Intervention de Charles Gautier

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 21 juin 2006 : 1ère réunion
Sécurité — Mesures de sûreté concernant les personnes dangereuses - examen du rapport d'information

Photo de Charles GautierCharles Gautier, co-rapporteur :

a alors présenté les principales observations recueillies au cours des déplacements effectués par la mission aux Pays-Bas et en Allemagne. Il a souligné que si les systèmes allemand et néerlandais avaient pour point commun de prévoir des structures fermées pour les personnes ayant déjà exécuté leur peine et considérées comme toujours dangereuses, ils relevaient cependant de logiques différentes. Ainsi, la mesure de détention sûreté en Allemagne visait à neutraliser toutes les personnes supposées comme très dangereuses, tandis que le dispositif néerlandais ne concernait que les personnes dangereuses atteintes de troubles mentaux en essayant de concilier l'objectif de sécurité pour la société et la prise en charge sanitaire des personnes.

Evoquant la situation des Pays-Bas, M. Charles Gautier, co-rapporteur, a d'abord relevé la forte progression de la population pénale liée pour une part à l'augmentation des infractions à la législation sur les stupéfiants et aux actes de violence. Il a indiqué que 10 % de détenus souffriraient de troubles mentaux. Il a précisé que le droit pénal néerlandais définissait, pour les personnes atteintes de troubles mentaux, un régime de responsabilité comparable à celui de l'article 122-1 du code pénal français. Ainsi, les personnes reconnues irresponsables pouvaient être placées dans des établissements psychiatriques ou dans des établissements dits « TBS » (structures fermées relevant de l'administration pénitentiaire), tandis que les condamnés étaient pris en charge par l'administration pénitentiaire dans des structures différenciées selon la gravité des troubles mentaux dont ils étaient atteints (y compris des établissements « TBS »).

a observé que les personnes soupçonnées d'infractions graves faisaient l'objet d'une expertise au sein du centre Pieter Baan dépendant du ministère de la justice afin d'évaluer la dangerosité de la personne et le risque possible de récidive. L'évaluation se fondait sur l'observation quotidienne des intéressés par des animateurs, le centre pouvant accueillir 32 détenus répartis en quatre unités. Un rapport final portant sur l'état mental de la personne placée dans le centre devait permettre de déterminer la responsabilité pénale de l'intéressé ainsi que sa dangerosité. Cette expertise représentait un coût élevé de l'ordre de 850 euros par jour, contre 150 euros pour le coût d'une journée en détention classique. A l'issue de l'observation au sein du centre Pieter Baan, la moitié des personnes étaient orientées vers un établissement TBS.

a noté que les personnes atteintes de troubles mentaux capables de s'adapter à une vie collective pouvaient être affectées dans des services de soins spéciaux (BZA) implantés au sein d'un établissement pénitentiaire. Les détenus pouvaient y être placés pendant tout le temps de la détention. En cas de crise (comportement dangereux pour un surveillant, pour un co-détenu ou pour soi-même), le condamné était adressé à une structure spécifique, le FOBA, permettant une prise en charge individuelle pour une durée déterminée, par des équipes pluridisciplinaires.

a indiqué que les personnes condamnées pouvaient faire l'objet, après l'exécution de la peine ou dans le cadre d'une condamnation avec sursis, d'un placement sous TBS, mesure de sûreté destinée à retenir dans des établissements de soins sécurisés dépendant de l'administration pénitentiaire des personnes atteintes de troubles mentaux. Il a détaillé trois types de TBS :

- le TBS illimité, initialement fixé à deux ans mais dont la durée pouvait être prorogée tous les deux ans sans limite particulière ;

- le TBS limité à quatre ans ;

- le TBS sous condition pour des infractions mineures qui s'apparentait au système français de sursis avec mise à l'épreuve avec obligation de soins et pouvait être effectué en milieu ouvert.

Le placement ainsi que son renouvellement, a poursuivi M. Charles Gautier, co-rapporteur, doivent être autorisés par le juge à la demande, motivée, du procureur et après expertise, cette décision judiciaire pouvant toujours faire l'objet d'un recours en appel. Il existe actuellement 12 établissements TBS accueillant 1.400 personnes. Selon les informations communiquées par le ministère de la justice néerlandais, le placement sous TBS qui s'accompagne d'une attention particulière pour préparer la sortie de l'intéressé présente un bilan positif en matière de lutte contre la récidive. Il a noté toutefois que les capacités de ses structures n'étaient pas suffisantes et présentaient un coût élevé de l'ordre de 500 euros par jour.

Evoquant alors le système allemand et plus particulièrement la mesure de détention sûreté instituée en 1933 et maintenue depuis lors, M. Charles Gautier, co-rapporteur, a observé que ce dispositif destiné à maintenir une personne en détention après l'exécution de la peine pouvait notamment se justifier par le fait que les peines encourues en Allemagne étaient moins longues qu'en France. Il a indiqué que la détention-sûreté pouvait être décidée au moment de la condamnation dès lors qu'étaient réunies les conditions tenant à la nature de l'infraction commise, au passé pénal de l'intéressé ainsi qu'à sa dangerosité. Cette mesure pouvait être également décidée après la condamnation soit parce que la juridiction s'était réservée cette possibilité dans sa décision initiale, soit parce qu'une dangerosité extrême avait pu être démontrée en cours de détention. La décision juridictionnelle pouvait faire l'objet d'un appel et, le cas échéant, d'un recours en cassation. Elle était en principe précédée d'une expertise dont les conditions s'étaient améliorées dans la période récente dans la mesure où l'élaboration de critères d'appréciation homogènes avait été favorisée. La durée de la mesure n'était pas déterminée à l'avance même si le législateur avait fixé en principe un plafond de dix ans qui toutefois pouvait être dépassé dès lors que la dangerosité persistait. En tout état de cause, la mesure faisait l'objet d'un réexamen tous les deux ans. En pratique, les statistiques faisaient apparaître une durée moyenne de six ans et demi qui tendait à s'allonger dans la période récente. Près de 400 personnes avaient fait l'objet d'une mesure de détention-sûreté, soit un doublement par rapport au chiffre enregistré dix ans plus tôt.

a rappelé que la mission s'était rendue au centre de détention de Berlin Tegel où 22 personnes faisaient l'objet d'une détention-sûreté. Il a relevé que si les intéressés bénéficiaient d'un régime plus favorable du fait que la détention-sûreté constituait une mesure de sûreté et non une condamnation, ils ne disposaient pas cependant de soins psychiatriques spécifiques.

a indiqué que d'autres pays comme le Canada ou la Belgique disposaient d'un système de suivi des délinquants dangereux associant à des degrés divers des considérations liées à la sécurité et à la prise en charge sanitaire.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion