Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 10 novembre 2011 à 9h30
Financement de la sécurité sociale pour 2012 — Article 34 bis nouveau

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

En juillet 2010, plusieurs députés UMP, M. Jean-Pierre Dupont, Mme Edwige Antier et M. Jean-François Chossy ont déposé une proposition de loi visant à généraliser le dépistage précoce des troubles de l’audition.

Cette proposition de loi a été discutée et adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 30 novembre 2010, puis transmise au Sénat, mais jamais inscrite à notre ordre du jour. En mars 2010, toujours à l’Assemblée nationale, elle a été reprise sous la forme d’un amendement à la proposition de loi modifiant certaines dispositions de la loi HPST, qu’avait présentée notre ancien collègue Jean-Pierre Fourcade. Toutefois, les dispositions ainsi adoptées ont finalement été invalidées par le Conseil constitutionnel, qui y a vu un « cavalier législatif ».

Aujourd’hui, cette proposition nous revient de nouveau sous la forme d’un article additionnel inséré par l’Assemblée nationale dans le PLFSS pour 2012.

Or, depuis le dépôt de la proposition de loi que j’ai mentionnée au début de mon propos, et au fil des discussions qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale, les désaccords n’ont cessé de croître au sein d’une partie du monde médical, en particulier les psychologues, psychiatres et médecins qui travaillent dans des unités d’accueil et de soin des sourds. Au sein même de la communauté sourde de France, de réelles différences d’appréciation existent entre Génération Cochlée, par exemple, et la Fédération nationale des sourds de France, la FNSF.

Le texte prévoit, en effet, que le dépistage soit effectué sur le nouveau-né à la maternité, avec une confirmation dans un centre spécialisé avant la fin du troisième mois de l’enfant.

Pour ma part, je ne cache pas les réserves que m’inspire le dispositif prévu, notamment en raison de la faible fiabilité des tests utilisés, comme en témoignent les résultats de l’expérimentation menée par la Caisse nationale de l’assurance maladie depuis 2005, et surtout des conséquences sur la construction du lien parents-enfant que pourrait avoir une annonce aussi brutale aux familles dans le moment privilégié de la naissance.

Comprenons-nous bien, je crois tout à fait à la nécessité du dépistage des troubles de l’audition. Chaque année, un enfant sur mille naît avec une déficience auditive ou est dépisté en tant que tel avant l’âge de deux ans, soit environ 800 enfants par an. Si on y ajoute les cas de surdité qui se développent au cours des deux premières années de l’enfant, on compte au total environ 2 000 enfants sourds par année d’âge. Il est donc véritablement nécessaire, je le répète, de réaliser ce dépistage, mais je m’interroge sur les modalités pratiques de sa mise en œuvre. À quel moment doit-il être effectué et quel accompagnement faut-il proposer à l’enfant et à sa famille ?

Le sujet fait débat et le Sénat n’a, en fait, jamais eu l’occasion de s’en saisir sérieusement. C’est la deuxième fois que l’on nous demande de valider un dispositif adopté par l’Assemblée nationale sans avoir pu mener d’auditions en commission.

Pour ma part, j’ai auditionné un certain nombre d’acteurs, et j’en conclus que le sujet est suffisamment délicat pour que nous prenions le temps de l’étude et de la réflexion. C’est d’autant plus justifié, me semble-t-il, qu’il existe une proposition de loi qui attend d’être inscrite à l’ordre du jour du Sénat. Respectons donc le parcours législatif normal, auditionnons, et nous pourrons alors nous prononcer sur le fond, en toute connaissance de cause, et pas sur une disposition adoptée à la hussarde !

Pour bien légiférer, il faut s’interroger et réfléchir : inscrivons donc rapidement la proposition de loi à l’ordre du jour du Sénat pour que la commission des affaires sociales puisse mener un travail sérieux. Il serait paradoxal que l’Assemblée nationale ait eu le temps de travailler sur une proposition de loi, de mener des études et des auditions, et que le Sénat soit obligé de se prononcer rapidement, sans pouvoir prendre le temps de la réflexion. §

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