Le Gouvernement propose une baisse drastique des crédits des maisons de l’emploi, que les parlementaires tentent ensuite de minorer.
Souvenez-vous : le projet de loi de finances pour 2011 prévoyait, dans sa version initiale, une diminution des crédits de 47 % par rapport à 2010. La mobilisation des parlementaires avait finalement permis de limiter la baisse à 21, 45 %, ce qui n’est tout de même pas mince.
Pour 2012, c’est une nouvelle baisse de 34 % qui est proposée. Après le passage à l’Assemblée nationale, qui a adopté un amendement tendant à augmenter de 15 millions d’euros la dotation pour les maisons de l’emploi, la diminution des crédits reste néanmoins proche de 20 % par rapport aux crédits adoptés en loi de finances pour 2011.
Monsieur le ministre, vous affirmez ne pas être de ceux qui prônent la suppression des maisons de l’emploi au motif qu’elles feraient concurrence à Pôle emploi. C’est ce que vous m’aviez répondu l’an passé. Je partage votre avis lorsque vous déclarez : « Ces deux structures ont des vocations différentes, mais l’ambition qui les sous-tend est identique : faire reculer le chômage. »
En effet, les maisons de l’emploi sont des outils de proximité, réactifs et adaptables, qui permettent aux collectivités locales de construire avec l’ensemble des partenaires locaux des plans d’actions ciblés répondant aux forces et aux faiblesses de leurs territoires.
C’est exactement dans cet esprit que la maison de l’emploi et de la formation du Cotentin œuvre depuis plus de vingt ans. À la fin de l’année 2010, elle a d’ailleurs signé une convention avec l’État, afin de mettre en place un plan d’action territorial en faveur de l’emploi et de la formation pour la période 2011-2014. Cette convention prévoit normalement un financement de l’État à hauteur de 682 167 euros par an. Pour 2011, la baisse de son budget a pu être limitée à 7 % ; pour 2012, elle pourrait être de 10 %. Ces deux fortes baisses en deux ans pourraient l’obliger à réduire considérablement les actions prévues. Dans la conjoncture actuelle, cela me semble difficilement concevable. Et je finis par me demander quel est l’intérêt de contractualiser avec l’État !
En fait, après avoir encouragé la création et le développement des maisons de l’emploi – c’est, je le rappelle, l’œuvre de M. Borloo –, aujourd’hui, vous les étranglez ! Je ne comprends pas la logique d’une telle politique.
Et, sur les contrats aidés, ce projet de budget ne manque pas non plus d’incohérences !
D’abord, il faut que vous nous expliquiez comment vous comptez financer le même nombre de contrats que l’an dernier, c'est-à-dire 340 000 dans le secteur non marchand et 50 000 dans le secteur marchand, avec un budget en baisse de 135 millions d’euros !
À mon sens, la réponse est simple : ce sont les collectivités locales qui payeront ! Ainsi, la prise en charge mensuelle des conseils généraux passera de 83, 65 euros par contrat en 2011 à 109, 14 euros par contrat en 2012 ; celle de l’État diminuera donc d’autant.
Faisons un calcul simple. La prise en charge par les conseils généraux passe donc de 83, 65 euros à 109, 14 euros par mois, soit une augmentation annuelle de 305, 88 euros. Multiplions ce chiffre par le nombre de contrats aidés dans le secteur non marchand, c'est-à-dire 340 000. Au total, ce sont ainsi plus de 103 millions d’euros supplémentaires à la charge des départements !
Par ailleurs, on peut s’interroger sur la sincérité des chiffres proposés.
En 2011, dès le mois de février, soit à peine deux mois après le vote du budget, le Président de la République a annoncé la création de 50 000 contrats supplémentaires et la dotation prévue pour les contrats uniques d’insertion et les contrats d’accompagnement dans l’emploi, les CUI-CAE, a été majorée à hauteur de 145 millions d’euros par la première loi de finances rectificative pour 2011, celle du 29 juillet 2011.
Pour 2012, et compte tenu des perspectives peu encourageantes pour le marché du travail, il n’est pas insensé de penser que l’enveloppe proposée ne suffira pas à faire face à l’ampleur des besoins. Mais probablement ne voyez-vous pas les choses à très long terme ! J’en veux pour preuve que, contrairement aux années précédentes, la présentation des entrées prévisionnelles en contrat d’insertion n’est plus répartie sur les deux semestres. De là à penser que la durée des contrats sera réduite au premier semestre… Pas besoin d’être grand clerc pour comprendre pourquoi !
Il y aurait beaucoup d’autres choses à dire sur ce budget, qui finalise les désengagements du Gouvernement et qui n’est clairement pas à la hauteur des enjeux. Mes collègues qui interviendront après moi ne manqueront pas d’en parler.
Le problème tient au fait que votre politique de l’emploi se résume en fait à des exonérations et des allégements de cotisations sociales patronales ayant pour double objectif de diminuer pour l’employeur le coût du travail peu qualifié, ce qui est supposé faciliter l’embauche – on a bien vu le résultat ! –, et de basculer le financement de la protection sociale des employeurs sur la fiscalité et les ménages, via l’épargne retraite, l’assurance privée et les mesures d’économies faits sur les retraites ou l’assurance maladie.
En cela, votre politique est parfaitement alignée sur les recommandations du MEDEF et de l’Association française des entreprises privées, l’AFEP.
Au final, on peut considérer que ce budget n’hypothèque pas totalement l’avenir, puisqu’il ne contient que des mesures de court terme et que toute mesure susceptible d’être prolongée est transférée sur des opérateurs du service public de l’emploi assistés d’opérateurs privés, comme Pôle emploi, l’AFPA, ou le FPSPP. Mais telle n’est pas notre conception d’une politique de l’emploi ambitieuse et volontariste !
C’est pourquoi nous rejetterons en bloc les crédits de la mission « Travail et emploi ».