Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie Marc Massion de nous avoir fourni ces éléments si riches d’enseignements. Je partage son opinion, tout particulièrement s’agissant des propositions inacceptables de la Commission européenne, et j’aboutirai d’ailleurs à la même conclusion que lui : s’abstenir – je le dis en conscience – permet de manifester notre humeur en tant que parlementaires !
Auparavant, je formulerai quelques remarques relatives au montant du prélèvement qui fait l’objet de notre débat, ainsi qu’à l’évolution de notre solde net.
3, 5 % : c’est le rythme d’augmentation, entre 2011 et 2012, du prélèvement qu’il nous est proposé de voter à l’article 30 de projet de loi de finances pour 2012. Or, cette progression contraste singulièrement avec la volonté qui est la nôtre de contenir la dépense publique.
Cette hausse de 646 millions d’euros porte l’estimation de notre contribution à 18, 878 milliards d’euros.
Nous savons d’expérience que, au terme de l’exécution 2012, des ouvertures nouvelles en crédits de paiement seront intervenues et que, entre le montant du prélèvement affiché dans l’article 30 et ce qu’il sera finalement, des écarts, favorables ou défavorables au demeurant, seront enregistrés.
J’appelle en effet votre attention, mes chers collègues, sur les écarts considérables constatés entre la prévision et l’exécution du prélèvement.
En 2007, le prélèvement inscrit en loi de finances initiale avait été surestimé de plus de 1, 5 milliard d’euros. En 2008, était apparue, au contraire, une sous-estimation, de 300 millions d’euros. Pour 2009, la nouvelle sous-estimation du prélèvement, nettement plus importante, s’élevait à plus de 1 milliard d’euros : le prélèvement s’établissait à 20 milliards d’euros en exécution, alors que le vote initial du Parlement portait sur 18, 9 milliards d’euros. En 2010, le prélèvement a été, à l’inverse, surestimé de 556 millions d’euros. Pour 2011, le Gouvernement nous avait annoncé une légère surestimation, de l’ordre de 4 millions d’euros, mais des corrections sur exercices antérieurs pourraient in fine aboutir à une sur-exécution de l’ordre d’une centaine de millions d’euros.
Monsieur le ministre, je vous remercie par avance de bien vouloir nous préciser où en est exactement, à la fin de ce mois de novembre, l’exécution du prélèvement que notre pays supporte cette année.
Je ne sous-estime pas la difficulté de l’exercice, mais l’estimation du prélèvement soumise au vote du Parlement doit être plus précise et plus fiable.
Pour aller au-delà du sujet du prélèvement lui-même, je souligne que, en 2012, la France devrait demeurer le deuxième contributeur au budget communautaire derrière l’Allemagne, la part de sa contribution représentant 16, 4 % du total des ressources de l’Union européenne, part qui semble enfin se stabiliser.
Par ailleurs, depuis 2006, elle a remplacé l’Espagne au rang de premier pays bénéficiaire en recevant environ 12 % des dépenses de l’Union européenne ; mais cette situation, qui se dégrade, est de plus en plus fragile, puisqu’elle ne résulte essentiellement que du poids de la politique agricole commune. Pensons-y : 75 % des crédits européens dépensés en France correspondent à des dépenses agricoles.
Réjouissons-nous, à cet égard, que les propositions de la Commission européenne aillent dans le sens d’un maintien des dépenses agricoles à un niveau équivalent dans la prochaine programmation.
Je poursuis avec l’épineuse question des soldes nets. Celle-ci est récurrente et délicate, car elle entretient un état d’esprit en contradiction avec celui qui anime le projet communautaire, qui doit s’élever au-dessus de ces considérations de boutiquiers.
Cela étant, soyons bien conscients que ce sont le solde net et le gain en résultant qui mobilisent la plupart de nos partenaires, dans une sorte de coupe d’Europe des égoïsmes nationaux.
Entre 2009 et 2010, la France est passée du rang de troisième à celui de deuxième contributeur net au budget communautaire en volume et du rang de huitième à celui de septième contributeur net en pourcentage du revenu national brut.
Mes chers collègues, notre situation ne cesse donc de se dégrader depuis dix ans : notre solde net, qui représentait moins de 400 millions d’euros en 1999, a été multiplié par treize en dix ans et dépasse le seuil des 5 milliards d’euros depuis 2008.
C’est sans doute le prix à payer pour notre attachement à la politique agricole commune, de même que nous avions dû faire des compromis pour obtenir la TVA à 5, 5 % dans la restauration. J’en viens d’ailleurs à me demander quel est le coût caché de cette dernière concession européenne.
Il serait effectivement très instructif de connaître les contreparties précises des rabais et des corrections, dont je note que nous sommes l’un des rares contributeurs nets, avec l’Italie et le Danemark, à ne pas bénéficier. Aujourd’hui, outre le Royaume-Uni, d’autres pays, tels l’Allemagne, les Pays-Bas, la Suède et l’Autriche, profitent de diverses corrections en leur faveur. La multiplication des rabais et des corrections témoigne d’une logique de marchands de tapis peu honorable et contraire aux valeurs communautaires. Monsieur le ministre, à quels marchandages correspondent exactement ces rabais ?
Je voudrais, comme avait l’habitude de le rappeler notre ancien collègue rapporteur spécial, Denis Badré, préciser que ces analyses, en termes de retour net, ignorent les contributions incalculables de la construction européenne : la libre circulation, l’ouverture des États les uns aux autres, et la généralisation de valeurs, notamment celles de la démocratie, de la paix et de la liberté.
Toutefois, mes chers collègues, peut-on réellement, en ces temps particulièrement difficiles, faire l’économie d’une analyse en termes de « soldes nets » ? Franchement, je ne le crois pas. Bien entendu, il convient de ne pas s’enfermer dans de telles grilles d’analyses, que l’on ne peut cependant pas écarter.
Par ailleurs, je rejoins les propos de notre collègue Marc Massion, qui nous a démontré que, contrairement à ce que laisse penser le travail de la Commission européenne, l’Europe ne peut pas se placer en dehors des efforts exigés en matière d’assainissement des finances publiques et qu’elle doit donc plus que jamais dépenser mieux.
À cet égard, je recommande un renforcement de la mise en œuvre vigilante du principe de subsidiarité, au regard duquel devraient être systématiquement examinés le budget, le fonctionnement et les politiques de l’Union européenne.
De plus, dans le système budgétaire communautaire actuel, les parlementaires nationaux se limitent à autoriser un prélèvement sans en discuter ni le montant ni l’usage qui en sera fait à travers les dépenses de l’Union européenne. Une telle situation n’est pas satisfaisante, convenons-en.
Un budget dont les dépenses sont arrêtées par les autorités communautaires, mais dont 85 % des ressources restent dépendantes de décisions des parlements nationaux, porte atteinte au principe du consentement à l’impôt, essentiel dans une démocratie.
Une plus grande reconnaissance du rôle des parlements nationaux paraît donc nécessaire. Nous devons prendre toute notre place dans la coordination des finances publiques des États membres et dans la réflexion en cours sur la réforme du budget communautaire et sur la gouvernance économique de la zone euro. J’aurai l’occasion, je l’espère, d’approfondir cette question dans le cadre de la mission que vient de me confier le Premier ministre sur l’avenir de la zone euro.
Je vais maintenant conclure mon propos en évoquant la crise des dettes souveraines, sujet qu’a traité au début de son intervention mon collègue Marc Massion.
Je voudrais faire part de mon incompréhension – oserai-je dire de ma révolte ? – à l’égard de la Commission européenne et du Conseil, qui ont laissé filer les déficits publics.