Le travail mené par la commission Rémond a porté plutôt sur ce qui, dans le patrimoine de l’État, était véritablement constitutif de l’identité de la France. Il s’agit des quelques monuments du patrimoine qui doivent rester sous la responsabilité de l’État, car ils incarnent l’âme même de notre pays.
Voilà pourquoi nous avons été un certain nombre à prendre tant d’intérêt au travail de la commission Rémond : c’était cela même qui était en jeu ! Les débats étaient parfois assez vifs. Je me souviens, par exemple, d’échanges nourris sur le destin du château du Haut-Kœnigsbourg : ce monument serait-il menacé si son entretien était confié aux collectivités territoriales alsaciennes qui le revendiquaient au lieu de rester propriété de l’État ? Ce qui compte, c’est d’abord et avant tout la qualité de l’attention portée à ce monument, la capacité à veiller à ce qu’il reste ouvert au public et témoigne de l’histoire de la France, dans une province particulièrement malmenée par le passé.
Telle est la teneur des travaux qui ont été menés. À mon avis, la commission Rémond, mise en place par M. Aillagon, n’a pas achevé sa mission, puisque sa réflexion n’a pas porté sur l’ensemble des monuments historiques en mains d’État.
Nous sommes ensuite entrés dans une période plus difficile. Nous constatons ainsi combien l’actualité et la conjoncture internationale bousculent les finances publiques.
Nous constatons également que l’abandon de certaines responsabilités, ou leur transfert dans le domaine administratif, libère certains bâtiments et conduit l’État à s’interroger sur la nécessité pour lui de conserver tel monument qui fut jadis un très bel hôpital, mais qui se trouve aujourd’hui désaffecté, telle caserne qui a une valeur architecturale, mais qui n’a plus aujourd’hui de vocation militaire. C’est le cas, par exemple, de la citadelle d’Arras, dont l’intérêt historique reste indéniable.
Est-il scandaleux de proposer à une collectivité locale de prendre la responsabilité de ce patrimoine ? Nous ne le croyons pas. En revanche, il est certain que la collectivité qui en accepte la charge doit apporter la preuve qu’elle est en mesure d’entretenir dans le temps ce bâtiment, de lui affecter peut-être une fonction nouvelle, à tout le moins de faire en sorte qu’il soit préservé, ouvert au public et puisse continuer à vivre. Nous devons être vigilants dans ce domaine, nous interroger sur les risques qu’il y aurait à laisser une collectivité se comporter comme un particulier, voulant éventuellement acquérir gratuitement un bâtiment pour le revendre quelques années plus tard.