Intervention de Alain Richard

Réunion du 28 novembre 2011 à 22h15
Loi de finances pour 2012 — Compte d'affectation spéciale : gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien

Photo de Alain RichardAlain Richard :

À raison des fonctions que j’ai occupées, je ne pense pas jouer un rôle utile dans le débat sénatorial, déjà très riche, en portant une appréciation publique sur la gestion du département par le ministre qui en a aujourd’hui la charge. De très bons rapports et d’excellentes interventions dans la discussion générale y ont largement pourvu.

En revanche, mes chers collègues, je voudrais vous livrer quelques réflexions, en dehors des clivages politiques, sur la condition sociale et professionnelle des personnels militaires. En effet, comme vous le savez, et c’est un des acquis de notre République, ces derniers ne détiennent pas de droit d’expression publique sur leur propre situation : il revient donc à d’autres instances, et tout particulièrement au Parlement, qui n’a pas tellement d’autres occasions de le faire, de relayer les préoccupations que cette situation peut susciter, de se pencher sur ses points de fragilité. Nous devons le faire dans un esprit d’équité et de justice sociale, mais aussi dans l’intérêt de la défense tant il est vrai que l’attractivité de la condition militaire est la clé d’une ressource humaine suffisante à l’avenir ; et cela reste vrai, en particulier, pendant la crise économique que nous vivons.

Je voudrais, de ce point de vue, évoquer trois sujets : la mobilité, le logement et la santé.

La mobilité s’est accélérée et intensifiée. Certes, elle fait partie des obligations des militaires, mais elle se fait plus contraignante et plus rapide en raison des restructurations ; c’est une situation que nous avons déjà connue. Ainsi, alors que la mobilité fait partie de la condition habituelle et assumée des officiers, en période de restructurations, elle s’étend très largement aux sous-officiers et aux militaires du rang.

Du fait de la prolongation et de l’intensité des réductions d’emplois que nous observons, on constate aussi des situations de double mobilité : certains personnels sont ainsi touchés deux fois de suite, en peu d’années, par des restructurations.

Je veux souligner, en quelques mots, les effets de cette obligation de mobilité intensifiée sur la situation des familles et sur l’emploi des conjoints.

Je crois que, comme l’a judicieusement observé le Haut Comité d’évaluation de la condition militaire, le Gouvernement et le commandement doivent veiller à ce que les délais de préavis des mobilités soient les plus longs et les plus fermes possible. Je souhaiterais donc que le Gouvernement indique s’il peut nous donner des assurances à ce sujet.

S’agissant du logement, les difficultés, réelles, sont issues de la spécificité du métier militaire.

Je voudrais insister sur les difficultés qui pèsent plus spécialement sur les jeunes sous-officiers et sur les militaires du rang, en raison à la fois de leurs ressources limitées, mais aussi en fonction du lieu de leur affectation : chacun sait quels problèmes cela pose dans les grandes zones urbaines comme l’Île-de-France. Des efforts sont réalisés pour les aider à se loger de manière adéquate, mais les situations difficiles sont loin d’être toutes éliminées.

Les questions de santé et le traitement des lésions physiques sont d’abord l’occasion de rappeler le nombre de décès et de blessés graves parmi les militaires, qui s’élève, chaque année, à plusieurs dizaines, pour l’essentiel lors d’opérations ou du fait d’accidents de service.

Des progrès restent à faire, me semble-t-il, sur le suivi des blessés en opération qui ne sont plus aptes à reprendre un service militaire. En effet, les droits des militaires en matière d’accompagnement à la reconversion civile ne sont pas reconnus aux blessés devenus inaptes. J’attire l’attention du Gouvernement sur ce point, qui me paraît devoir être revu.

L’action d’accompagnement menée par les associations est tout à fait estimable, témoignant d’une forte solidarité au sein du milieu militaire, mais elle ne doit pas conduire l’État à être négligent à l’égard de ces situations douloureuses.

Je reprendrai à mon compte les propos de François Trucy et de plusieurs collègues concernant le service de santé des armées : il faut soutenir son rôle essentiel et sa spécificité au sein des forces armées.

Les discussions engagées à la suite du rapport de la Cour des comptes sur le coût du service de santé des armées sont certes légitimes, mais celui-ci ne saurait être évalué financièrement comme un système de santé civil. L’échelle de mesure n’est pas la même. Ce service a d’abord une fonction essentielle de soutien en opération, tout en étant un moyen privilégié de sauvegarde des populations civiles. Il est donc un support majeur de nos responsabilités internationales et stratégiques.

Je conclurai, monsieur le président, en soulignant l’importance du dialogue social spécifique qui doit être maintenu au sein de la communauté militaire. Les syndicats du personnel civil peuvent d’ailleurs y jouer un rôle, en complétant l’appréhension des problèmes sociaux par l’autorité. Les instances de concertation à la fois dans les unités et à l’échelle nationale sont essentielles. Monsieur le ministre, je souhaiterais que les points principaux relevés dans leurs débats par les conseils de la fonction militaire soient transmis au Parlement, afin de nourrir le dialogue républicain.

Je rappelle de nouveau le rôle précieux que joue le nouveau Haut Comité d’évaluation de la condition militaire : le Gouvernement serait bien inspiré de répondre en temps utile à ses préconisations.

Les ressources humaines sont le fondement même du potentiel de défense de notre pays. La défense a gardé une bonne image d’employeur, qu’il convient de sauvegarder, de manière que nos armées restent attractives pour les jeunes.

Au terme de ces quelques observations, je crois exprimer le sentiment de tous en disant notre respect et le soutien de la représentation nationale à la collectivité militaire de notre pays.

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