Monsieur le ministre, mes chers collègues, cet amendement ne devrait pas vous surprendre ; il est la conséquence logique des positions que nous, sénateurs de gauche, avons prises l’année dernière à l’occasion de l’examen du projet de loi portant réforme des retraites.
Vous le savez, pour une catégorie restreinte de travailleurs, ce texte a ouvert le maintien de l’âge de départ à la retraite à soixante ans au taux plein et a posé le principe d’une contribution de la branche accidents du travail et maladies professionnelles à la branche vieillesse pour compenser le coût qui en résultera pour cette dernière.
L’article 55 du présent PLFSS fixe donc la compensation que la branche AT-MP doit verser à la branche vieillesse du fait des départs anticipés en retraite liés à la pénibilité.
J’ai déjà fait part de mon scepticisme quant au montant de cette compensation – 110 millions d’euros qui s’ajoutent aux 35 millions d’euros votés l’année dernière –, étant donné les premiers chiffres communiqués par la CNAV : 1 338 demandes reçues et 466 attributions à la date du 19 octobre…
Sur le fond, reconnaître la pénibilité dans la réforme de 2010 était indispensable du point de vue de l’équité. Mais, point problématique, la prise en compte de la pénibilité a été affectée de modalités de mise en œuvre particulièrement complexes et assortie de critères d’application pour le moins drastiques.
Je vous rappelle ainsi que, pour bénéficier du dispositif, l’assuré doit pouvoir justifier d’un taux d’incapacité permanente d’au moins 20 % reconnu au titre d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail ayant provoqué des lésions de même nature que celles qui sont indemnisées au titre d’une maladie professionnelle ; si son taux d’incapacité permanente est compris entre 10 % et 20 %, il doit alors justifier d’au moins dix-sept ans d’exposition à des facteurs de risques professionnels et doit obtenir l’avis favorable d’une commission spéciale.
Quel parcours du combattant !
Je signale d’ailleurs que cette règle des dix-sept ans, qui figure dans le décret d’application n° 2011-353 du 30 mars 2011, n’avait jamais été évoquée lors des débats parlementaires...
Ces dispositions sont source de bien trop d’injustices pour que nous les cautionnions. En fait, en l’état, nous parlons non pas de pénibilité, mais d’invalidité, et le problème est tout autre.
C’est pour ces motifs, et non pour refuser la prise en compte de la pénibilité, bien évidemment, que la commission des affaires sociales propose la suppression de l’article 55.