Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission procède à la nomination de rapporteurs :
est désigné rapporteur de sa proposition de loi n° 379 (2009-2010) relative à l'accessibilité des locaux aux élèves handicapés.
est désigné rapporteur de sa proposition de loi n° 384 (2009-2010) visant à assurer la sauvegarde du service public de la télévision.
Je me réjouis d'autant plus de ces désignations qu'elles témoignent d'une heureuse évolution : on m'a, naguère, opposé le fait que j'étais l'auteur d'une proposition de loi pour rejeter ma candidature comme rapporteur.
Des groupes de travail se sont depuis réunis qui ont souhaité laisser à l'auteur d'une proposition de loi la possibilité d'en être le rapporteur, sans que cela soit pour autant la règle : je rappelle qu'une telle désignation n'est pas de droit.
Deux candidats se sont déclarés pour représenter le Sénat au conseil d'administration de France Télévisions : M. Jean-Pierre Leleux et M. David Assouline.
Je rappelle que lorsque, dans une démarche pluraliste et démocratique, le Sénat a entrepris d'évaluer la représentation de chaque groupe dans les instances auxquelles l'institution est partie, on m'a proposé de siéger au conseil d'administration de France 2. Je n'ai jamais pu y siéger puisqu'un mois plus tard, la société était dissoute... C'est pourquoi il me paraît légitime de me porter aujourd'hui candidat, afin que l'un des deux sièges revienne à l'opposition.
Nous avons toujours estimé qu'une répartition préalable devrait être établie pour l'ensemble des structures où le Sénat est représenté, afin d'assurer le meilleur équilibre dans l'éventail politique. En l'absence d'une telle répartition globale, on n'évitera pas les injustices.
Ce poste était précédemment attribué au groupe UMP, et occupé par M. Michel Thiollière, qui l'a quitté. Notre commission s'est efforcée de se montrer exemplaire en matière de répartition des postes dans les organismes extra-parlementaires, comme de répartition des mandats de rapporteur budgétaire, où le groupe socialiste et l'UMP sont à égalité : le fait mérite d'être relevé.
Les candidatures étant mises aux voix, M. Jean-Pierre Leleux est désigné candidat de la commission pour représenter le Sénat au conseil d'administration de France Télévision, en remplacement de M. Michel Thiollière.
La commission examine le rapport de M. Jean-Léonce Dupont sur la proposition de loi n° 633 (2008-2009), adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à permettre le recours au vote par voie électronique lors des élections des membres de conseils des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel.
Ce texte, adopté par l'Assemblée nationale le 28 septembre 2009, a un objet bien circonscrit : lever le verrou législatif qui interdit à un établissement d'enseignement supérieur d'organiser l'élection des membres de ses conseils internes en ayant recours au vote par voie électronique, aujourd'hui assimilé au vote par correspondance, lequel est interdit par l'article L. 719-1 du code de l'éducation.
Le recours au vote électronique par Internet va pourtant croissant, plusieurs lois l'ayant autorisé, dans le cadre strictement fixé par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Ainsi de l'élection des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger, de celle des conseillers prud'hommes, à Paris, en 2008, de celle des délégués du personnel ou des délégués au comité d'entreprise.
J'ai examiné, à titre d'exemple, l'expérimentation conduite, en mars 2009, par la SNCF pour l'élection des délégués du personnel, et qui a concerné 22 000 électeurs. L'entreprise a mis en oeuvre des mesures de nature à garantir la fiabilité et la confidentialité du système informatique retenu et des résultats des élections. Assurer l'égalité d'accès des candidats aux élections fut l'un des enjeux majeurs de l'opération. Si cette expérimentation, qui sera étendue, n'a eu que peu d'impact sur la participation des personnels au vote, sachant que celle-ci était déjà très élevée, à 74 %, son bilan apparaît très positif et 75 % des électeurs ayant répondu à l'enquête de satisfaction se sont déclarés satisfaits.
Au demeurant, les réticences restent d'ordre politique, voire culturel : le vote électronique semble aux yeux de certains moins transparent qu'une urne, parce que moins visible. Mais toute nouvelle technologie ne suscite-t-elle pas quelques craintes avant d'emporter l'adhésion ? Le commerce en ligne qui fait aujourd'hui florès peinait, voici quelques années, à séduire l'internaute.
Alors que les établissements d'enseignement supérieur accueillent tout à la fois les chercheurs les plus pointus et les plus fervents adeptes des nouvelles technologies - 2,2 millions d'étudiants, dont 1,2 million au sein des universités - n'est-il pas paradoxal qu'il leur soit aujourd'hui impossible d'organiser un scrutin par voie électronique à distance ? Ceci est d'autant plus regrettable que le taux de participation aux élections universitaires est parfois très faible. S'il atteint en moyenne 75 % pour les enseignants-chercheurs, il n'est en revanche que de 15 % en moyenne pour les étudiants, dans une fourchette qui peut descendre à 6 % sans jamais dépasser 22 %.
En outre, le mode de vote actuel emporte certains obstacles matériels qui empêchent certains électeurs de participer au vote - période de stage, handicap, maladie.
Pourtant, le renforcement des missions et de l'autonomie des universités ainsi que la nouvelle gouvernance, prévus par la loi sur la liberté et les responsabilités des universités de 2007, a amplifié l'enjeu démocratique. Dans les universités, les conseils centraux sont au nombre de trois : le conseil d'administration, le conseil scientifique et le conseil des études et de la vie universitaire. Ces conseils constituent donc, avec le président, les instances de gouvernance de l'établissement, et il est essentiel que leurs membres soient pleinement représentatifs des personnels et des usagers.
Tout doit donc être mis en oeuvre pour encourager et faciliter l'exercice du droit de vote des acteurs concernés. Tel est l'objet de ce texte, qui donne aux établissements d'enseignement supérieur le choix du mode de scrutin : traditionnel ou par voie électronique sécurisée. J'y insiste : le texte n'institue aucune obligation mais ouvre une simple faculté.
Dans le premier cas, le vote par procuration sera possible ; dans le second, les opérations de vote devront être conduites dans le respect de la législation « informatique et libertés » et l'établissement devra mettre à la disposition des électeurs des ordinateurs dans des lieux dédiés aux opérations électorales.
Je vous propose d'adopter ce dispositif sans modification.
Le taux d'équipement en ordinateurs et d'accès à Internet est aujourd'hui tel que l'on ne peut parler, s'agissant des personnels universitaires, de fracture numérique. Quant à ceux qui s'inquiètent du fait que tous les étudiants ne disposent pas d'un ordinateur personnel, l'obligation pour l'établissement de mettre à disposition des ordinateurs à des fins électorales est de nature à les rassurer. Sans compter que le nombre des étudiants ne disposant pas d'un ordinateur personnel régresse rapidement, le taux d'équipement progressant d'année en année. Une récente étude du Credoc montre qu'en juin 2009, 92 % des étudiants disposaient à domicile d'un ordinateur connecté à Internet, tandis que la dernière enquête du ministère de la culture et de la communication sur les pratiques culturelles des Français fait apparaître que 75 % des étudiants utilisent l'Internet tous les jours ou presque.
Enfin, le vote par Internet devrait permettre une meilleure authentification des électeurs, les systèmes d'authentification électroniques étant beaucoup plus difficiles à falsifier qu'une pièce d'identité.
Je ne dis pas que ce mode de votation constitue l'alpha et l'oméga de la démocratie universitaire, mais je crois qu'il offre le moyen concret d'améliorer la participation électorale. Je suis également convaincu que son succès et son efficacité dépendront pourtant de plusieurs facteurs, au premier rang desquels le respect des préconisations de la CNIL. Car il faudra créer les conditions de la confiance et de la transparence.
A cet égard, je rappelle que le texte proposé fait clairement référence à la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Il conviendra, dans ce cadre, de prendre toutes les mesures techniques propres à supprimer les risques susceptibles de peser sur la sincérité du vote par Internet. S'il reste difficile aujourd'hui de garantir cette sécurité pour un vote électronique à grande échelle, notamment pour une élection politique nationale, une telle sécurisation est possible à petite ou moyenne échelle.
Les interlocuteurs que j'ai entendus se sont montrés, dans leur grande majorité, ouverts à la faculté ainsi offerte aux établissements de moderniser leurs modes de scrutin ; tel n'a pas été le cas, toutefois, des représentants de l'UNEF. Cependant, toutes ont exprimé certaines inquiétudes et les mesures adoptées devront être de nature à les rassurer. Un équilibre devra être trouvé entre des exigences de sécurité qui peuvent parfois paraître antagonistes, comme l'authentification des électeurs et le secret du vote.
Ainsi que l'a indiqué la CNIL, il est nécessaire de maintenir une « chaîne de confiance » entre l'acte de vote individuel et le dépouillement, en garantissant tout à la fois l'authenticité du votant et l'impossibilité de lier le vote émis et l'identité du votant. Pour elle, la création de cette « chaîne de confiance » peut passer par des solutions variées et complémentaires, comme l'expertise préalable des composants logiciels du système de vote couplée à des mécanismes cryptographiques spécifiques. La CNIL insiste tout particulièrement sur la nécessité d'une expertise indépendante du système de vote et de son scellement grâce à un procédé de détection de toute modification du système.
En second lieu, il faut créer un environnement incitant les intéressés à s'impliquer dans la vie de leur établissement.
Ceci passe d'abord par une bonne information des électeurs sur les enjeux des scrutins : sans une réelle volonté politique des équipes de direction des universités en vue d'améliorer l'information des électeurs, et notamment des étudiants, sur les enjeux du scrutin, il y a fort à craindre que le taux de participation n'évolue guère.
Or, toutes les parties ont à gagner à une meilleure implication de tous dans la vie de l'établissement. Rappelons qu'il s'agit aussi, pour les étudiants, de mesurer la représentativité de leurs organisations syndicales.
Je suis également convaincu, comme tous les interlocuteurs que j'ai entendus, qu'un renforcement du taux de participation aux élections universitaires passe par des mesures concrètes en vue d'accompagner et d'encourager la campagne électorale.
Enfin, le comité électoral consultatif, mis en place dans toutes les universités en application de l'article 2-1 du décret du 18 janvier 1985, doit être consulté sur l'organisation des élections, et veiller à ce que toutes les listes présentes y soient représentées.
C'est ainsi que je vous propose d'adopter ce texte tout en insistant, dans le rapport, sur les mesures d'accompagnement qui doivent assortir sa mise en oeuvre.
Nous avons les plus extrêmes réserves sur les textes de ce type, qui fixent une réponse technique à des problèmes politiques de fond, en l'occurrence celui de la faible participation des étudiants aux scrutins visant à désigner leurs représentants aux conseils d'université. Ce texte nous paraît d'autant plus dangereux qu'il laisse subsister deux façons de voter : comment assurer l'égalité d'accès au scrutin si le mode de votation est différent d'une université à l'autre ?
Le problème de la participation se pose non seulement pour les élections à caractère social, mais aussi pour les élections politiques. Nous sommes face à un phénomène de « panne civique », auquel nous avons été confrontés aux élections européennes comme aux élections régionales. Les causes de cette désaffection sont si multiples que je me garderai bien de les interpréter, mais il est certain qu'elles ne sauraient appeler une simple réponse technique.
C'est sur la citoyenneté, sur la démocratie que devrait porter l'effort. Car le phénomène est général, il se pose aussi bien aux élections de délégués de parents d'élèves qu'aux élections prud'homales. Au reste, dans les quelques exemples qu'a cités le rapporteur, il apparaît que la participation a reculé avec le vote électronique. Aux élections prud'homales de Paris, elle n'a été que de 18 %, contre quelque 20 % auparavant et 25 % au niveau national.
Quant à la fiabilité de ce mode de votation, elle reste plus que douteuse : la sincérité du scrutin n'est nullement garantie.
Vous faites, avec ce texte, l'économie des mesures nécessaires, au premier rang desquelles l'organisation de campagnes d'inscription sur les listes, indispensable dès lors que celle-ci n'est pas automatique. Il faut aussi permettre à toutes les associations d'étudiants de mener campagne sur tous les sites de l'université. De même, les professions de foi devraient être envoyées à domicile.
L'équipement des étudiants progresse, dites-vous ? Mais l'ordinateur dont peut disposer un étudiant n'est pas toujours personnel, il est bien souvent familial. Quant aux universités, elles sont encore nombreuses à ne mettre à disposition de leurs étudiants aucun local équipé.
Pour toutes ces raisons, nous restons réservés sur ce texte, contre lequel nous voterons.
La participation des étudiants est structurellement faible, elle tourne autour de 15 %, contrairement à celle des autres collèges - enseignants et personnels - qui varie de 60 à 80 %. Il faut en comprendre la cause objective : des gens dont la vie professionnelle est à l'université sont intéressés à voter, tandis que la masse des étudiants - dont 50 % abandonnent avant la fin du premier cycle - n'envisage pas du tout son avenir à l'université. Je ne me suis jamais senti aussi seul que lorsque j'étais à Jussieu, avec 75 000 autres étudiants, dans des tours bourrées d'amiante. Aux États-Unis, il y a une vie étudiante parce qu'il y a, au sein des campus, des logements, une vie culturelle, de l'herbe et pas seulement du béton. Le vote électronique ne changera pas grand chose au manque d'implication des étudiants dans la vie de leurs campus et il ne fera qu'encourager « la culture du clic ».
Lorsque j'étais adjoint au maire chargé des universités à Paris - 300 000 étudiants - j'avais passé un accord avec un journal gratuit et avec le CROUS pour sensibiliser les étudiants aux élections. Avez-vous vu la moindre campagne de ce genre menée par Mme Pécresse et le gouvernement actuel ?
Et j'aurais aimé que l'on chiffre le coût de cette proposition ! Là, on ne sait rien. Les petites universités n'auront pas les moyens d'organiser ce vote électronique !
Autre objection : la sécurisation. Si vous voulez garantir la sécurité du vote, alors il faut intégrer dans le texte les préconisations actées par la CNIL dans sa recommandation de 2003. Et elles sont très contraignantes ! Il faut garantir une expertise indépendante du système de vote, séparer le vote des données personnelles, établir un chiffrement des votes, un scellement du dispositif de vote, etc. Or, l'article premier ne contient aucune précision à ce sujet. Si on était capable de garantir tout cela à grande échelle, il y a longtemps que le vote électronique serait possible pour tous les citoyens. Si on ne le généralise pas, c'est bien parce que sa sécurisation est difficile.
Il y a, depuis longtemps, des organisations, très diverses, qui tentent d'impliquer les étudiants dans la vie universitaire. Mais, au moment des élections, on voit surgir des « corpos » ou des farfelus qui se présentent, obtiennent peu de voix mais tout de même des délégués. C'est une catastrophe pour l'implication des étudiants ! Le vote électronique risque d'encourager ce genre de candidature et on aura de mauvaises surprises quant à la qualité des étudiants élus dans les conseils d'administration....
Je prends rendez-vous mais je suis convaincu que la participation n'augmentera pas sensiblement et qu'en revanche, on aura de mauvaises surprises pour la vie démocratique des universités. Mon groupe votera fermement contre cette proposition de loi.
Je n'ai pas d'avis aussi tranché sur le vote électronique qui, pour les Français de l'étranger, sera peut-être une solution d'avenir. Ce vote a été expérimenté pour les élections à l'Assemblée des Français de l'étranger en 2003 aux États-Unis, en 2006 en Europe et en Asie, et en 2009 en Afrique et aux Etats-Unis mais les impératifs de sécurisation sont tels que de nombreux électeurs sont découragés de voter et que le taux de participation n'a pas augmenté. Peut-être faut-il, en premier lieu, motiver les étudiants. Mais, le vote électronique, à lui seul, ne permettra pas d'augmenter leur participation.
Monsieur Renar, la coexistence de deux procédures de vote différentes est voulue. Nous présentons le vote électronique comme une possibilité, une expérimentation qui pourra éventuellement être généralisée si elle s'avère positive.
On ne peut invoquer un risque de fracture numérique s'agissant d'un public d'étudiants qui, à 92 %, ont chez eux un accès à internet. D'autant plus qu'il y aura également, sur les sites universitaires, la possibilité de voter électroniquement.
En matière de sécurité, il ressort des auditions que j'ai menées qu'il y a une grande différence entre les élections nationales et celles qui, comme les élections universitaires, ne concernent que 25 000 à 30 000 personnes.
Donc vous seriez favorable au vote électronique pour les élections municipales des villes de moins de 30 000 habitants ?
L'exemple des élections prud'homales n'est pas probant parce que d'autres éléments étaient intervenus, et notamment des délais de mise en place très courts. D'un autre côté, à la SNCF, l'augmentation, de 73 à 75 %, n'a pas non plus été significative, compte tenu du niveau déjà très élevé de ce taux.
Le vote électronique n'est pas l'alpha et l'oméga de la participation, c'est seulement une méthode, une technique à expérimenter. Parallèlement il convient de prendre d'autres mesures encourageant la participation. C'est finalement une proposition très modeste qui consiste à tester une possibilité. Si cela ne fonctionne pas, je suis bien sûr que les décideurs universitaires auront la sagesse d'abandonner cette méthode. Ce n'est pas impératif, ce n'est qu'une possibilité qu'on leur offre et j'ai envie qu'on l'essaye.
Vous parlez d'autres mesures complétant ce recours au vote électronique. Nous déposerons donc des amendements instaurant ces mesures d'accompagnement. Pouvons-nous donc considérer que vous êtes disposé à les étudier ?
Je suis ouvert à toute mesure favorisant la participation citoyenne, mais cela ne relève pas du législatif...
Attendons donc de voir les amendements qui seront proposés.
Je vais donc mettre aux voix l'approbation du rapport et, la commission ne proposant aucun amendement, la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale.
La proposition de loi est adoptée sans modification.