Depuis 2002, la loi n’est plus le mode normal de législation : elle est de plus en plus remplacée par des ordonnances.
Michel Charasse a dit qu’il en était ainsi depuis l’origine de la Ve République, mais je ne partage pas totalement ce point de vue. En effet, depuis 2002, nous assistons à une inflation, sans commune mesure, en matière de recours aux ordonnances. La moitié des ordonnances prises depuis 1958 l’a été par les gouvernements qui se sont succédé depuis 2002. Aujourd’hui, la proportion des ordonnances intervenant dans le domaine de la loi correspond à plus de la moitié des textes. En 2004, la proportion s’élevait à 56, 5 % ; en 2005, elle atteignait 63, 3 %.
Je suis étonné que la révision constitutionnelle que nous examinons actuellement ne traite pas de ce sujet.
Le dessaisissement du Parlement, qui est un vrai problème, s’accroît, en raison de la diversification de l’objet des ordonnances.
Depuis les lois de simplification du droit de 2003 et 2004, la possibilité donnée au Gouvernement de légiférer par ordonnances en matière de simplification de la législation lui permet de procéder à des modifications de toutes les lois faisant l’objet d’une habilitation très large.
Le dessaisissement du Parlement résulte également de l’extension de la durée d’habilitation, qui atteint désormais un an et reste valable, quel que soit le gouvernement.
Il s’agit là d’un véritable dysfonctionnement de notre système de production des normes.
Les membres du groupe socialiste considèrent que le recours à l’article 38 n’est pas la solution pour remédier à cette situation ; au contraire, il accroît la dépossession du Parlement. Cela crée un profond malaise. Aujourd’hui, le temps du Parlement n’est plus celui du Gouvernement, si je puis dire.
Le recours aux ordonnances a également été justifié par l’encombrement chronique de l’ordre du jour. Mais qui est en responsable d’un tel état de fait, si ce n’est le Gouvernement ? Ce dernier devrait en prendre conscience et veiller à éviter cet encombrement, que nous dénonçons tous.
La systématisation du recours aux ordonnances est le signe d’un dérèglement global de notre système. Les membres du groupe socialiste appellent à une stricte limitation du recours à l’article 38 : nous l’avons indiqué au Gouvernement lorsque nous avons présenté nos premières propositions ; nous l’avons expliqué au comité Balladur ; cela figure dans les rapports que le groupe socialiste a déposés pour apporter sa contribution au débat.
Nous sommes favorables à l’interdiction du recours aux ordonnances dans certains domaines, notamment celui des libertés publiques.
La durée d’habilitation devrait être limitée à un an et la loi d’habilitation devrait fixer un délai de ratification explicite du Parlement.
Enfin, les directives européennes pourraient être transposées par ordonnance, sauf lorsqu’elles concernent les services publics ou les entreprises nationales.