Intervention de Jean Faure

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 29 octobre 2008 : 1ère réunion
Gendarmerie nationale — Examen du rapport

Photo de Jean FaureJean Faure, rapporteur :

Lors d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Jean Faure sur le projet de loi n° 499 (2007-2008) portant dispositions relatives à la gendarmerie nationale (urgence déclarée).

a rappelé que l'élaboration d'une loi sur la gendarmerie nationale avait été annoncée par le Président de la République, dans son intervention du 29 novembre 2007 à la Grande Arche de la Défense.

Cette réforme peut être qualifiée d'historique, puisque depuis la loi du 28 germinal an VI, soit 1798, aucune loi n'avait été adoptée sur le statut et les missions de la gendarmerie.

Ce projet de loi organise le transfert du rattachement organique de la gendarmerie du ministre de la défense au ministre de l'intérieur, tout en préservant son statut militaire, conformément à la volonté exprimée par le Président de la République.

a rappelé que, avant même l'annonce de cette réforme, la commission avait constitué en son sein un groupe de travail chargé de réfléchir à l'avenir de l'organisation et des missions de la gendarmerie, composé de Mme Michèle Demessine et de MM. Hubert Haenel, Philippe Madrelle, Charles Pasqua, Yves Pozzo di Borgo et André Rouvière, et qu'il avait eu l'honneur de présider.

A l'issue de ses travaux, ce groupe de réflexion avait présenté dix-sept recommandations, adoptées à l'unanimité par la commission et reprises dans un rapport d'information publié en avril dernier.

a indiqué que, pour l'examen de ce projet de loi, il s'était largement fondé sur les recommandations de la commission et qu'il avait entendu une quinzaine de personnalités, dont les représentants du ministère de l'intérieur, de la défense et de la justice, mais aussi des anciens directeurs généraux de gendarmerie, des officiers de gendarmerie, des préfets, des magistrats et des représentants d'associations de retraités de gendarmerie, et qu'il s'était en outre inspiré du préambule du décret du 20 mai 1903, en cherchant « à bien définir la part d'action que chaque département ministériel peut exercer sur la gendarmerie, afin de sauvegarder cette arme contre les exigences qui ne pouvaient trouver leur prétexte que dans l'élasticité ou l'obscurité de quelques articles (...) ».

Le rattachement de la gendarmerie au ministre de l'intérieur constitue la principale innovation de ce projet de loi, a souligné M. Jean Faure, rapporteur, qui a souhaité se concentrer sur cet aspect dans son exposé général. Alors que, en sa qualité de « Force armée », la gendarmerie nationale est placée, depuis l'origine, sous l'autorité du ministre de la défense, le projet de loi organise le rattachement de la gendarmerie nationale au ministre de l'intérieur.

Pour autant, ce projet de loi ne constitue pas une rupture et s'inscrit dans un processus lancé en 2002, lorsque la gendarmerie a été placée pour emploi sous l'autorité du ministre de l'intérieur pour ses missions de sécurité intérieure. En outre, depuis mai 2007, les ministres de l'intérieur et de la défense définissent conjointement les moyens budgétaires consacrés à la gendarmerie et en assurent le suivi.

Ainsi, aujourd'hui la gendarmerie dépend d'ores et déjà largement du ministre de l'intérieur.

Toutefois, le système actuel est imparfait car le ministère de l'intérieur est responsable de l'emploi de la gendarmerie, mais ne dispose pas des deux leviers importants que sont le budget et la gestion des carrières, qui continuent de relever du ministre de la défense.

Le transfert de la tutelle organique et budgétaire de la gendarmerie au ministère de l'intérieur prévu par le projet de loi constitue donc l'aboutissement de ce processus.

Ce rattachement permettra de renforcer la coopération entre la police et la gendarmerie en matière de lutte contre la criminalité.

Les missions de sécurité intérieure représentent actuellement 95 % de l'activité de la gendarmerie, contre seulement 5 % pour ses missions militaires.

Il paraît donc logique que la gendarmerie soit rattachée organiquement au ministre qui constitue son autorité d'emploi pour la très grande majorité de ses missions.

Cette nouvelle configuration permettra de développer les mutualisations de moyens entre les forces de police et de gendarmerie, notamment pour certaines formations spécialisées, concernant, par exemple, les plongeurs, les équipes cynophiles ou le perfectionnement du maintien de l'ordre, ou encore pour l'achat des équipements coûteux, le soutien logistique ou les systèmes d'information et de communication. Elle permettra également de mettre à la disposition de la police les hélicoptères dont dispose la gendarmerie, ce qui évitera de créer une deuxième flotte d'hélicoptères très coûteuse.

Enfin, le rattachement de la gendarmerie à un autre ministère que celui de la défense n'est pas incompatible avec le maintien du statut militaire.

Ainsi, en Espagne, la Garde civile est placée sous l'autorité du ministre de l'intérieur et, en France, les officiers des affaires maritimes relèvent d'un autre ministère que celui de la défense, tout en conservant un statut militaire.

Le rattachement de la gendarmerie au ministre de l'intérieur n'entraîne en aucune façon la disparition du statut militaire de la gendarmerie nationale et une fusion avec la police. Le projet de loi préserve le statut militaire de la gendarmerie nationale qui, tout en étant placée sous l'autorité du ministre de l'intérieur, restera une « force armée ». Les officiers et sous-officiers de gendarmerie resteront donc des militaires, soumis au statut général des militaires, notamment en ce qui concerne l'interdiction du droit syndical. La direction générale de la gendarmerie nationale sera une structure autonome au sein du ministère de l'intérieur.

Si le texte du projet de loi place la gendarmerie sous l'autorité du ministre de l'intérieur, il préserve les attributions du ministre de la défense pour les missions militaires de la gendarmerie et celles de l'autorité judiciaire pour les missions judiciaires.

En outre, le ministre de la défense continuera d'exercer certaines compétences en matière de gestion des ressources humaines à l'égard des personnels de la gendarmerie et en matière de discipline.

L'idée de rattacher la gendarmerie nationale au ministre de l'intérieur soulève plusieurs objections.

En premier lieu, ce rattachement constituerait, selon certains, un danger pour les libertés publiques, dans la mesure où les deux forces de sécurité seront placées dans la même main. Toutefois, la gendarmerie restera une force militaire distincte de la police, ce qui garantit le maintien du dualisme policier.

En second lieu, ce rattachement risquerait de porter atteinte à l'indépendance de l'autorité judiciaire. La dualité de la police judiciaire et le principe du libre choix du service enquêteur permettent, en effet, aux magistrats de ne pas dépendre d'un seul service pour réaliser leurs enquêtes, notamment pour les affaires les plus sensibles.

Sur ce point, M. Jean Faure, rapporteur, a indiqué qu'il proposerait plusieurs amendements visant à conforter le dualisme de la police judiciaire.

Enfin, le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur comporterait le risque d'encourager les revendications des gendarmes et des policiers d'aligner leurs statuts, notamment en ce qui concerne le temps de travail, le droit de grève ou la liberté syndicale.

Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur soulève notamment la question de la dichotomie du droit d'expression au sein des deux forces, avec, d'un côté, le système syndical pour la police nationale et, de l'autre, les instances de concertation propres aux armées pour la gendarmerie nationale.

Si le fait syndical est incompatible avec le statut militaire, il semble néanmoins indispensable de rénover les mécanismes actuels de concertation au sein de la gendarmerie afin d'assurer la pérennité de son statut militaire, a estimé M. Jean Faure, rapporteur.

En tant que partie intégrante des forces armées, la gendarmerie doit continuer à relever des instances de concertation propres aux militaires et du Conseil supérieur de la fonction militaire, mais le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur nécessite de définir de nouvelles modalités de participation de ce ministère aux instances de concertation de la gendarmerie, notamment au Conseil de la fonction militaire de la gendarmerie.

Les règles relatives au fonctionnement des instances de concertation de la gendarmerie relevant pour l'essentiel du domaine réglementaire, M. Jean Faure, rapporteur, a indiqué qu'il ne proposerait pas d'amendements sur ce point, mais qu'il évoquerait cette question lors du débat en séance publique sur le projet de loi.

A la suite de l'exposé du rapporteur, un débat s'est engagé au sein de la commission.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion