Monsieur le garde des sceaux, vous nous présentez aujourd’hui un budget dont vous êtes fier en expliquant que, malgré le contexte de rigueur budgétaire, les crédits accordés à la justice sont en hausse cette année et visent deux objectifs : rattraper un retard historique et accorder les moyens suffisants pour mettre en œuvre les nombreuses réformes adoptées.
Puis, très vite, vous déposez à l’Assemblée nationale un amendement qui l’ampute de 20 millions d’euros au titre de la contribution à l’effort supplémentaire d’un milliard d’euros annoncé par le Premier ministre !
Voilà une illustration de ce que l’on appelle un « effet d’annonce ». Vous pouvez difficilement prétendre que la justice fait l’objet d’un effort tout particulier et, dans le même temps, diminuer ses crédits.
En creusant un peu, on s’aperçoit que ce budget ne permettra pas à l’institution judiciaire de faire face à ses missions existantes, et encore moins à celles qui résultent des réformes récentes.
Les recrutements que vous annoncez ne suffiront pas à absorber toujours plus d’affaires et toujours plus de missions. La création de postes nets de magistrats ne permettra pas d’appliquer les réformes relatives aux citoyens assesseurs et à l’hospitalisation sans consentement, pour lesquelles les études d’impact évaluaient les besoins en magistrats à respectivement 65 et 80 postes.
Nous regrettons également que, pour satisfaire les dernières annonces du Président de la République, l’essentiel de ce budget soit englouti dans la construction de nouvelles places de prison.
Nous ne contestons pas la nécessité de mettre aux normes le parc carcéral afin d’accueillir dans des conditions décentes les personnes détenues.
Certaines prisons sont effectivement surpeuplées. J’en veux pour preuve la maison d’arrêt de Majicavo, dans le département dont je suis l’élu, qui avait fait l’objet, en 2009, d’un rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté particulièrement alarmant. Celui-ci relevait un taux de sur-occupation de 240 %, pouvant aller dans certains quartiers jusqu’à 333 %, et faisait état de conditions de vie déplorables. Au 1er juillet 2011, ce taux était encore de 168 %.
J’attire néanmoins votre attention sur le fait que votre politique pénale fondée sur l’enfermement génère de façon quasi automatique une surpopulation carcérale. Ne serait-il pas plus judicieux de développer les peines alternatives plutôt que de systématiser le recours à l’emprisonnement ?