Ce texte, adopté par l'Assemblée nationale le 28 septembre 2009, a un objet bien circonscrit : lever le verrou législatif qui interdit à un établissement d'enseignement supérieur d'organiser l'élection des membres de ses conseils internes en ayant recours au vote par voie électronique, aujourd'hui assimilé au vote par correspondance, lequel est interdit par l'article L. 719-1 du code de l'éducation.
Le recours au vote électronique par Internet va pourtant croissant, plusieurs lois l'ayant autorisé, dans le cadre strictement fixé par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Ainsi de l'élection des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger, de celle des conseillers prud'hommes, à Paris, en 2008, de celle des délégués du personnel ou des délégués au comité d'entreprise.
J'ai examiné, à titre d'exemple, l'expérimentation conduite, en mars 2009, par la SNCF pour l'élection des délégués du personnel, et qui a concerné 22 000 électeurs. L'entreprise a mis en oeuvre des mesures de nature à garantir la fiabilité et la confidentialité du système informatique retenu et des résultats des élections. Assurer l'égalité d'accès des candidats aux élections fut l'un des enjeux majeurs de l'opération. Si cette expérimentation, qui sera étendue, n'a eu que peu d'impact sur la participation des personnels au vote, sachant que celle-ci était déjà très élevée, à 74 %, son bilan apparaît très positif et 75 % des électeurs ayant répondu à l'enquête de satisfaction se sont déclarés satisfaits.
Au demeurant, les réticences restent d'ordre politique, voire culturel : le vote électronique semble aux yeux de certains moins transparent qu'une urne, parce que moins visible. Mais toute nouvelle technologie ne suscite-t-elle pas quelques craintes avant d'emporter l'adhésion ? Le commerce en ligne qui fait aujourd'hui florès peinait, voici quelques années, à séduire l'internaute.
Alors que les établissements d'enseignement supérieur accueillent tout à la fois les chercheurs les plus pointus et les plus fervents adeptes des nouvelles technologies - 2,2 millions d'étudiants, dont 1,2 million au sein des universités - n'est-il pas paradoxal qu'il leur soit aujourd'hui impossible d'organiser un scrutin par voie électronique à distance ? Ceci est d'autant plus regrettable que le taux de participation aux élections universitaires est parfois très faible. S'il atteint en moyenne 75 % pour les enseignants-chercheurs, il n'est en revanche que de 15 % en moyenne pour les étudiants, dans une fourchette qui peut descendre à 6 % sans jamais dépasser 22 %.
En outre, le mode de vote actuel emporte certains obstacles matériels qui empêchent certains électeurs de participer au vote - période de stage, handicap, maladie.
Pourtant, le renforcement des missions et de l'autonomie des universités ainsi que la nouvelle gouvernance, prévus par la loi sur la liberté et les responsabilités des universités de 2007, a amplifié l'enjeu démocratique. Dans les universités, les conseils centraux sont au nombre de trois : le conseil d'administration, le conseil scientifique et le conseil des études et de la vie universitaire. Ces conseils constituent donc, avec le président, les instances de gouvernance de l'établissement, et il est essentiel que leurs membres soient pleinement représentatifs des personnels et des usagers.
Tout doit donc être mis en oeuvre pour encourager et faciliter l'exercice du droit de vote des acteurs concernés. Tel est l'objet de ce texte, qui donne aux établissements d'enseignement supérieur le choix du mode de scrutin : traditionnel ou par voie électronique sécurisée. J'y insiste : le texte n'institue aucune obligation mais ouvre une simple faculté.
Dans le premier cas, le vote par procuration sera possible ; dans le second, les opérations de vote devront être conduites dans le respect de la législation « informatique et libertés » et l'établissement devra mettre à la disposition des électeurs des ordinateurs dans des lieux dédiés aux opérations électorales.
Je vous propose d'adopter ce dispositif sans modification.
Le taux d'équipement en ordinateurs et d'accès à Internet est aujourd'hui tel que l'on ne peut parler, s'agissant des personnels universitaires, de fracture numérique. Quant à ceux qui s'inquiètent du fait que tous les étudiants ne disposent pas d'un ordinateur personnel, l'obligation pour l'établissement de mettre à disposition des ordinateurs à des fins électorales est de nature à les rassurer. Sans compter que le nombre des étudiants ne disposant pas d'un ordinateur personnel régresse rapidement, le taux d'équipement progressant d'année en année. Une récente étude du Credoc montre qu'en juin 2009, 92 % des étudiants disposaient à domicile d'un ordinateur connecté à Internet, tandis que la dernière enquête du ministère de la culture et de la communication sur les pratiques culturelles des Français fait apparaître que 75 % des étudiants utilisent l'Internet tous les jours ou presque.
Enfin, le vote par Internet devrait permettre une meilleure authentification des électeurs, les systèmes d'authentification électroniques étant beaucoup plus difficiles à falsifier qu'une pièce d'identité.
Je ne dis pas que ce mode de votation constitue l'alpha et l'oméga de la démocratie universitaire, mais je crois qu'il offre le moyen concret d'améliorer la participation électorale. Je suis également convaincu que son succès et son efficacité dépendront pourtant de plusieurs facteurs, au premier rang desquels le respect des préconisations de la CNIL. Car il faudra créer les conditions de la confiance et de la transparence.
A cet égard, je rappelle que le texte proposé fait clairement référence à la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Il conviendra, dans ce cadre, de prendre toutes les mesures techniques propres à supprimer les risques susceptibles de peser sur la sincérité du vote par Internet. S'il reste difficile aujourd'hui de garantir cette sécurité pour un vote électronique à grande échelle, notamment pour une élection politique nationale, une telle sécurisation est possible à petite ou moyenne échelle.
Les interlocuteurs que j'ai entendus se sont montrés, dans leur grande majorité, ouverts à la faculté ainsi offerte aux établissements de moderniser leurs modes de scrutin ; tel n'a pas été le cas, toutefois, des représentants de l'UNEF. Cependant, toutes ont exprimé certaines inquiétudes et les mesures adoptées devront être de nature à les rassurer. Un équilibre devra être trouvé entre des exigences de sécurité qui peuvent parfois paraître antagonistes, comme l'authentification des électeurs et le secret du vote.
Ainsi que l'a indiqué la CNIL, il est nécessaire de maintenir une « chaîne de confiance » entre l'acte de vote individuel et le dépouillement, en garantissant tout à la fois l'authenticité du votant et l'impossibilité de lier le vote émis et l'identité du votant. Pour elle, la création de cette « chaîne de confiance » peut passer par des solutions variées et complémentaires, comme l'expertise préalable des composants logiciels du système de vote couplée à des mécanismes cryptographiques spécifiques. La CNIL insiste tout particulièrement sur la nécessité d'une expertise indépendante du système de vote et de son scellement grâce à un procédé de détection de toute modification du système.
En second lieu, il faut créer un environnement incitant les intéressés à s'impliquer dans la vie de leur établissement.
Ceci passe d'abord par une bonne information des électeurs sur les enjeux des scrutins : sans une réelle volonté politique des équipes de direction des universités en vue d'améliorer l'information des électeurs, et notamment des étudiants, sur les enjeux du scrutin, il y a fort à craindre que le taux de participation n'évolue guère.
Or, toutes les parties ont à gagner à une meilleure implication de tous dans la vie de l'établissement. Rappelons qu'il s'agit aussi, pour les étudiants, de mesurer la représentativité de leurs organisations syndicales.
Je suis également convaincu, comme tous les interlocuteurs que j'ai entendus, qu'un renforcement du taux de participation aux élections universitaires passe par des mesures concrètes en vue d'accompagner et d'encourager la campagne électorale.
Enfin, le comité électoral consultatif, mis en place dans toutes les universités en application de l'article 2-1 du décret du 18 janvier 1985, doit être consulté sur l'organisation des élections, et veiller à ce que toutes les listes présentes y soient représentées.
C'est ainsi que je vous propose d'adopter ce texte tout en insistant, dans le rapport, sur les mesures d'accompagnement qui doivent assortir sa mise en oeuvre.