte paritaire, à ce qu’on ne revienne absolument pas à la rédaction votée par l’Assemblée nationale.

Ce principe de protection des libertés devrait s’appliquer à tous. Pourtant ce n’est pas le cas : il existe bien un droit d’exception, celui qui s’applique aux étrangers vivant en France.

La mise en place du titre de séjour pour les étrangers, en application du décret du 8 juin 2011, introduit un nouveau traitement informatisé de gestion des dossiers des ressortissants étrangers à l’espace Schengen. Cela permet de rassembler et d’enregistrer à peu près tout de la vie administrative, mais aussi médicale, par exemple, de chaque étranger ; ce sont 7 millions de personnes vivant légalement sur notre territoire qui sont concernées ! Et ce fichage concerne non seulement les étrangers, mais aussi, depuis 2005, les Français hébergeant des étrangers séjournant dans notre pays avec un visa !

Voilà pourquoi nous vous adressons aujourd'hui un signal fort, monsieur le ministre. Nous voterons la création d’un fichier qui permettra, en conjugaison avec la nouvelle carte d’identité biométrique, de lutter efficacement contre la fraude à l’identité. Nous validons une telle évolution, mais en y ajoutant des garanties législatives sur le contenu et l’usage de ce fichier afin de garantir les libertés individuelles. Cela permettra, nous l’espérons, de convaincre nos partenaires européens d’envisager progressivement une politique harmonisée sur le sujet.

Nous sommes satisfaits qu’une telle perspective simplifie la délivrance des titres d’identité à nos concitoyens, mais rappelons tout de même, à cette occasion, la honte que constituent pour notre pays les conditions inhumaines et indignes de délivrance ou de renouvellement des titres de séjour pour étranger.

Enfin, nous soulignons l’importance de la position adoptée par la commission des lois et le groupe socialiste, qui souhaitent encadrer strictement et précisément par la loi la nature et l’usage de ce fichier et de la biométrie.

Il est heureux que le législateur se soit aujourd'hui saisi d’un sujet – j’en remercie le groupe UMP – que le Gouvernement avait tenu depuis des années à laisser dans le domaine réglementaire, avec toutes les dérives et atteintes à la liberté, à l’intimité que nous constatons aujourd’hui pour une partie des habitants de notre pays.

Monsieur le ministre, il ne peut pas y avoir deux poids, deux mesures. Après l’adoption de ce texte, il faudra revenir au droit commun pour les étrangers titulaires d’un titre de séjour en France, donc en situation régulière. L’intégration commande qu’ils soient traités, eux et les Français qui les fréquentent, comme l’ensemble des citoyens du pays, et non pas comme des délinquants potentiels.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Houel

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, se faire voler son identité, sur la Toile ou dans la vie courante, une seule fois ou pour une durée plus ou moins longue, est un danger dont les Français sont de plus en plus conscients. « Le phénomène n’est plus inconnu », souligne une étude récente du CSA.

En effet, 86 % des Français ont déjà entendu parler de l’usurpation d’identité, généralement commise pour obtenir des avantages financiers – ouverture de crédit, obtention d’aides sociales –, pour se prévaloir indûment de la nationalité française ou, pis, pour commettre des malversations plus graves encore.

Si ce risque est jugé élevé par 65 % des Français, ces derniers ne se sentent paradoxalement pas visés puisque trois personnes sur cinq s’estiment à l’abri de cette mésaventure. Pourtant, l’usurpation d’identité ferait plusieurs dizaines de milliers de victimes tous les ans en France. Le chiffre de 213 000 personnes a même été avancé, mais je ne suis pas convaincu qu’un tel niveau soit réellement atteint.

De plus, la fabrication et l’usage criminel des fausses identités progressent considérablement, en qualité comme en gravité. La même enquête du CSA indique : « La criminalité identitaire a sensiblement évolué entre 2005 et 2010. Les vols d’identité se maintiennent à moins de 2 %, alors que depuis 2005, les cas d’usurpation d’identité ont doublé, passant de 15 % à 30 %. »

Neuf Français sur dix pensent que, lorsqu’on est victime de ce type d’infraction, il est compliqué de faire valoir ses droits, et ce malgré les avancées de la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure de mars 2011, qui reconnaît l’usurpation d’identité comme infraction principale et prévoit de la punir d’une peine de deux ans de prison et de 20 000 euros d’amende.

Dans la vie courante, la transmission de données personnelles est un passage obligé pour ouvrir un compte, louer un appartement, souscrire un abonnement : 78 % des Français déclarent avoir fourni au moins une copie papier de leurs données personnelles au cours des douze derniers mois et 55 % d’entre eux ont transmis ce type d’information en ligne, une pratique heureusement moins courante. La protection des données sur la Toile est d’ailleurs considérée comme moins sûre par 77 % des sondés.

J’insisterai également sur les conséquences extrêmement traumatisantes de ces infractions pour les personnes qui en ont été victimes, et dont la vie s’est parfois trouvée anéantie : nous avons tous eu connaissance, dans les médias, de témoignages bouleversants.

Aussi, afin de lutter efficacement contre ce nouveau fléau, j’ai présenté cette proposition de loi avec mon collègue Jean-René Lecerf, qui a fourni un travail considérable pour l’élaboration du texte, travail que je tiens à saluer. L’objectif initial était bien de donner à nos concitoyens l’assurance que leur identité serait protégée et qu’il serait, à l’avenir, mis fin aux usurpations beaucoup plus rapidement qu’aujourd’hui.

Cette proposition de loi constitue donc une occasion pour le Parlement de se prononcer sur les moyens d’assurer la sécurité de l’identité tout en respectant l’indispensable équilibre entre les impératifs de préservation de l’ordre public et les exigences de protection des libertés individuelles. Elle vise à garantir une fiabilité maximale des cartes nationales d’identité et des passeports.

Nos collègues de l’Assemblée nationale l’ont d’ailleurs bien compris puisqu’ils nous ont suivis sur la quasi-totalité du texte. Il reste, en revanche, un point de désaccord qui me semble fondamental.

En effet, pour lutter contre l’usurpation d’identité, la proposition de loi met en place une base centrale de données biométriques. Le recours à ce fichier central aura pour objet de garantir qu’une même personne ne pourra disposer de deux identités différentes puisque ses empreintes biométriques ne pourront correspondre qu’à une seule identité.

L’Assemblée nationale a adopté une position radicalement opposée et a jugé utile d’autoriser la recherche d’identification d’un individu à partir des empreintes digitales enregistrées dans le fichier central. Résultat : l’équilibre entre l’objectif de lutte contre l’usurpation d’identité et l’exigence absolue de protection des libertés publiques est rompu.

L’article 5 du texte voté par le Sénat en première lecture, qui fait l’objet du désaccord avec l’Assemblée nationale, en prévoyant d’interdire toute possibilité de croisements entre les éléments d’état civil et les données biométriques prend sans doute des précautions disproportionnées au regard des objectifs à atteindre. Je rappelle néanmoins que l’exposé des motifs précisait : « La confrontation des caractéristiques biométriques d’une personne avec celles figurant dans le composant électronique ou la base centrale permettra de confondre les fraudeurs. »

Il faut, me semble-t-il, donner à nos concitoyens des garanties leur permettant de s’assurer que nous allons réaliser ce que nous promettons.

Au regard des débats qui ont eu lieu et des multiples questions que suscite l’actuelle rédaction du texte, je vous recommande d’en revenir au texte initial, qui tendait à garantir la cohérence entre les objectifs visés.

Ainsi, la commission des lois a souhaité limiter l’usage du fichier biométrique à la seule lutte contre la fraude à l’identité, en doublant les garanties juridiques de garanties matérielles et en interdisant son utilisation dans le cadre de recherches criminelles.

Elle a également souhaité encadrer les vérifications d’identité effectuées à partir des données biométriques, conformément aux recommandations formulées par la CNIL, et a voulu donner à l’usager la pleine maîtrise de la fonctionnalité d’identification électronique de la carte d’identité, afin d’éviter que ceux qui la refusent ne soient évincés de certains services.

Mes chers collègues, je vous encourage donc à suivre les propositions de la commission les lois en rétablissant l’article 5 dans sa rédaction initiale. Je vous rappelle, s’il en est besoin, que l’assemblée à laquelle nous appartenons reste le garant de l’équilibre de nos institutions, de la protection des libertés et de la défense des valeurs qui fondent la République. N’ouvrons donc pas aujourd’hui une brèche que nous pourrions un jour regretter.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l’UCR. – Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Je rappelle que, aux termes de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets et propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.

En conséquence, sont irrecevables les amendements remettant en cause les « conformes » ou les articles additionnels qui sont sans relation directe avec les dispositions restant en discussion.

(Non modifié)

Les agents chargés du recueil ou de l’instruction des demandes de délivrance de la carte nationale d’identité ou du passeport peuvent faire procéder à la vérification des données de l’état civil fournies par l’usager auprès des officiers de l’état civil dépositaires des actes contenant ces données, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

Le demandeur en est préalablement informé.

L'article 4 est adopté.

Afin de préserver l’intégrité des données requises pour la délivrance du passeport français et de la carte nationale d’identité, l’État crée, dans les conditions prévues à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, un traitement de données à caractère personnel facilitant leur recueil et leur conservation.

Ce traitement de données, mis en œuvre par le ministère de l’intérieur, permet l’établissement et la vérification des titres d’identité ou de voyage dans des conditions garantissant l’intégrité et la confidentialité des données à caractère personnel ainsi que la traçabilité des consultations et des modifications effectuées par les personnes y ayant accès.

L’enregistrement des empreintes digitales et de l’image numérisée du visage du demandeur est réalisé de manière telle qu’aucun lien univoque ne soit établi entre elles, ni avec les données mentionnées aux 1° à 4° de l’article 2, et que l’identification de l’intéressé à partir de l’un ou l’autre de ces éléments biométriques ne soit pas possible.

La vérification de l’identité du demandeur s’opère par la mise en relation de l’identité alléguée et des autres données mentionnées aux 1° à 6° de l’article 2.

Le traitement ne comporte pas de dispositif de reconnaissance faciale à partir des images numérisées du visage qui y sont enregistrées.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L'amendement n° 2, présenté par Mmes Assassi et Borvo Cohen-Seat, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Bien que j’aie déjà donné un certain nombre d’explications au cours de la discussion générale, qu’il me soit permis d’insister sur le fait que l’adoption de cet amendement nous conduirait à prendre modèle sur l’Allemagne, qui n’a, elle, pas fait le choix de créer un tel fichier, tout en instaurant une carte d’identité biométrique.

Nous considérons qu’il s’agit là de la meilleure solution. Elle tient compte des réserves émises par la CNIL, laquelle estime que la création d’un fichier centralisé est disproportionnée par rapport aux objectifs affichés. Selon elle, « il existe des modalités de lutte contre la fraude qui apparaissent tout à la fois aussi efficaces et plus respectueuses de la vie privée des personnes ».

Nous savons bien que l’utilisation de ce fichier dépassera totalement la lutte contre la fraude et déviera vers une application purement judiciaire.

Pour ces raisons, nous déplorons que le Gouvernement revienne à la charge par voie d’amendement et propose de réintroduire un lien fort au sein de ce fichier entre les données d’état civil, les empreintes digitales et l’image numérisée des visages, option fortement décriée par la CNIL, qui émet notamment des doutes sérieux sur les procédés de reconnaissance faciale.

Par ailleurs, en instituant un tel fichier, nous prendrions le risque de faire encourir à notre pays une sanction prononcée par la Cour européenne des droits de l’homme. La CEDH a en effet rendu, au mois de décembre 2008, un arrêt dans lequel elle considère que la création de fichiers contenant des données biométriques pour des citoyens ne faisant l’objet d’aucune poursuite judiciaire en cours constitue une violation manifeste des articles 8 et 14 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et contrevient à la convention sur la protection des données du Conseil de l’Europe STE n° 108 de 1981.

La Cour européenne des droits de l’homme estime ainsi que « le caractère général et indifférencié du pouvoir de conservation des empreintes digitales, échantillons biologiques et profils ADN des personnes soupçonnées d’avoir commis des infractions mais non condamnées […] ne traduit pas un juste équilibre entre les intérêts publics et privés concurrents en jeu ».

Compte tenu de tous ces éléments, nous proposons la suppression de l’article 5.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Cet amendement remet en cause la création d’une base centrale biométrique.

Au cours des débats, et cela a été rappelé par M. le ministre, nous avons vu que la légalité de la constitution d’une telle base ne posait pas de problèmes juridiques importants. Les problèmes juridiques surviennent avec les modalités d’accès à la base et l’utilisation qui en est faite.

En première lecture, nous avons cherché à établir un équilibre satisfaisant entre l’efficacité de la lutte contre l’usurpation d’identité et la préservation des libertés publiques. Précisément, le système de la base à lien faible rend impossible l’identification d’une personne par ses seules empreintes digitales, et cela devrait vous rassurer définitivement, ma chère collègue ; c’est d’ailleurs sur ce point que nous avons un désaccord avec l’Assemblée nationale.

Autrement dit, la nature même du fichier que nous souhaitons créer n’est pas susceptible de vous inquiéter. Ce système à lien faible est solide et, surtout, il est irréversible. Nous avons, en outre, renforcé les garanties en interdisant tout dispositif de reconnaissance faciale.

C’est la raison pour laquelle, si cet amendement est maintenu, je serai contraint d’émettre, au nom de la commission, un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

La base centrale est indispensable pour lutter contre l’usurpation d’identité. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L'amendement n° 3 rectifié, présenté par Mmes M. André, Klès et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les empreintes digitales sont conservées pendant une durée maximale de six mois à compter de leur recueil.

La parole est à Mme Virginie Klès.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Il s’agit, par cet amendement, d’insister sur le caractère particulier des empreintes digitales, qui sont des empreintes biométriques traçantes. Du reste, aussi bien les avis ou arrêts récents de la CNIL ou du Conseil d’État attirent l’attention des pouvoirs publics sur la durée de conservation des empreintes digitales dans les fichiers.

Le présent amendement vise à limiter la durée de conservation des empreintes digitales à six mois, et cela uniquement dans le fichier central. Devrait-il s’agir de la durée de vie du titre considéré ? Pourquoi pas. Sans doute faudra-t-il prendre ultérieurement ces dispositions par décret. Il me paraît toutefois important d’en parler dès aujourd’hui parce que la durée de conservation dépendra sans doute des mesures qui seront prises par la suite. En particulier, si les citoyens sont fortement incités à déclarer toute perte ou tout vol de la carte d’identité biométrique, six mois de conservation pour ce type de données pourraient suffire. Sinon, en l’absence de forte incitation à la déclaration de perte ou de vol, c’est peut-être la durée de vie du titre qu’il faudra retenir.

Bien entendu, si l’amendement n° 4 du Gouvernement devait être adopté ou si l’Assemblée nationale remettait de nouveau en cause la solution d’une base de données à lien faible, qui sera, je l’espère, adoptée aujourd’hui par le Sénat, et qui est en tout cas prônée par la commission des lois, il est clair que nous-mêmes reviendrions sur ce point et que nous serions, cette fois, absolument inflexibles.

À ce stade de la discussion, confiante en la sagesse de notre Haute Assemblée et persuadée que c’est bien une base de données à lien faible qui sera retenue à l’issue des débats, j’accepte de retirer cet amendement. J’attire néanmoins l’attention de tous sur la nécessité de définir une durée de conservation, notamment pour les empreintes digitales.

Mme Corinne Bouchoux applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L’amendement n° 3 rectifié est retiré

L'amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 3 à 5

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

L’identification du demandeur ne peut s’y effectuer qu’au moyen des données énumérées aux 1° à 5° de l’article 2.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Plutôt que de paraphraser les propos introductifs que j’ai tout à l’heure eu l’honneur de tenir devant votre assemblée, je me limiterai à quelques observations supplémentaires.

Je souhaite d’abord revenir sur le concept de « fichier des honnêtes gens » qui a été avancé par votre rapporteur et repris par plusieurs d’entre vous. Fondamentalement, M. Pillet a raison ; il n’empêche que, s’il y a problème, c’est précisément parce qu’un certain nombre de gens moins honnêtes se glissent dans ce fichier. Et les honnêtes gens, qui seront évidemment l’immense majorité, ont besoin d’être protégés contre les usurpations d’identité.

Je veux ensuite rappeler que, contrairement à ce qui a pu être indiqué par certains orateurs, il s’agit bien, en l’espèce, d’un fichier administratif et non d’un fichier judiciaire. Il est seulement prévu que le juge pourra prendre des réquisitions pour avoir connaissance d’un certain nombre de données. Dans un pays comme le nôtre, où tout le monde considère que la justice est un élément constitutif d’une vie démocratique, est-il bien raisonnable de gêner le juge dans ses investigations ? Je me permets de poser la question…

S’agissant maintenant du lien faible, je dirai que celui-ci permet effectivement de déterminer l’existence d’une fraude, puis de distinguer quelques dizaines de personnes – votre rapporteur, et j’espère ne pas trahir ses propos, avait indiqué en première lecture que cela pouvait aller jusqu’à une centaine de personnes – qui doivent ensuite faire l’objet d’investigations de police. Très franchement, je me demande pourquoi, alors que nous avons la possibilité d’identifier à coup sûr un usurpateur d’identité, nous recourrions à une technique qui nous priverait de fait de cette possibilité.

Pour compléter les caractéristiques du lien faible que je viens d’énoncer, permettez-moi de vous citer, comme je l’avais fait en première lecture, un courrier en date du 19 avril 2011 émanant de l’entreprise qui a élaboré ce système : « Ce concept permet de détecter l’usurpation d’identité avec une probabilité dissuasive réglable, mais en aucune façon ne permet d’identifier l’usurpateur. Plus généralement, cette approche utilise effectivement une notion d’AFIS » – il s’agit d’un système automatisé d’identification à partir des empreintes digitales – « dégradé pour interdire l’identification à partir de données biométriques. Entre autres conséquences, le lien faible ne permet pas non plus d’identifier des amnésiques, des enfants perdus ou des victimes de catastrophes naturelles ou d’attentats. »

Votre assemblée devra bien avoir cette réalité à l’esprit au moment où elle se prononcera.

Enfin, dernière remarque, l’amendement qui est proposé par le Gouvernement respecte strictement la décision du Conseil d’État qui a été rappelée tout à l’heure. Il ne suffit pas qu’une décision du Conseil d’État existe pour qu’elle invalide telle ou telle proposition. J’ajoute, monsieur le rapporteur, que ce que j’ai cité tout à l'heure, ce sont non pas les considérants mais les conclusions du Conseil d’État. En outre, la proposition gouvernementale respecte strictement l’avis de la CNIL.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Monsieur le ministre, vous avez en quelque sorte élagué vos propos en rappelant que ce débat avait déjà eu lieu en première lecture, ce qui me permettra également de ne pas revenir sur l’ensemble des éléments en discussion.

Je traiterai d’abord de ce qui me paraît subsidiaire, c’est-à-dire la brevetabilité du fichier à lien faible.

Le système qui est proposé par le Sénat est techniquement simple ; n’importe quel informaticien pourra concevoir une base à lien faible sans être gêné par une quelconque brevetabilité, qui serait en espèce illégale, compte tenu de la simplicité du système. Je ne pense donc pas que le Gouvernement ait à craindre un quelconque problème d’absence de concurrence lorsqu’il accordera le marché à l’entreprise qui constituera ce fichier.

Mais le point essentiel, c’est l’échelle des normes.

Je me suis déjà également expliqué sur le fait que le fichier tel que nous l’envisageons permettra en amont de détecter l’arrivée du fraudeur, ce qui aura pour conséquence de le faire renoncer à poursuivre sa manœuvre. En fait, on n’aura guère l’occasion d’identifier un fraudeur puisque celui-ci, par nécessité, aura fait avorter sa fraude. C’est la raison pour laquelle j’ai évoqué tout à l’heure les 99, 9 % de possibilités de faire échec à une fraude.

J’ajoute que la fraude ne se situe pas lorsque le demandeur sollicite le renouvellement d’un titre d’identité. La fraude a lieu lors d’une première demande. Et là, qu’on retienne le lien fort ou le lien faible, on en est réduit au même manque d’efficacité puisque, par définition, l’intéressé n’est pas encore inscrit dans la base.

Je veux également rappeler que la situation juridique dans laquelle nous nous trouvions en première lecture avait justifié la position adoptée par le Sénat. En effet, la crainte d’inconstitutionnalité, la certitude de ne pas répondre aux normes européennes – je fais allusion à l’arrêt Marper de la CEDH – nous laissaient penser que nous avions très peu de chances de voir ce fichier accepté.

Mais, depuis le dernier passage de ce texte en commission, c'est-à-dire à l’heure de cette deuxième lecture, nous en avons encore moins : la note de la CNIL, fût-elle d’un poids juridique restreint, énumère tout de même l’ensemble des principes généraux en ce domaine ; par ailleurs, le Conseil d’État, dans son arrêt, après avoir relevé une nouvelle fois tous les problèmes juridiques, ajoute que les huit empreintes constituent une irrégularité.

Surtout, ne pas revenir au texte du Sénat, autrement dit adopter celui de l’Assemblée nationale ou accepter votre amendement, monsieur le ministre, ce serait permettre aux services chargés de la lutte contre le terrorisme d’utiliser la base de données à des fins d’identification d’une personne par ses empreintes digitales hors de toute réquisition judiciaire, ce qui n’est pas acceptable.

De plus, ni le dispositif proposé par l’Assemblée nationale ni celui qui est présenté par le Gouvernement dans son amendement de reprise du texte initial n’excluent les dispositifs de reconnaissance faciale.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Mais allons au-delà de ce point.

Monsieur le ministre, sachez que, dans ce débat, nous ne vous faisons aucun procès d’intention : nous ne sommes animés que par le souci de défendre les principes fondamentaux de notre État de droit.

En première lecture, je ne suis pas parvenu à vous convaincre, ni même à vous rassurer. Alors, en deuxième lecture, je veux vous alerter. Monsieur le ministre, nous ne pouvons pas, élus et Gouvernement, en démocrates soucieux des droits protégeant les libertés publiques, laisser derrière nous – bien sûr, en cet instant, je n’ai aucune crainte, en particulier parce que c’est vous qui êtes en fonction – un fichier que d’autres, dans l’avenir, au fil d’une histoire dont nous ne serons plus les écrivains, pourraient transformer en un outil dangereux, liberticide. Nous aurions alors rendu possible, dans le futur, la métempsycose perverse d’une idée protectrice ! Et les victimes pourraient dire, en nous visant : ils avaient identifié le risque et ils ne nous en ont pas protégés.

Monsieur le ministre, je ne veux pas qu’à ce fichier ces victimes puissent alors donner un nom, le vôtre, le mien ou le nôtre.

Vifs applaudissements sur plusieurs travées de l ’ UMP, ainsi que sur les travées de l ’ UCR et du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après les fortes paroles de notre rapporteur, François Pillet, je tiens à souligner toute l’importance du vote qui va avoir lieu dans quelques instants.

Je veux remercier le groupe UMP du Sénat d’avoir inscrit ce texte, qui nous a donné l’occasion, d’une part, de cet important débat en séance et, d’autre part, d’une prise de position qui fut unanime, monsieur Hyest, au sein de notre commission.

M. André Reichardt s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Nous comprenons très bien que le ministre de l’intérieur, dans le cadre de ses fonctions, cherche à doter la police, notamment la police judiciaire – voire la justice, même si elle n’est pas de son ressort –, de moyens lui permettant accomplir sa mission. C’est une préoccupation tout à fait noble, et qui a sa justification. Mais, en l’espèce, le Sénat doit demeurer le défenseur scrupuleux et infatigable des libertés publiques et, à ce titre, nous considérons que, conformément à la philosophie de Montesquieu, il faut séparer les pouvoirs, les prérogatives et les responsabilités.

Monsieur le ministre, vous êtes dans votre rôle, dans l’ordre qui est le vôtre, par rapport aux procédures qui sont adaptées à la mission très importante qui vous est dévolue. Nous sommes dans notre rôle en disant que ce fichier, créé par la loi – et il est heureux que ce soit elle qui le crée –, a pour seul objet de lutter contre l’usurpation d’identité. Dès lors, il doit être cantonné à cet objet.

Il n’y a donc aucun procès d’intention contre qui que soit dans ce débat, qui est d'ailleurs parfaitement serein. Nous assumons pleinement notre rôle, comme l’a excellemment dit notre rapporteur, qui est de défendre ensemble, mais devant l’histoire, les libertés publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

L’avis de la CNIL que j’ai sous les yeux précise : « […] soit le traitement a pour finalité la gestion des procédures administratives de délivrance des titres, en particulier la lutte contre la fraude à l’identité, soit il s’agit d’un nouvel outil de police judiciaire. […] Il convient cependant de s’assurer que le traitement créé ne peut être utilisé à d’autres fins que la sécurisation de la délivrance des titres d’identité et de voyage […]. Dans ces conditions, la Commission estime […] que la proportionnalité de la conservation sous forme centralisée de données biométriques, au regard de l’objectif légitime de lutte contre la fraude documentaire, n’est pas à ce jour démontrée. Si une telle base centralisée de données biométriques était néanmoins envisagée, des garanties supplémentaires de nature à assurer la protection des données personnelles des citoyens français devraient être introduites. […] Ainsi de l’absence de lien univoque entre les données biométriques enregistrées dans le traitement central et les données d’état civil […]. »

Je pense donc que, contrairement à ce qui a pu être dit, l’avis de la CNIL est parfaitement clair sur ce sujet.

Si je ne souscris pas à la totalité des propos qu’a tenus notre rapporteur, je m’associe entièrement à ce qu’il a déclaré quant à la responsabilité que nous avons aujourd'hui, au moment où nous créons ce fichier, au regard de l’utilisation qui pourra éventuellement en être faite dans le futur.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Je mets aux voix l'amendement n° 4.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste-EELV.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Voici le résultat du scrutin n° 15 :

Nombre de votants347Nombre de suffrages exprimés345Majorité absolue des suffrages exprimés173Pour l’adoption4Contre 341Le Sénat n'a pas adopté.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.

L'article 5 est adopté.

(Non modifié)

L’identité du possesseur de la carte nationale d’identité ou du passeport français est justifiée à partir des données inscrites sur le document lui-même ou sur le composant électronique sécurisé mentionné à l’article 2.

Sont seuls autorisés, dans le cadre de cette justification de l’identité, à accéder aux données mentionnées au 5°du même article 2 les agents chargés des missions de recherche et de contrôle de l’identité des personnes, de vérification de la validité et de l’authenticité des passeports et des cartes nationales d’identité électroniques.

En cas de doute sérieux sur l’identité de la personne ou lorsque le titre présenté est défectueux ou paraît endommagé ou altéré, la vérification d’identité peut être effectuée en consultant les données conservées dans le traitement prévu à l’article 5. –

Adopté.

(Non modifié)

Un décret en Conseil d’État, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, définit les conditions dans lesquelles le traitement prévu à l’article 5 peut être consulté par les administrations publiques, les opérateurs assurant une mission de service public et les opérateurs économiques pour s’assurer de la validité de la carte nationale d’identité ou du passeport français présenté par son titulaire pour justifier de son identité. Cette consultation ne permet d’accéder à aucune donnée à caractère personnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L'amendement n° 1, présenté par Mmes Assassi et Borvo Cohen-Seat, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Première phrase

Supprimer les mots :

et les opérateurs économiques

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Nous souhaitons, pour le moins, encadrer la faculté donnée aux opérateurs économiques de consulter le fichier. En effet, aux termes de l’article 5 ter, certains opérateurs publics ou privés pourront consulter le fichier central pour s’assurer de la validité du titre d’identité qui leur est présenté. Selon nous, les opérateurs privés ne devraient pas avoir accès au contenu de ce fichier, au regard, notamment, de la spécificité de ce dernier.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Ma chère collègue, je suis parfaitement d’accord avec vous : il est hors de question que les opérateurs économiques aient accès à ce fichier pour y trouver, par exemple, des empreintes digitales ou un visage. Vous allez en déduire que je suis favorable à votre amendement. Pourtant, tel n’est pas le cas, car, selon moi, votre inquiétude n’a aucune raison d’être.

En effet, la consultation par les opérateurs économiques qui est prévue à l’article 5 ter porte uniquement sur la validité du titre présenté par une personne pour justifier de son identité : ce titre est-il valide, oui ou non ? Ces opérateurs ne disposent d’aucun moyen pour pénétrer à l’intérieur du fichier et d’accéder aux données. Il est d’ailleurs précisé expressément à l’article 5 ter que la consultation ne peut porter sur « aucune donnée à caractère personnel ».

Je vous invite donc à retirer votre amendement, qui procède d’une inquiétude fort légitime, mais qui, je le répète, en l’occurrence, n’est pas fondée. À défaut, la commission y sera défavorable.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement pour des raisons que M. le rapporteur a parfaitement exposées.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Je rappelle que, aux termes de l’article 3 du texte, « la carte nationale d’identité contient en outre des données, conservées séparément, permettant de s’identifier sur les réseaux de communication électronique et de mettre en œuvre sa signature électronique. » Il est précisé que ces informations, qui seront matérialisées dans une deuxième puce, ne seront stockées que si le titulaire de la carte le souhaite.

Mais on sait bien que l’exercice d’une faculté peut souvent, du fait d’une information insuffisante, se transformer en une quasi-obligation… Ainsi, la détention d’une carte nationale d’identité est facultative et, pourtant, beaucoup de Français pensent qu’il est obligatoire d’en avoir une.

Par ailleurs, la CNIL a tiré la sonnette d’alarme sur ce sujet dans son avis du 25 octobre dernier : si la puce optionnelle est une idée légitime, il ne faut pas oublier qu’elle peut « permettre la constitution d’un identifiant unique pour tous les citoyens français ainsi que la constitution d’un savoir public sur les agissements privés ». La CNIL indique également que ces « fonctionnalités ne devraient pas permettre le suivi des personnes sur internet ou l’exploitation par l’État d’informations sur les transactions privées effectuées par les citoyens ».

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 5 ter est adopté.

(Non modifié)

Un décret en Conseil d’État, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, fixe les modalités d’application de la présente loi. Il définit notamment la durée de conservation des données incluses dans le traitement prévu à l’article 5 et les modalités et la date de mise en œuvre des fonctions électroniques mentionnées à l’article 3. –

Adopté.

(Non modifié)

Toute décision juridictionnelle rendue en raison de l’usurpation d’identité dont une personne a fait l’objet et dont la mention sur les registres de l’état civil est ordonnée doit énoncer ce motif dans son dispositif. –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Monsieur le ministre, nous sommes tellement d’accord sur l’objectif de lutte contre l’usurpation d’identité que vous n’avez pas entendu une seule fois un membre de notre groupe remettre en cause les dispositions augmentant les peines applicables aux personnes s’en rendant coupables. Nous sommes même favorables à une plus grande sévérité envers les fraudeurs qui seront repérés : c’est dire !

Vous nous avez expliqué à de nombreuses reprises que l’aggravation des peines permettait la limitation des délits : vous devriez donc être confiant dans le dispositif qui sera mis en place, d’autant que l’efficacité globale de ce texte est fondée sur la dissuasion. À partir du moment où une fraude est détectée, il devient tout à fait inutile de la prolonger, sauf à prendre le risque d’être repéré et puni.

Nous voterons donc cette proposition de loi.

Nous tenons à souligner la qualité du travail du rapporteur, qui a recueilli l’assentiment de la quasi-unanimité de la commission. Nous sommes parvenus à un équilibre satisfaisant entre la préservation des libertés publiques et individuelles, d’une part, et la sécurité et la protection de l’identité, d’autre part.

Vous nous avez indiqué tout à l’heure, monsieur le ministre, que le système de base de données à lien faible n’était utilisé nulle part ailleurs et que sa mise en place poserait dès lors des problèmes. Mais tant mieux si, comme l’a suggéré tout à l'heure mon collègue Jean-Yves Leconte, nous montrons la voie aux autres pays de l’espace Schengen ! De toute manière, la mise en place d’une base de données à lien fort, bien que non expérimentale, serait tout aussi brutale et certainement beaucoup plus dangereuse.

Et tant pis si le prix à payer pour défendre les libertés individuelles et protéger l’identité est de conférer à une entreprise le monopole de la base ainsi créée. Au reste, d’après le rapport de M. Pillet, ce ne sera pas forcément le cas.

Bien entendu, nous surveillerons avec une attention toute particulière la mise en place effective, sans doute dans quelques mois, des conditions de délivrance de ce nouveau titre d’identité. En effet, ce sont les mairies qui, à nouveau, seront sollicitées, et dans des conditions souvent difficiles. Cela impliquera concrètement de vraies négociations avec nos collègues maires.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

La proposition de loi est adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Monsieur le président, vous m’avez dit tout à l'heure que les travaux inscrits à l’ordre du jour de ce matin ayant commencé à neuf heures trente, ils pourraient durer jusqu’à treize heures trente. Or, dans les conclusions de la conférence des présidents qui ont été affichées, il était prévu que nos travaux débuteraient aujourd'hui à neuf heures. Ma bonne foi était totale : n’ayant pas assisté hier soir à la clôture des débats, je n’ai pas eu connaissance de ce changement d’horaire.

Monsieur le président, il y a là une innovation, car la durée de deux heures au minimum pour les suspensions entre le matin et l’après-midi, de même qu’entre l’après-midi et le soir, avait toujours – en tout cas, depuis que je siège au Sénat, et cela ne date pas d’hier – été respectée jusqu’à présent. Cela correspond à certaines nécessités : contraintes inhérentes à l’élaboration des comptes rendus, reproduction des documents devant être mis à notre disposition, recherche de la meilleure organisation de nos débats...

Or il semble que l’on commence à dire que tout cela n’a guère d’importance et donc à remettre en cause cette durée minimale.

Monsieur le président, lorsqu’il est annoncé que le Sénat siégera le soir et éventuellement la nuit, cela veut-il toujours dire que nous interromprons nos travaux à dix-neuf heures trente ou à vingt heures pour les reprendre à vingt et une heures trente ou à vingt-deux heures ? Ce point doit être clarifié.

Le Sénat a toujours tenu à respecter les services, qui font preuve d’un grand dévouement. Cette tradition de respect doit être maintenue, et ma question relative à la durée de la suspension mérite, à cet égard, d’être posée.

Monsieur le président, je profite de ce rappel au règlement pour répondre à M. Sueur qui, tout à l'heure, m’a mis en cause et a reproché à mon groupe d’avoir déposé concomitamment une motion et de nouveaux amendements.

Monsieur Sueur, un tel comportement est bien normal. Nous pensions en effet qu’il valait mieux renvoyer à la commission la proposition de loi relative aux intercommunalités, afin de tenter une nouvelle fois de trouver une solution. Cependant, sachant que vous vouliez imposer vos vues et que vous alliez rejeter notre motion, nous avons également déposé des amendements.

J’ajoute que, si le groupe socialiste s’était appliqué à lui-même votre raisonnement – quand on dépose une motion, on se dispense de déposer des amendements –, nous aurions, jusque dans un passé récent, gagné énormément de temps ! Sur bien des textes, vous avez déposé tous les types de motions possibles et cela ne vous a nullement empêchés de déposer en plus des centaines d’amendements !

Manifestations d’approbation sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

C’est pourquoi, je le dis franchement, c’est un argument qui ne peut pas être utilisé dans cet hémicycle !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Mon cher collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement.

Pour répondre à votre questionnement, en cet instant, je peux seulement vous dire que, a priori, la règle des deux heures de suspension restera en vigueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

M. Jean-Pierre Michel. Mon rappel au règlement concerne le règlement lui-même, mais je veux d’abord dire à Jean-Jacques Hyest que, lorsqu’il présidait la commission des lois, il était moins « notarial » ! Je pense qu’il devrait prendre de la hauteur dans ses interventions.

Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Monsieur le président, je veux surtout demander que soit constitué un groupe de travail sur le règlement. On le voit aujourd'hui, le règlement qui est en vigueur, après introduction des dispositions rendues nécessaires par la réforme constitutionnelle – et à la rédaction desquelles a collaboré Jean-Jacques Hyest –, n’est pas satisfaisant.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Les choses peuvent changer ; elles ne sont pas établies une fois pour toutes !

Il est clair que l’ordre du jour de nos travaux d’aujourd'hui est très mal conçu.

Nous n’avons utilisé ce matin que deux des quatre heures prévues pour l’examen de la proposition de loi relative à la protection de l’identité. Les deux heures non utilisées sont donc perdues, alors que l’examen des textes inscrits à l’ordre du jour de cet après-midi et de ce soir va peut-être durer jusqu’à trois ou quatre heures du matin, voire se poursuivre demain.

Il me semble qu’assigner une durée de quatre heures à l’examen de chaque proposition de loi n’est pas une bonne chose. Le règlement, mal écrit sur ce point, doit donc être revu.

C'est la raison pour laquelle je demande à la présidence du Sénat de convoquer un nouveau groupe de travail sur la réforme du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Mon cher collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement. Je transmettrai votre requête à M. le président du Sénat et à la conférence des présidents.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures.