Intervention de Françoise Laborde

Réunion du 3 novembre 2011 à 15h00
Patrimoine monumental de l'état — Adoption en deuxième lecture d'une proposition de loi

Photo de Françoise LabordeFrançoise Laborde :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes tous conscients que notre patrimoine monumental est une richesse inestimable. Est-il encore besoin de rappeler les chiffres qui placent notre pays au premier rang des pays touristiques du monde ou d’énumérer les trésors historiques qui font la fierté de toute une nation ? Je ne le crois pas...

Cependant, il me semble que cette chance ne doit pas nous faire oublier les contraintes matérielles auxquelles nous sommes soumis. Nous devons avoir la lucidité de reconnaître que ce patrimoine historique représente également une charge, très lourde à porter, surtout en temps de crise, et parfois préjudiciable à la bonne conservation des monuments.

Dès lors, il ne faut pas se voiler la face. Il est indispensable de réfléchir et de trouver ensemble des moyens pour faire vivre ce patrimoine et pour lutter contre sa dégradation. L’État, avec les collectivités territoriales, doit trouver les meilleurs moyens d’assumer son rôle dans la protection et la transmission de notre histoire.

Avec la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, une première vague de transferts de propriétés de monuments historiques de l’État vers les collectivités territoriales avait été lancée, mais sans transfert de budget pour les personnels.

Depuis plusieurs années, et notamment depuis la loi de finances pour 2010, la question de la relance de ce processus de dévolution a été remise sur la table.

Par chance, l’article adopté sur ce sujet dans cette loi avait été censuré par le Conseil constitutionnel au motif qu’il s’agissait d’un cavalier législatif. Son dispositif n’était, de l’avis de tous, pas assez abouti, et faisait peser des risques inquiétants sur le patrimoine de l’État.

Néanmoins, l’adoption, puis la censure de cet article nous ont permis de relancer une réflexion approfondie. Le Sénat, notamment la commission de la culture, a pu travailler pendant plusieurs mois sur cette question fondamentale pour l’avenir de notre patrimoine monumental, et mettre au point un système plus abouti et plus protecteur.

Je tiens d’ailleurs à ce propos à saluer la qualité du travail de Françoise Férat, dont le rapport d’information, je le rappelle, mes chers collègues, avait été adopté à l’unanimité de la commission.

Les principales préconisations de ce rapport visaient à « réactiver le principe de “transférabilité” des monuments historiques appartenant à l’État » et à « identifier les monuments historiques ayant une vocation culturelle », afin d’envisager leur transfert à titre gratuit à une collectivité territoriale volontaire.

Il me semble que ces préconisations étaient traduites dans la proposition de loi soumise à notre examen en janvier dernier. C’est la raison pour laquelle les membres du groupe RDSE avaient voté en faveur de ce texte, équilibré et amélioré par des amendements provenant de toutes les travées de l’hémicycle.

Nous nous sommes réjouis, par exemple, que le principe de péréquation, indispensable à la survie du Centre des monuments nationaux, soit désormais inscrit dans la loi. C’est, parmi d’autres, un garde-fou indispensable. Le Haut conseil du patrimoine jouera un rôle essentiel en amont des transferts à titre gratuit, ainsi que dans le contrôle de projets d’éventuels déclassements du domaine public.

Nous n’avons néanmoins jamais douté du caractère perfectible du texte que nous avons transmis à l’Assemblée nationale.

Force est cependant de constater que, tel qu’il nous revient aujourd’hui, il a perdu sa légitimité et n’est plus du tout fidèle à l’esprit qui avait guidé nos travaux en première lecture.

Notre objectif est de faciliter, pour les collectivités territoriales qui le souhaitent, la réutilisation des monuments de l’État. Mais le respect de notre héritage historique et culturel doit rester au cœur de toute action, et il est hors de question de « brader » le patrimoine de la nation.

Lorsqu’une volonté de transfert de l’État rejoint un projet porté par une collectivité pour faire vivre son histoire et pour développer son attractivité culturelle, il est tout à fait légitime et sain que celle-ci puisse assumer pleinement son rôle. Cette notion de projet culturel doit cependant rester indissociable du transfert à titre gratuit.

C’est la raison pour laquelle nous nous opposons absolument à la rédaction de l’article 7 adoptée par l’Assemblée nationale.

Nous ne voterons en faveur de l’adoption de cette proposition de loi que si certains amendements, visant à rétablir la version du texte adoptée par le Sénat en janvier dernier, sont adoptés.

Nous sommes en effet fermement attachés à la philosophie du texte voté en première lecture au Sénat.

Il est ainsi inenvisageable que le projet culturel porté par la collectivité territoriale bénéficiaire du transfert de propriété à titre gratuit soit à durée déterminée. Nous pourrions envisager sa réévaluation, pour éviter qu’il ne perde sa pertinence au cours du temps ou qu’il ne devienne contreproductif, mais à aucun moment il ne doit disparaître, sans conséquences sur la propriété du bien.

Les dévolutions aux collectivités territoriales, si elles sont envisagées de manière sereine, transparente et rigoureuse, peuvent constituer une bonne solution pour éviter les situations dramatiques dans lesquelles des monuments fantastiques finissent pas tomber dans l’oubli, quand ce n’est pas en ruines...

La défense et la sauvegarde du patrimoine sont des préoccupations constantes de la commission et, bien sûr, du groupe RDSE. C’est la raison pour laquelle nous déterminerons notre vote en fonction des amendements qui seront adoptés ; si nous considérons qu’il n’est plus assez protecteur, nous ne pourrons pas voter ce texte.

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