Après avoir souligné l'intérêt qu'il porte au monde rural, M. Jean-Marc Juilhard, rapporteur, a rappelé qu'il avait rapporté l'avis de la commission sur plusieurs textes de loi intervenant dans ce domaine et, à nouveau aujourd'hui, sur ce rapport établi par la Cour des comptes à la demande de la commission sur la protection sociale agricole, dont les auteurs ont été auditionnés le 2 mai 2007.
Ce rapport comprend quatre parties : un bref rappel des particularités de la protection sociale agricole, une longue présentation de l'organisation et des modes de gestion de la Mutualité sociale agricole (MSA), une analyse approfondie de la notion de parité de prestations et de cotisations du régime agricole par rapport au régime général et une description synthétique des modes de financement et de l'équilibre financier du fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles (Ffipsa).
s'il approuve un grand nombre des observations de la Cour et s'il prend acte du rappel de sa position sur le déficit du Ffipsa, a indiqué que plusieurs jugements qu'elle a formulés lui semblent trop sévères et qu'il ne saurait souscrire à l'idée d'une perte de spécificité du régime agricole.
Tout d'abord, une grande partie de ce rapport n'appelle pas d'observations contradictoires de sa part, mais justifie qu'il y apporte certaines explications complémentaires sur quelques points.
Ainsi, le fort attachement des agriculteurs à leur régime est reconnu par la Cour à sa juste valeur, ce qui correspond aux principes de démocratie sociale qui caractérisent la MSA. De même, la Cour a noté que la MSA a engagé depuis longtemps d'importants efforts de modernisation qui, il est vrai, méritent d'être poursuivis et accentués. En outre, si le régime agricole bénéficie toujours du large soutien de la solidarité nationale, celle-ci est justifiée dans la mesure où d'une part, la population des exploitants agricoles comprend de nombreuses personnes à revenus modiques et où, d'autre part, l'agriculture constitue un atout décisif pour l'économie française.
Le rapporteur a ensuite convenu que les modalités d'audit interne de la MSA devraient certainement être améliorées et qu'il faudra sans doute renforcer la lutte contre la fraude en matière de rentrées de cotisations sociales. Pour autant, cette remarque de la Cour des comptes ne constitue nullement une stigmatisation des exploitants agricoles, puisqu'elle s'applique en réalité à toutes les catégories d'assurés sociaux et à l'ensemble des branches de la sécurité sociale.
Par ailleurs, s'il existe d'importantes disparités régionales, en ce qui concerne tant l'effort contributif des exploitants agricoles que le pourcentage de recouvrement des cotisations sociales, ces phénomènes anciens sont bien connus, même si les chiffres avancés par la Cour font effectivement ressortir des écarts considérables.
Abordant la question du déficit du Ffipsa, M. Jean-Marc Juilhard, rapporteur, a indiqué que la commission ne peut que prendre acte du rappel des positions de la Cour, qui rejoignent d'ailleurs ses propres préoccupations, selon lesquelles la responsabilité d'équilibrer les comptes du Ffipsa appartient bien à l'Etat. La Cour se prononce d'ailleurs à nouveau ici en faveur de la suppression de ce fonds, dans la mesure où son existence constitue, selon elle, un « facteur de confusion » plutôt qu'un élément de transparence, ainsi qu'elle l'avait précédemment indiqué dans ses rapports de septembre 2005 et de septembre 2006 sur l'exécution de la loi de financement de la sécurité sociale. Dans le même souci, la commission a manifesté, à maintes occasions, son inquiétude au sujet du Ffipsa, considérant que la poursuite du statu quo n'est pas tenable et que l'idée de revisiter, au profit de ce fonds, les règles de la compensation démographique à l'intérieur de la branche vieillesse a manifestement échoué, ainsi que l'ont montré les travaux du groupe animé par Jean-François Chadelat en 2006.
La seule véritable solution à la crise actuelle consisterait en ce que l'Etat assume à nouveau ses responsabilités financières, comme il le fit entre 1959 et 2003 avec le Bapsa. Cela suppose en particulier que la puissance publique cesse de s'approprier les ressources les plus dynamiques du régime agricole au profit du budget de l'Etat, comme ce fut le cas en 2003 lorsque les recettes de la TVA ont été remplacées par une partie des droits sur le tabac, dont le rendement s'est ensuite effondré.
Puis M. Jean-Marc Juilhard, rapporteur, a rapporté les jugements formulés par la Cour qui lui apparaissent trop sévères, ce qui l'empêche de souscrire à la totalité de ce rapport.
Il a ainsi fait part de son désaccord avec l'idée selon laquelle le mouvement de regroupement des caisses locales de la MSA serait insuffisant, l'effort accompli lui semblant même, à l'inverse, déjà très important. Certes, les gains de productivité du réseau de la MSA ont été moindres depuis le début des années 2000, mais il s'agissait d'un phénomène transitoire, quasiment totalement imputable au passage aux trente-cinq heures.
De la même façon, si la Cour critique les modalités spécifiques de financement de la retraite complémentaire obligatoire (RCO) des exploitants agricoles par le biais d'une contribution directe de l'Etat, il faut rappeler que ces particularités résultent très exactement de la volonté du législateur.
Par ailleurs, selon le rapporteur, la question de la parité entre l'effort contributif des exploitants agricoles et celui des autres catégories d'assurés sociaux n'est pas définitivement tranchée. En effet, si la Cour affirme que les agriculteurs cotisent moins que les ressortissants du régime général, les travaux du groupe de travail Chadelat ont montré l'absence de consensus sur ce point, que ce soit entre les ministères des finances, des affaires sociales et de l'agriculture ou même entre les responsables des différents régimes sociaux. Plusieurs modes de calcul sont en effet envisageables et la grande complexité des arguments techniques échangés laisse en définitive à chacun sa liberté d'appréciation.
Enfin, M. Jean-Marc Juilhard, rapporteur, a fait part de son opposition à l'idée avancée par la Cour des comptes d'une « perte de spécificité de la protection sociale agricole ». A l'inverse, le maintien d'un régime spécifique pour les exploitants et les salariés agricoles lui semble pleinement justifié, dans la mesure où l'emploi dans l'agriculture comporte toujours des particularités importantes, où ce régime dispose d'une forte légitimité, notamment grâce au rôle positif des élus locaux, et où la MSA fournit une contribution très utile à notre système de protection sociale, grâce en particulier à son action sanitaire et sociale très développée. Compte tenu de ces différents atouts, la MSA mériterait, à son sens, de devenir le régime de référence de l'ensemble du monde rural, et pas uniquement celui des agriculteurs.
En définitive, l'étude de la Cour des comptes fournit à la commission une analyse très intéressante de la protection sociale agricole, mais qui appelle plusieurs correctifs afin qu'elle ne soit pas perçue par les exploitants agricoles comme un réquisitoire, ce qui pourrait être contre-productif. Le succès du processus de réforme en cours suppose, à l'inverse, l'adhésion des exploitants agricoles, car le régime agricole est engagé depuis plus de quinze ans dans un processus de modernisation, dont il ne faut pas sous-estimer l'impact. Le débat sur la spécificité de la MSA ne doit pas davantage conduire à remettre en cause la légitimité même du régime et l'obligation de mener à bien des réformes pèse tout autant sur le régime agricole que sur les autres régimes sociaux.