Comme vous le savez, madame la ministre – M. Xavier Bertrand y a fait référence tout à l’heure –, cette question me tient particulièrement à cœur.
Il s’en faut de peu que certains considèrent que la branche AT-MP a essentiellement pour effet de limiter les droits des victimes.
Pour ma part, je ne le crois pas. La branche AT-MP est la fille du paritarisme et, ne serait-ce qu’à ce titre, elle doit être préservée. Il me paraît essentiel que l’évolution des mécanismes d’indemnisation des accidents et des maladies professionnelles se fasse prioritairement au sein de la branche. Toute autre solution risquerait de forcer les victimes à prouver l’imputabilité du dommage qu’elles ont subi et de les laisser désarmées face à la complexité du droit civil et de la jurisprudence.
Il nous faut cependant être plus ambitieux dans les réformes que nous proposons, ce qui suppose que nous connaissions exactement l’état de la situation.
Pour la première fois cette année, nous ne dépendons pas uniquement des statistiques du régime général de la sécurité sociale. Une étude de l’Institut de veille sanitaire publiée à la fin du mois dernier permet d’évaluer, ce qui n’avait jamais été fait auparavant, le nombre total d’accidents du travail reconnus pour l’ensemble des régimes de base de la sécurité sociale, qui s’élève à 1 284 000. Les trois quarts concernent des hommes, soit environ 289 000 de plus que ceux qui sont reconnus par le seul régime général.
Cette étude fait également ressortir la dangerosité des industries agroalimentaires, tout particulièrement dans le secteur de la découpe de la viande.
Ces données montrent la nécessité d’une vision globale de la sinistralité, et je regrette que l’outil statistique dont nous avions envisagé la création lors des débats sur la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique n’en soit encore, sept ans plus tard, qu’au stade des études de faisabilité.
Une action déterminée sur les causes de la sous-déclaration est impérative et nous suivrons avec attention la suite donnée aux propositions de la commission Diricq pour endiguer ce phénomène. On ne peut accepter, madame la ministre, que la moitié de la sous-déclaration soit imputable aux maladies liées à l’amiante. Que les victimes de cette substance hautement toxique ne fassent pas valoir leurs droits devant la branche, mais aussi parfois devant le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA, est insupportable.
Nous pensons également que l’indemnisation intégrale du préjudice lié à la faute inexcusable de l’employeur ne peut attendre. Pour la clarté et la lisibilité de notre droit, le Gouvernement aurait déjà dû transcrire dans les textes la jurisprudence très claire du Conseil constitutionnel. Dans les limites étroites, et de mon point de vue absurdes, que nous impose l’article 40 de la Constitution, surtout dans une loi de financement de la sécurité sociale, nous avons proposé des amendements pour avancer sur cette question. Ils sont forcément imparfaits. Nous vous solliciterons donc, madame la ministre, de même que M. Xavier Bertrand, pour aller au bout de cette démarche.
S’agissant des mesures proposées cette année, certaines, introduites à l’Assemblée nationale, sont attendues par les victimes.
Ainsi, l’article 55 bis permet enfin la reconnaissance de toutes les formes d’union pour l’indemnisation des ayants droit des victimes. Nous avions proposé cette réforme depuis longtemps, et il était temps qu’elle soit réalisée. C’est un point positif.
L’article 55 ter répond aussi à une attente, la prise en compte de toutes les périodes travaillées, y compris celles qui relèvent du régime des gens de mer ou des ouvriers de la défense, pour le versement de l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, l’ACAATA.
Plusieurs amendements l’année dernière, dont l’un émanait de la commission des affaires sociales, visaient des avancées sur ce point. Je ne peux toutefois m’empêcher de regretter votre minimalisme. Vous procédez certes à une coordination nécessaire entre les régimes, mais vous restez en deçà de l’harmonisation que nous souhaitions.
Je souhaite également porter à votre attention un grave problème qui nous a été signalé par les associations de victimes. Le régime général refuse, semble-t-il, de verser les pensions de retraites des victimes polypensionnées à l’expiration du versement de l’ACAATA. C’est là une violation de la lettre et de l’esprit de l’article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, tel qu’il a été amendé par le Sénat lors de la discussion de la réforme des retraites.