Enfin, je souhaiterais aborder la question de la protection de l’enfance et particulièrement le problème des mineurs étrangers isolés.
Monsieur le garde des sceaux, lors de votre audition devant la commission des lois, le 2 novembre dernier, vous avez rappelé que la loi de mai 2007 confiait aux départements le soin de s’en occuper.
Face à la montée du phénomène, vous proposez une mutualisation des moyens avec les départements voisins. Il me semble que la problématique des mineurs étrangers isolés dépasse largement la politique d’aide sociale à l’enfance relevant des conseils généraux ; elle s’inscrit totalement dans la politique d’immigration de l’État, à qui il revient d’assumer la prise en charge de ces enfants.
Contrairement à ce que vous prétendez, Paris et la Seine-Saint-Denis ne sont pas les premiers départements touchés par ces problèmes. À Mayotte, ce sont des milliers de jeunes qui vivent de façon isolée ! La sénatrice des Hauts-de-Seine s’est dite « impressionnée par le nombre de mineurs isolés sur le territoire de Mayotte » lors de la présentation de son rapport au Premier ministre, en mai 2010.
Il faut savoir qu’il n’existe pas d’établissement étatique spécialisé pour l’accueil des mineurs délinquants à Mayotte, ni même de quartier spécifique au sein de la maison d’arrêt. La justice n’a d’autre choix que de compter sur l’esprit civique des citoyens et de s’en remettre aux structures associatives.
L’association Tama, que j’ai l’honneur de présider, a mis en place une structure de prise en charge éducative pour éviter la prison à ces enfants. Sa capacité n’est que de huit places, ce qui, vous en conviendrez, est plus qu’insuffisant. Il est vrai que le système judiciaire de Mayotte s’est caractérisé par un régime dérogatoire jusqu’au 31 mars dernier.
Les crédits destinés à Mayotte pour l’année 2012, toutes missions budgétaires confondues, sont en hausse de 1, 2 %. Ils sont affectés en priorité à la modernisation et au renforcement du développement économique. Cette augmentation est indispensable, mais elle n’est pas du tout à la hauteur des difficultés de l’île.
Le budget nécessaire à la préparation de l’évolution institutionnelle de Mayotte, pourtant prévue depuis dix ans, est, quant à lui, plus que modeste.
Les chiffres recueillis dans les documents budgétaires ne sont pas clairs. Pourriez-vous me dire, monsieur le garde des sceaux, quel montant est consacré au financement de la nouvelle organisation judiciaire, entrée en vigueur le 1er avril dernier ? Pourriez-vous aussi préciser le montant des sommes consacrées aux traducteurs-interprètes ?
J’ajoute que le défi majeur que constitue la lutte contre l’immigration clandestine à Mayotte n’est pas sans conséquences sur la justice. Elle affecte lourdement l’institution judiciaire dans son ensemble : les juridictions, l’administration pénitentiaire et la protection de la jeunesse. Le 25 octobre dernier, Daniel Goldberg a demandé au ministre de l’intérieur un chiffrage, même approximatif, du budget consacré à la lutte contre l’immigration dans l’île. Celui-ci n’a pas répondu. Qu’en est-il exactement ?
Dans son rapport d’information intitulé La Justice entre deux eaux dans l’Océan indien du 25 mai 2011, M. Roland du Luart résumait la situation ainsi : « La conjonction d’un manque récurrent de moyens et d’une anticipation approximative des conséquences de la départementalisation de Mayotte recèle une situation, sinon explosive, en tout cas particulièrement problématique.