Intervention de Frédérique Espagnac

Réunion du 28 novembre 2011 à 10h00
Loi de finances pour 2012 — Politique des territoires

Photo de Frédérique EspagnacFrédérique Espagnac, rapporteure spéciale de la commission des finances :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m’en tiendrai ce matin, compte tenu du temps qui m’est imparti, à un exposé rapide et synthétique des faits marquants du projet de loi de finances pour 2012 concernant la politique des territoires.

J’observe tout d’abord que la mission conserve en 2012 un périmètre interministériel stable ainsi qu’une organisation inchangée pour ses deux programmes.

Elle constitue dans le présent projet de loi de finances, par le volume de ses crédits, la plus petite mission du budget général dotée d’objectifs de performance : 334, 07 millions d’euros en autorisations d'engagement et 340, 81 millions d’euros en crédits de paiement.

J’ai relevé que ces montants sont conformes aux plafonds prévus par la loi de programmation des finances publiques en vigueur, qui couvre la période 2011-2014.

Ces dotations ont même été ramenées par l’Assemblée nationale, sur l’initiative du Gouvernement, à moins de 330 millions d’euros en autorisations d'engagement et à 336, 5 millions d’euros en crédits de paiement, et ce en application des plans d’économies supplémentaires annoncés par le Premier ministre les 24 août et 7 novembre 2011.

Mais je reviendrai sur ce point en conclusion.

La mission est placée au cœur de la politique transversale d’aménagement du territoire. Cependant, les actions de l’État participant de cette politique, naturellement au carrefour de nombreuses interventions publiques, excèdent de loin son périmètre.

Chaque année, en effet, 5 milliards d’euros environ sont engagés pour l’aménagement du territoire. La mission « Politique des territoires » ne représente en 2012 que 6, 5 % de la totalité de ces crédits ; c’est dire à quel point elle est modeste.

La mission se singularise, en outre, par des dépenses fiscales supérieures à ses crédits budgétaires, soit 421 millions d’euros, mais j’aurai l’occasion de revenir sur ce point sensible.

J’en viens maintenant aux deux programmes de la mission, dont le périmètre reste stable en 2012.

Le premier programme, « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire », dont l’acronyme est PICPAT, piloté par le ministère de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire, correspond aux moyens mis à la disposition de la délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale, la DATAR.

Ses crédits seront employés au financement de nombreux dispositifs, dont je ne rappelle que les quatre principaux : les contrats État-région, dont la « génération » 2007-2013 entrera en 2012 dans sa sixième année d’exécution ; la prime d’aménagement du territoire, outil d’aide à la localisation d’activités et d’emplois dans certaines zones prioritaires du territoire ; le plan d’accompagnement du redéploiement des armées ; enfin, la politique des réseaux d’entreprises, pôles d’excellence rurale, pôles de compétitivité et « grappes d’entreprises », qui constituent une sorte de variante des pôles de compétitivité pour des réseaux d’entreprises de petite taille.

Je constate qu’un premier appel à projets a permis de sélectionner 42 grappes d’entreprises en 2010 et 84 en 2011, mais je mets en garde contre le risque de « saupoudrage » dans ce domaine.

J’en arrive au second programme de la mission, baptisé « Interventions territoriales de l’État », couramment désigné sous le nom de PITE, qui relève du Premier ministre mais qui a été confié à la gestion du ministère de l’intérieur.

Dérogatoire aux règles du droit commun budgétaire, ce programme a été reconduit et recomposé en 2009 sous la forme de quatre actions, qui correspondent à quatre plans interministériels de portée régionale, la majorité de ces crédits se trouvant affectée à l’action relative à la Corse.

Le programme d’investissements en faveur de la Corse sera, de plus, abondé par des fonds de concours, à hauteur de 40 millions d’euros en crédits de paiement, en provenance de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, ou AFITF, ce qui constitue une forme de « débudgétisation » regrettable.

Je vous remercie par avance, monsieur le ministre, de nous indiquer si vous partagez bien notre préoccupation de limiter les débudgétisations.

Le PITE retrace aussi trois autres actions : la « reconquête » de la qualité de l’eau en Bretagne, qui comporte notamment le « plan d’urgence nitrates » et le plan de lutte contre les algues vertes ; les dépenses consacrées à l’écologie du marais poitevin ; enfin, les actions mises en œuvre à la Guadeloupe et à la Martinique pour faire face aux dangers du chlordécone, ce pesticide hautement toxique qui a été utilisé contre le charançon du bananier.

J’ai relevé que la composition du PITE pourrait évoluer après 2012 et que le ministère de l’intérieur a demandé aux préfets de région de faire remonter des projets territoriaux.

Dans ce contexte, je m’interroge sur la possibilité d’inscrire au PITE une action spécifique destinée à résoudre les problèmes particuliers du Pays basque, qui pourrait compléter la convention dédiée à ce territoire et pour laquelle, à ce jour, le Gouvernement n’a donné aucune garantie de reconduction.

Monsieur le ministre, je souhaite que vous nous éclairiez sur ce sujet.

Avant de conclure, je voudrais formuler deux principales critiques.

En premier lieu, l’efficacité des mesures mises en œuvre par la mission me paraît incertaine et insuffisamment mesurée. Améliorer l’évaluation de ces dernières est donc nécessaire. Il faut connaître les résultats effectifs des pôles de compétitivité et des grappes d’entreprises, mais aussi des pôles d’excellence rurale ou encore de la prime d’aménagement du territoire, outil en faveur de l’emploi sur lequel la Cour des comptes a émis des réserves.

En second lieu, l’évaluation que je préconise concerne les dépenses fiscales rattachées au programme que gère la DATAR.

Trente dépenses fiscales lui sont en effet rattachées pour un montant total minimal estimé de 421 millions d’euros en 2012, soit un montant supérieur aux crédits de la mission. La tendance au saupoudrage en la matière est inacceptable.

Je m’inquiète réellement du résultat des évaluations issues du rapport Guillaume d’août 2011 consacré aux niches fiscales et sociales. Ce rapport s’est en effet montré très critique sur ces dispositifs, jugés quasi systématiquement inefficaces : sur les vingt et une dépenses fiscales de la mission évaluées, dix-huit ont le score le plus faible, à savoir zéro.

Déjà, en octobre 2010, le conseil des prélèvements obligatoires avait évoqué des dispositifs à « l’efficacité incertaine ».

Monsieur le ministre, quelles conséquences tirez-vous de ces évaluations assez calamiteuses ? Je rappelle que notre collègue François Marc, ancien rapporteur spécial, avait à plusieurs reprises exigé que ces dépenses fassent l’objet d’une évaluation rigoureuse de leurs performances. J’ajoute, pour ma part, qu’une remise à plat globale de ces mesures me semble à terme inévitable.

Pour conclure, je souligne ici que les fondements de la politique d’aménagement du territoire conduite par le Gouvernement depuis des années sont très largement responsables de l’impression de saupoudrage qui ressort des dispositifs que j’ai rappelés.

Il en résulte sur le terrain la perception d’une politique d’aménagement du territoire sans réelle lisibilité, ce qui est aggravé par l’extrême instabilité du rattachement ministériel de la DATAR.

Cette instabilité fragilise notre ambition en matière d’aménagement du territoire et laisse à penser qu’il ne s’agirait plus que d’une politique subsidiaire et marginalisée. Pourquoi le Gouvernement fait-il ce choix ?

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