a tout d'abord rappelé que l'Assemblée nationale avait voté les 21 et 22 février derniers ce texte très attendu, puisqu'aucune réforme d'ensemble n'était intervenue depuis la rédaction du code civil en 1804, ce qui avait entraîné de graves conséquences, les familles se trouvant confrontées à des successions interminables et conflictuelles et le droit des libéralités paraissant désormais inadapté aux évolutions de la société.
Le rapporteur a indiqué que cette réforme portait sur près de 250 articles du code civil et suivait un premier projet de loi, déposé en 1988 par M. Pierre Arpaillange, puis un deuxième, déposé en 1991 par M. Michel Sapin, et enfin un troisième, déposé en 1995 par M. Pierre Méhaignerie.
Il a souligné que, seule, la loi du 3 décembre 2001, limitée aux droits du conjoint survivant et à la suppression des discriminations successorales touchant les enfants adultérins, avait pu être menée à son terme, mais que la tentative opérée par le rapporteur du Sénat, M. Nicolas About, d'y insérer les principaux éléments de la réforme de l'ensemble du droit successoral, avait été contrecarrée par l'Assemblée nationale. Il a rappelé que MM. Jean-Jacques Hyest et Nicolas About avaient alors déposé une proposition de loi reprenant cette proposition, qui n'avait cependant pas été inscrite à l'ordre du jour du Sénat.
Le rapporteur a particulièrement dénoncé le régime de prise des décisions dans l'indivision, qui requiert l'unanimité des co-indivisaires et entraîne donc des blocages fréquents et des dépréciations des biens successoraux, ainsi que l'obsolescence du régime de l'acceptation sous bénéfice d'inventaire. Il a en outre considéré que l'allongement de la durée de la vie impliquait de revoir les règles des libéralités.
a ensuite présenté les principaux axes du projet de loi.
Il a tout d'abord indiqué que le texte avait pour objet d'accélérer et de simplifier le règlement des successions, et que la recherche des héritiers serait simplifiée par la mention en marge de l'acte de naissance des enfants déclarés ou reconnus, ainsi que par la sanction de la dissimulation d'un héritier. Il a ajouté qu'afin d'accélérer la prise de position de l'héritier, l'action interrogatoire serait étendue et le délai de prescription réduit de trente à dix ans, l'option étant susceptible d'être annulée pour vice de consentement.
S'agissant de l'acceptation pure et simple, le rapporteur a précisé que l'héritier pourrait demander la décharge d'une dette qu'il avait de justes raisons d'ignorer et qui obérerait gravement son patrimoine.
Le rapporteur a en outre souligné que la procédure d'acceptation sous bénéfice d'inventaire serait profondément remaniée afin de la rendre plus attractive, et serait renommée « acceptation à concurrence de l'actif net ». Il a précisé que les créanciers, mieux informés, auraient deux ans pour se faire connaître, et qu'un inventaire estimatif permettrait d'augmenter le rôle reconnu à l'héritier, qui pourrait conserver un bien en versant le prix fixé par l'inventaire ou le vendre lui-même, les créanciers ayant trois mois pour en contester la valeur. Il a ajouté que les créanciers chirographaires seraient payés au prix de la course.
a ensuite indiqué que le projet de loi visait à améliorer la gestion du patrimoine successoral.
Ainsi, l'héritier serait protégé contre le risque d'acceptation tacite par une meilleure détermination des actes conservatoires et la possibilité de demander au juge l'autorisation d'accomplir certains actes.
Il a par ailleurs souligné que le recours au mandat serait favorisé. Ainsi, un mandat à effet posthume serait créé, le futur défunt pouvant désigner de son vivant une personne chargée d'administrer tout ou partie de sa succession sous réserve d'un intérêt légitime et sérieux. Le rapporteur a précisé que ce mandat pourrait être au maximum de deux ans, avec une possibilité de prorogation, mais que certains mandats pourraient être conclus pour une durée indéterminée dans certains cas (dans l'hypothèse d'une incapacité de l'héritier ou de la nature professionnelle du patrimoine à gérer notamment). Le rapporteur a indiqué que les avis étaient très partagés sur ce point, les professionnels s'étant félicités de ce dispositif, tandis que certains professeurs de droit s'inquiétaient qu'une personne puisse « gérer la succession depuis son cercueil ». Il a en outre ajouté qu'un mandataire successoral pourrait être désigné par le juge en cas de mésentente, notamment entre les héritiers.
a ensuite indiqué que les actes d'administration de l'indivision ainsi que la conclusion et le renouvellement des baux d'habitation pourraient être effectués à la majorité qualifiée des deux tiers, et non plus à l'unanimité.
Il a ajouté que le projet de loi visait également à accélérer les procédures de partage, notamment en privilégiant le partage amiable en permettant de représenter un héritier taisant, mais aussi de simplifier le partage judiciaire grâce à la représentation à la demande du notaire d'un héritier inerte.
a ensuite exposé les dispositions du projet de loi consacrées à la réforme des libéralités, en observant qu'elles avaient pour objet d'étendre le pouvoir de disposer de ses biens et de ses droits.
Il a relevé en premier lieu que divers aménagements étaient apportés à la réserve héréditaire : suppression de la prise en compte de l'enfant ayant renoncé à la succession et n'étant pas représenté dans le calcul de la réserve et de la quotité disponible ; possibilité, pour les descendants et les collatéraux privilégiés de l'héritier renonçant, de le représenter dans la succession à laquelle il a renoncé ; possibilité, pour le donateur, de prévoir dans l'acte de donation une clause obligeant le donataire qui viendrait à renoncer à la succession à verser une indemnité de rapport afin de conserver intacte la quotité disponible ; suppression, à l'initiative de l'Assemblée nationale, de la réserve des ascendants et institution à leur profit d'un droit de retour, en nature ou à défaut en valeur, sur les biens donnés en avancement de part successorale à leur enfant prédécédé.
Il a indiqué, en deuxième lieu, que le projet de loi tendait à assurer une plus grande sécurité juridique aux libéralités et un meilleur respect des volontés de leur auteur, en posant le principe de la réduction en valeur des libéralités excessives, en réduisant le délai de prescription de l'action en réduction et en introduisant une nouvelle possibilité de déroger à l'interdiction des pactes sur succession future. A cet égard, il a souligné qu'une personne pourrait désormais renoncer par anticipation à exercer l'action en réduction contre des libéralités portant atteinte à sa réserve, l'Assemblée nationale ayant précisé, pour protéger le renonçant, que cette renonciation interviendrait hors la présence du futur de cujus et avec le seul notaire.
a présenté, en troisième lieu, les assouplissements apportés au régime des libéralités résiduelles et graduelles.
Après avoir défini la libéralité résiduelle comme la disposition par laquelle le disposant consent à un premier gratifié un don ou un legs, tout en prévoyant qu'un second gratifié recueillera ce qui subsistera de ce don ou legs au décès du premier gratifié, il a indiqué que le projet de loi consacrait la validité des legs résiduels, qui était déjà admise par la jurisprudence, et prévoyait celle des donations résiduelles, qui était soutenue par une partie de la doctrine, mais restait incertaine jusqu'à présent.
Après avoir rappelé que la libéralité graduelle, également appelée substitution fidéicommissaire et définie comme la clause par laquelle le disposant charge la personne gratifiée de conserver toute sa vie durant les biens ou droits qu'il lui a donnés ou légués en vue de les transmettre, à son décès, à une autre personne désignée par lui, faisait actuellement l'objet d'une prohibition de principe et n'était autorisée que dans de rares hypothèses justifiées par un intérêt familial, il a indiqué que l'Assemblée nationale avait décidé de permettre désormais l'octroi d'une telle libéralité à toute personne, physique ou morale, de son choix.
a relevé, en quatrième lieu, l'extension du champ d'application des donations-partages et des testaments-partages aux héritiers présomptifs, aux petits-enfants, ainsi qu'aux entreprises exploitées en société.
Il a indiqué, que le projet de loi visait en outre à réformer le régime de la quotité disponible spéciale entre époux. Il a rappelé que la loi du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant avait prévu qu'en l'absence de testament et en présence d'un enfant issu d'un autre lit, le conjoint survivant recevrait le quart en propriété de la succession, alors qu'en l'absence d'enfants non communs, il pourrait recevoir, au choix, le quart en propriété ou la totalité en usufruit.
Le rapporteur a souligné que le projet de loi prévoyait de revenir sur le régime en vigueur qui autorise le futur de cujus à donner par testament à son conjoint l'usufruit universel ou le quart de la propriété et les trois quarts de l'usufruit, afin de faire cesser des situations de privation prolongée de jouissance des enfants en présence d'un beau-parent d'un âge similaire, alors que ces enfants doivent assurer les charges de la nue-propriété. Il a souligné que le projet de loi prévoyait de limiter cette possibilité à la moitié de l'usufruit.
a enfin indiqué que le Gouvernement avait déposé à l'Assemblée nationale des amendements tendant à réformer le pacte civil de solidarité (PACS). Il a précisé que cette réforme proposait, d'une part, d'inscrire le pacte en marge de l'acte de naissance, sans préciser l'identité du partenaire, afin d'en améliorer la publicité, et, d'autre part, d'opter pour une séparation de biens et de préciser que les partenaires s'obligent à une communauté de vie et à un devoir d'assistance. Il a en outre précisé que le partenaire survivant pourrait désormais bénéficier de l'attribution préférentielle de droit au logement, à condition de récompenser la succession et que le défunt l'ait prévu par testament, ainsi que d'un droit de jouissance gratuite d'un an du logement.
Au cours d'une seconde réunion tenue l'après-midi, le rapporteur a présenté ses propositions de modifications.
Il a indiqué qu'il proposait de préciser les actes pouvant être accomplis sans risque d'acceptation tacite, ainsi que de sécuriser les ventes effectuées par l'héritier acceptant à concurrence de l'actif net en prévoyant que les ventes réalisées aux enchères publiques ne pourraient faire l'objet de contestation de la part des créanciers.
S'agissant du mandat à effet posthume, il a déclaré que sa rémunération constituait une charge de la succession et pourrait être mixte (capital et fruits et revenus), à condition de ne pas porter atteinte à la réserve des héritiers. Il a en outre indiqué vouloir substituer à la possibilité de conclure un mandat à durée indéterminée la faculté de conclure des mandats pour une durée déterminée de cinq ans prorogeable.
S'agissant des dispositions relatives aux droits des libéralités, le rapporteur a marqué sa volonté :
- d'imposer la présence de deux notaires, dont l'un désigné par le président de la chambre des notaires, lors de la conclusion d'un acte de renonciation anticipée à exercer l'action en réduction ;
- de prévoir qu'une donation graduelle peut être acceptée par le second gratifié après le décès du donateur, afin de permettre à un grand-père de consentir, par exemple, la donation d'un bien immobilier à son fils, à charge pour lui de le conserver et de le transmettre à l'ensemble de ses enfants nés et à naître ;
- de supprimer la réforme de la quotité disponible spéciale entre époux en vertu du respect de la liberté de tester, afin de maintenir la possibilité pour le futur défunt de donner à son conjoint la totalité de l'usufruit, et non seulement la moitié, comme le prévoit le projet de loi.
a ensuite proposé :
- de confirmer l'efficacité de la clause de reprise des apports de biens propres en cas de divorce contenue dans un contrat de mariage ou un acte modificatif de régime matrimonial ;
- de permettre aux enfants d'un premier lit de n'exercer l'action en retranchement qu'au décès de leur beau-parent ;
- de déjudiciariser le changement matrimonial.