Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, récemment, je vous ai fait part de la situation préoccupante et dramatique dans laquelle se trouve le nouveau département de Mayotte, situation qui est à l’origine d’un mouvement social sans précédent, de quarante-quatre jours.
Un chômage de masse sévit à Mayotte : le taux officiel de 17 %, déjà inquiétant, cache en fait une réalité inacceptable : 30 000 travailleurs doivent nourrir, à eux seuls, plus de 200 000 habitants.
Le RSA, qui sera mis en place à compter de janvier 2012, ne représentera que 25 % du montant alloué en métropole.
La décentralisation n’a pas été accompagnée des moyens suffisants pour que les compétences transférées au département puissent être réellement assumées. Je pense à cette injustice qui fait supporter chaque année au conseil général plus de 30 millions d’euros de charges indues, correspondant aux compétences revenant normalement à l’État.
L’article 85 de la loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte posait pourtant le principe d’une prise en charge progressive par l’État de l’ensemble de ces charges, dont l’achèvement devait intervenir au plus tard le 31 décembre 2004. Nous attendons toujours !
Tant que les chantiers du cadastre, de l’état civil, de la dénomination et de la numérotation des rues ne seront pas achevés, il sera impossible de mettre en place une fiscalité locale.
La pression migratoire est également très élevée à Mayotte. Interrogé en commission des lois à l’Assemblée nationale, le ministre de l’intérieur n’a pas su donner un chiffrage, même approximatif, du budget consacré par la France à la lutte contre l’immigration irrégulière dans notre département. Pouvez-vous, madame la ministre, m’éclairer sur ce point ?
Et que dire des milliers d’enfants abandonnés qui vivent sur notre territoire ? Le garde des sceaux a rappelé que la loi de mars 2007 confiait aux départements le soin de s’occuper des enfants abandonnés. Or il me semble que la problématique des mineurs étrangers isolés dépasse largement la spécificité locale et la politique d’aide sociale à l’enfance, qui relève des conseils généraux. Elle procède de la politique d’immigration de l’État, à qui il revient d’assumer la prise en charge de ces enfants.
Par ailleurs, le retard technologique ne permet pas un développement suffisant. Le Président de la République avait promis l’installation d’un câble sous-marin à la fin novembre pour permettre à Mayotte de recevoir l’Internet à haut débit. Quand pouvons-nous espérer disposer des mêmes outils de communication que les autres départements ?
Les crédits de la mission « Outre-mer » dévolus à Mayotte pour l’année 2012 représenteront 92, 3 millions d’euros en autorisations d’engagement et 75 millions d’euros en crédits de paiement alors que l’ensemble des crédits de l’État pour le territoire s’élève à 714 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 674 millions d’euros en crédits de paiement.
Notre collègue Félix Desplan, auteur du rapport pour avis sur cette mission au nom de la commission des lois, fait état, quant à lui, de 700 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 659, 3 millions d’euros en crédits de paiement. Quels chiffres devons-nous prendre en compte ? Doit-on comprendre que la différence de 14 millions d’euros correspond à la contribution de Mayotte à l’effort de 1 milliard d’euros annoncé par M. Fillon ?
N’allez pas croire qu’aucune mesure ne trouvera grâce aux yeux des Mahorais.
Je me réjouis très sincèrement qu’une demande ait été faite en faveur de l’accession de Mayotte au statut de RUP, région ultrapériphérique, de l’Union européenne. Cependant, l’acceptation de ce statut, qui implique un accord unanime des membres de l’Union européenne, ne se fera pas avant janvier 2014. D’ici là, que fait-on face à l’urgence ?
Je reconnais bien volontiers que l’État a réalisé des efforts en ce qui concerne le Fonds mahorais de développement économique, social et culturel, dont les crédits ont été portés de 600 000 euros à 5, 8 millions d’euros. Mais cette progression est aussi l’aveu de l’évidente insuffisance initiale de ces crédits !
On peut également se féliciter que l’État ait accepté mardi soir, devant les élus mahorais, de débloquer 50 millions d’euros pour aider au redémarrage de l’économie de Mayotte.
Cependant, globalement, l’effort budgétaire et financier consacré à Mayotte est le moins important des DOM, alors que beaucoup reste à faire dans ce territoire.
Face à ce vaste chantier, estimez-vous véritablement, madame la ministre, que les moyens qui sont alloués permettront de répondre aux problèmes que je viens d’évoquer ? Pour ma part, je suis persuadé que ce ne sera pas possible. La situation que connaît Mayotte appelle des solutions, lesquelles passent nécessairement par des moyens budgétaires considérables.
Pour toutes ces raisons et pour celles qui ont déjà été évoquées par mes collègues ultramarins, je me prononcerai contre les crédits de la mission « Outre-mer ».