Monsieur le président, si vous le permettez, je présenterai en même temps les amendements n° 114, 115 et 116, qui forment un ensemble cohérent.
Le projet de loi constitutionnelle fixe pour la première fois des délais minimaux entre le dépôt ou la transmission d'un texte et son examen en séance publique, comme l’avait d’ailleurs suggéré le comité présidé par M. Balladur.
Ces délais sont nécessaires aujourd'hui. Ils deviendraient indispensables dès lors que le débat en séance publique s'engagerait non plus sur le texte du Gouvernement, mais sur celui de la commission.
On sait en effet que, actuellement, la commission se réunit en général dans la semaine qui précède l'examen en séance publique du texte dont elle est saisie. Après la révision constitutionnelle, il serait souhaitable que cette réunion intervienne au moins deux semaines avant la discussion en séance publique, afin de donner au Gouvernement et aux parlementaires non membres de la commission le temps de prendre connaissance des conclusions de la commission et de préparer leurs amendements.
À la lumière de ces observations, les délais prévus par le projet de loi, même allongés par l'Assemblée nationale, me paraissent trop courts, en particulier pour la seconde assemblée saisie. Celle-ci ne disposerait que de trois semaines entre la transmission et l'examen en séance publique : trois semaines pour que la commission organise les auditions, établisse le rapport et élabore le texte qu’elle présentera. Ni le Gouvernement ni les parlementaires n’auront alors le temps de faire part de leurs observations et de préparer leurs amendements.
Or, l'expérience nous l'enseigne, la lecture devant la première assemblée peut se traduire par d'importantes modifications, qui méritent souvent un examen très attentif… Le projet de loi de modernisation de l’économie nous en fournit un bon exemple : le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale comportait bien des choses différentes et nouvelles par rapport au projet de loi initial !
L’amendement n° 114 tend donc à revenir aux délais proposés par le comité présidé par M. Édouard Balladur en fixant le délai à compter duquel peut intervenir la discussion en séance publique, en première lecture, à deux mois après le dépôt d'un projet de loi ou d'une proposition de loi devant la première assemblée saisie et à cinq semaines après la transmission devant la seconde assemblée saisie.
Par ailleurs, l'article 16 du projet de loi constitutionnelle prévoit que les délais minimaux ne s'appliqueraient pas dans le cas où la procédure accélérée serait décidée. En effet, il faudra vous y habituer, mes chers collègues : il n’y aura plus de déclaration d’urgence – qui portait d’ailleurs mal son nom et était souvent abusive puisque la seconde assemblée devait quelquefois attendre six mois, voire huit mois, avant d’être saisie !
La procédure accélérée, qui succède donc à la déclaration d’urgence, ayant pour effet de limiter à une seule lecture devant chaque assemblée l'examen d'un texte, il est à nos yeux d'autant plus nécessaire que les délais soient suffisants pour permettre un examen attentif des dispositions en cause.
C’est pourquoi la commission vous invite, au travers de l’amendement n° 115, à faire en sorte que les délais s’appliquent, y compris lorsque les textes font l'objet d'une procédure accélérée.
Demeurent les vraies urgences, pour lesquelles je vous propose une « soupape de sécurité » destinée à éviter des blocages injustifiés. L’amendement n° 116 a pour objet que, dans une telle situation, les délais soient levés ; le Gouvernement devrait cependant, au préalable, consulter la conférence des présidents de l'assemblée concernée.
Mes chers collègues, certains estimeront sans doute que ces délais sont trop longs. Mais il faut que nous puissions discuter ! Pour ma part, je suis très attaché à ces trois points : que la seconde assemblée saisie ne dispose pas seulement de la moitié du temps accordé à la première, car je ne vois pas au nom de quoi il en serait ainsi ; qu’en cas de procédure accélérée les délais soient d’autant plus importants, l’absence de navette permettant de toute façon de gagner un temps non négligeable ; que, lorsqu’un projet de loi est effectivement urgent, le Gouvernement puisse le faire examiner sans délai, après avoir consulté la conférence des présidents de l’assemblée concernée.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission des lois présente ce dispositif, qui lui paraît équilibré.