La commission a tout d'abord entendu une communication de M. Jean-Marc Juilhard, sur le rapport de la Cour des comptes relatif à la protection sociale agricole.
Après avoir souligné l'intérêt qu'il porte au monde rural, M. Jean-Marc Juilhard, rapporteur, a rappelé qu'il avait rapporté l'avis de la commission sur plusieurs textes de loi intervenant dans ce domaine et, à nouveau aujourd'hui, sur ce rapport établi par la Cour des comptes à la demande de la commission sur la protection sociale agricole, dont les auteurs ont été auditionnés le 2 mai 2007.
Ce rapport comprend quatre parties : un bref rappel des particularités de la protection sociale agricole, une longue présentation de l'organisation et des modes de gestion de la Mutualité sociale agricole (MSA), une analyse approfondie de la notion de parité de prestations et de cotisations du régime agricole par rapport au régime général et une description synthétique des modes de financement et de l'équilibre financier du fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles (Ffipsa).
s'il approuve un grand nombre des observations de la Cour et s'il prend acte du rappel de sa position sur le déficit du Ffipsa, a indiqué que plusieurs jugements qu'elle a formulés lui semblent trop sévères et qu'il ne saurait souscrire à l'idée d'une perte de spécificité du régime agricole.
Tout d'abord, une grande partie de ce rapport n'appelle pas d'observations contradictoires de sa part, mais justifie qu'il y apporte certaines explications complémentaires sur quelques points.
Ainsi, le fort attachement des agriculteurs à leur régime est reconnu par la Cour à sa juste valeur, ce qui correspond aux principes de démocratie sociale qui caractérisent la MSA. De même, la Cour a noté que la MSA a engagé depuis longtemps d'importants efforts de modernisation qui, il est vrai, méritent d'être poursuivis et accentués. En outre, si le régime agricole bénéficie toujours du large soutien de la solidarité nationale, celle-ci est justifiée dans la mesure où d'une part, la population des exploitants agricoles comprend de nombreuses personnes à revenus modiques et où, d'autre part, l'agriculture constitue un atout décisif pour l'économie française.
Le rapporteur a ensuite convenu que les modalités d'audit interne de la MSA devraient certainement être améliorées et qu'il faudra sans doute renforcer la lutte contre la fraude en matière de rentrées de cotisations sociales. Pour autant, cette remarque de la Cour des comptes ne constitue nullement une stigmatisation des exploitants agricoles, puisqu'elle s'applique en réalité à toutes les catégories d'assurés sociaux et à l'ensemble des branches de la sécurité sociale.
Par ailleurs, s'il existe d'importantes disparités régionales, en ce qui concerne tant l'effort contributif des exploitants agricoles que le pourcentage de recouvrement des cotisations sociales, ces phénomènes anciens sont bien connus, même si les chiffres avancés par la Cour font effectivement ressortir des écarts considérables.
Abordant la question du déficit du Ffipsa, M. Jean-Marc Juilhard, rapporteur, a indiqué que la commission ne peut que prendre acte du rappel des positions de la Cour, qui rejoignent d'ailleurs ses propres préoccupations, selon lesquelles la responsabilité d'équilibrer les comptes du Ffipsa appartient bien à l'Etat. La Cour se prononce d'ailleurs à nouveau ici en faveur de la suppression de ce fonds, dans la mesure où son existence constitue, selon elle, un « facteur de confusion » plutôt qu'un élément de transparence, ainsi qu'elle l'avait précédemment indiqué dans ses rapports de septembre 2005 et de septembre 2006 sur l'exécution de la loi de financement de la sécurité sociale. Dans le même souci, la commission a manifesté, à maintes occasions, son inquiétude au sujet du Ffipsa, considérant que la poursuite du statu quo n'est pas tenable et que l'idée de revisiter, au profit de ce fonds, les règles de la compensation démographique à l'intérieur de la branche vieillesse a manifestement échoué, ainsi que l'ont montré les travaux du groupe animé par Jean-François Chadelat en 2006.
La seule véritable solution à la crise actuelle consisterait en ce que l'Etat assume à nouveau ses responsabilités financières, comme il le fit entre 1959 et 2003 avec le Bapsa. Cela suppose en particulier que la puissance publique cesse de s'approprier les ressources les plus dynamiques du régime agricole au profit du budget de l'Etat, comme ce fut le cas en 2003 lorsque les recettes de la TVA ont été remplacées par une partie des droits sur le tabac, dont le rendement s'est ensuite effondré.
Puis M. Jean-Marc Juilhard, rapporteur, a rapporté les jugements formulés par la Cour qui lui apparaissent trop sévères, ce qui l'empêche de souscrire à la totalité de ce rapport.
Il a ainsi fait part de son désaccord avec l'idée selon laquelle le mouvement de regroupement des caisses locales de la MSA serait insuffisant, l'effort accompli lui semblant même, à l'inverse, déjà très important. Certes, les gains de productivité du réseau de la MSA ont été moindres depuis le début des années 2000, mais il s'agissait d'un phénomène transitoire, quasiment totalement imputable au passage aux trente-cinq heures.
De la même façon, si la Cour critique les modalités spécifiques de financement de la retraite complémentaire obligatoire (RCO) des exploitants agricoles par le biais d'une contribution directe de l'Etat, il faut rappeler que ces particularités résultent très exactement de la volonté du législateur.
Par ailleurs, selon le rapporteur, la question de la parité entre l'effort contributif des exploitants agricoles et celui des autres catégories d'assurés sociaux n'est pas définitivement tranchée. En effet, si la Cour affirme que les agriculteurs cotisent moins que les ressortissants du régime général, les travaux du groupe de travail Chadelat ont montré l'absence de consensus sur ce point, que ce soit entre les ministères des finances, des affaires sociales et de l'agriculture ou même entre les responsables des différents régimes sociaux. Plusieurs modes de calcul sont en effet envisageables et la grande complexité des arguments techniques échangés laisse en définitive à chacun sa liberté d'appréciation.
Enfin, M. Jean-Marc Juilhard, rapporteur, a fait part de son opposition à l'idée avancée par la Cour des comptes d'une « perte de spécificité de la protection sociale agricole ». A l'inverse, le maintien d'un régime spécifique pour les exploitants et les salariés agricoles lui semble pleinement justifié, dans la mesure où l'emploi dans l'agriculture comporte toujours des particularités importantes, où ce régime dispose d'une forte légitimité, notamment grâce au rôle positif des élus locaux, et où la MSA fournit une contribution très utile à notre système de protection sociale, grâce en particulier à son action sanitaire et sociale très développée. Compte tenu de ces différents atouts, la MSA mériterait, à son sens, de devenir le régime de référence de l'ensemble du monde rural, et pas uniquement celui des agriculteurs.
En définitive, l'étude de la Cour des comptes fournit à la commission une analyse très intéressante de la protection sociale agricole, mais qui appelle plusieurs correctifs afin qu'elle ne soit pas perçue par les exploitants agricoles comme un réquisitoire, ce qui pourrait être contre-productif. Le succès du processus de réforme en cours suppose, à l'inverse, l'adhésion des exploitants agricoles, car le régime agricole est engagé depuis plus de quinze ans dans un processus de modernisation, dont il ne faut pas sous-estimer l'impact. Le débat sur la spécificité de la MSA ne doit pas davantage conduire à remettre en cause la légitimité même du régime et l'obligation de mener à bien des réformes pèse tout autant sur le régime agricole que sur les autres régimes sociaux.
a vivement protesté contre la divulgation dans la presse de certains extraits du rapport de la Cour des comptes, avant même sa présentation officielle devant la commission Il s'est déclaré choqué de l'instrumentalisation par les médias, en période électorale, des travaux de la Cour, d'autant que les journaux n'ont mis en avant que les critiques à l'encontre du régime agricole. Puis il a fait part de ses divergences avec le rapporteur sur la question des fusions de caisses de la MSA, dont il a jugé le rythme trop lent. Après avoir précisé que ces propos présentent une portée générale et concernent l'ensemble des régimes de protection sociale, il s'est prononcé en faveur d'une accélération du regroupement des structures administratives devenues inutiles afin de dégager des économies. Dans ce domaine aussi, des réformes sont nécessaires.
Considérant que les phénomènes de fraude ou d'évasion de cotisations sociales ne doivent pas être surestimés, il a souhaité que la spécificité de la MSA soit respectée, sous réserve toutefois que la modernisation en cours du réseau soit menée à son terme. Cette spécificité, en revanche, ne justifie pas le maintien de tous les usages en cours parmi les professions agricoles, à commencer par le fait que de nombreuses personnes sont manifestement sous-rémunérées.
a également condamné les fuites parues dans la presse, en rappelant qu'il avait fait part de sa vive émotion sur ce point lors de l'audition de la Cour la semaine passée. La présentation qui a été faite de son rapport dans les journaux est d'autant plus déplaisante que seuls les points défavorables à la MSA ont été mis en avant. L'audition des auteurs du rapport devant la commission était heureusement plus nuancée, mais l'opinion publique ne retiendra probablement que les messages simplifiés et inexacts diffusés par les médias. Il serait d'ailleurs nécessaire que la commission publie un communiqué de presse pour rétablir la réalité de la situation.
Il a ensuite souhaité connaître l'importance relative de la solidarité nationale et de la solidarité interprofessionnelle dans le financement du régime agricole.
Il a par ailleurs estimé que la restructuration en cours du réseau de la MSA constitue un exercice délicat, car il convient aussi de tenir compte de la nécessité de maintenir des services de proximité en milieu rural. Après avoir à son tour réaffirmé son attachement à la spécificité du régime agricole, il s'est déclaré perplexe à l'égard des observations de la Cour tendant à faire valoir l'idée d'un moindre effort contributif des exploitants agricoles par rapport à celui des autres catégories sociales. Ce point a d'ailleurs été relevé par certains sénateurs de l'opposition qui, en commission, n'ont pas hésité à stigmatiser sans nuances le comportement des assurés sociaux du régime agricole les plus aisés. Cette polémique justifierait la définition de critères objectifs et une étude approfondie, que la Mecss de la commission pourrait conduire.
a ensuite relevé l'incongruité de la position du ministère du budget dans sa réponse à la Cour des comptes au sujet du déficit du Ffipsa. La responsabilité de la gestion de ce dossier incombe indéniablement au Gouvernement et ne saurait être transférée au Parlement. Le Sénat ne dispose d'ailleurs pas des moyens d'action nécessaires pour agir, ne serait-ce qu'en raison de l'obstacle que représentent les dispositions de l'article 40 de la Constitution. Persister dans cette voie supposerait l'adoption d'une réforme constitutionnelle !
En ce qui concerne le processus de modernisation du réseau de la MSA, M. Nicolas About, président, a estimé que la constitution de fédérations de caisses représente une première étape, mais qu'il conviendra à l'avenir de procéder à de véritables fusions, seules susceptibles de produire de réelles économies. Par ailleurs, s'il veut bien admettre qu'il existe une spécificité de la protection sociale agricole, il serait utile que l'on puisse disposer de précisions sur le contenu et les contours actuels de cette notion si souvent évoquée.
Après avoir indiqué que le nombre des caisses devrait être ramené à trente-cinq à l'horizon 2010, M. Jean-Marc Juilhard, rapporteur, a souligné toute la difficulté de ce processus de modernisation. La MSA est en effet tiraillée entre deux impératifs contradictoires : réaliser des économies et améliorer l'efficacité de sa gestion, d'une part, et préserver un lien fort de proximité avec les assurés sociaux, d'autre part, car il s'agit de la richesse et de la raison d'être du régime agricole.
Dans ce contexte, il est exact que la création de fédérations de caisses n'entraîne pas d'économies, mais il s'agit d'une étape intermédiaire permettant de justifier la légitimité des efforts demandés aux exploitants agricoles. En accordant au régime le temps nécessaire, sachant que la restructuration du réseau est désormais bien engagée, les objectifs fixés pour 2010 seront atteints.
Revenant sur son intervention précédente, M. Alain Gournac a précisé qu'elle avait pour but de plaider pour une rationalisation des structures administratives. Il a soutenu la proposition de M. Alain Vasselle en faveur d'un approfondissement par la Mecss de la question de la parité des cotisations entre les exploitants agricoles et les autres assurés sociaux.
a ensuite abordé la question du forfait en rappelant que le maintien d'une imposition forfaitaire n'est pas imputable aux instances du régime agricole qui en ont demandé la suppression. Par ailleurs, on constate en effet que la transformation juridique de certaines exploitations agricoles en une forme sociétaire est de nature à minorer les rentrées de cotisations sociales. Pour autant, il conviendrait de disposer de davantage d'informations afin d'apprécier l'ampleur exacte de ce phénomène.
Enfin, il a indiqué que le maintien de la spécificité de la protection sociale agricole se justifie toujours aujourd'hui, notamment en raison de l'ampleur de l'action sanitaire et sociale fournie à la population des exploitants agricoles et de la légitimité que confèrent aux responsables du régime les élections professionnelles. A cela s'ajoute le caractère global du service rendu aux assurés sociaux, dans la mesure où le champ d'action de la MSA couvre les quatre branches de la sécurité sociale. Tous ces atouts légitimeraient, selon lui, que la MSA devienne le régime de référence de l'ensemble du monde rural, et non des seuls agriculteurs, comme tel est le cas aujourd'hui.
Après avoir déploré à son tour les fuites du rapport parues dans la presse, M. Jean-Marc Juilhard, rapporteur, a précisé à M. Alain Vasselle que le financement du régime agricole est assuré à hauteur de respectivement 17 % par les exploitants agricoles eux-mêmes, 32 % par les autres régimes sociaux et 51 % par la solidarité nationale.
Il s'est également réjoui du caractère plus nuancé des propos tenus par les magistrats financiers lors de leur audition du 2 mai 2007, sensiblement en retrait par rapport aux termes du rapport écrit de la Cour. Pour autant, les écrits restent et Mme Rolande Ruellan, présidente de la sixième chambre, a clairement indiqué qu'elle n'entendait pas diffuser un communiqué de presse rectificatif à l'occasion de la publication de cette étude.
Après avoir rappelé qu'il avait fait part, à maintes reprises, des réticences que lui inspirait l'idée avancée par le président du comité de surveillance du Ffipsa de modifier les règles de calcul de la compensation démographique, M. Jean-Marc Juilhard, rapporteur, a souligné les inquiétudes résultant du déficit du fonds. La création du Ffipsa en 2004 a malheureusement rendu possible une opération de débudgétisation, apparue rétrospectivement très défavorable au régime agricole. Dès lors, la Cour des comptes apparaît pleinement fondée à poser la question de l'intérêt même de l'existence de ce fonds, qui constitue à l'évidence un facteur de confusion à la périphérie des finances publiques et des finances sociales.
Pour conclure, M. Nicolas About, président, a indiqué que la commission poursuivra ses travaux sur la question de la spécificité de la protection agricole et diffusera dans l'immédiat un communiqué de presse à la suite de l'adoption du rapport présenté par M. Jean-Marc Juilhard.
La commission a alors autorisé la publication de ce rapport d'information, auquel sera annexée l'étude établie par la Cour des comptes.
Puis la commission a entendu une communication de M. Alain Vasselle sur la mission d'information de la commission en Argentine.
a rappelé qu'une délégation de neuf sénateurs s'est rendue en Argentine du 9 au 17 septembre dernier. Elle y a rencontré les plus hautes autorités argentines, notamment M. Daniel Scioli, président du Sénat et vice-président de la Nation, et a participé à des réunions avec les principaux ministères en charge des questions sociales (santé, travail et développement social), correspondant aux différents champs de son étude. Des déplacements sur le terrain - visite d'un bidonville en cours de réhabilitation, d'hôpitaux et d'un centre d'accueil d'enfants défavorisés - lui ont permis une meilleure perception du système de protection sociale argentine et des défis qu'il doit relever.
Cette étude s'est révélée particulièrement complexe, car l'une des principales caractéristiques de la protection sociale argentine réside en sa très grande fragmentation entre de multiples opérateurs. Ainsi, le système d'assurance maladie s'organise autour de trois catégories distinctes d'opérateurs : les « obras » sociales, le secteur privé et le secteur public. La répartition des rôles entre les acteurs y est très différente du modèle français :
- les opérateurs privés ne sont pas des assureurs complémentaires ; ils prennent en charge les mêmes prestations que le régime obligatoire ;
- la sécurité sociale et les assureurs privés se comportent comme des acheteurs de soins, c'est-à-dire qu'ils adressent leurs assurés à des professionnels de santé, avec qui ils ont passé des contrats. Il ne s'agit donc pas, comme en France, de gérer des demandes de remboursement ;
- le secteur public a pour mission la prise en charge médicale des personnes ne disposant d'aucune couverture santé, c'est-à-dire de la population la plus démunie.
Le profil de ces opérateurs est différent selon les catégories. Au nombre de trois cents, les obras sociales sont elles mêmes réparties en plusieurs catégories selon qu'elles interviennent au niveau national, régional ou professionnel. Elles constituent la pierre angulaire du système d'assurance maladie argentin.
Au milieu des années 90, le Gouvernement a entamé une série de réformes structurelles destinées à optimiser le fonctionnement du système. Il a alors souhaité organiser une concurrence entre les caisses afin de contraindre les opérateurs à améliorer leur gestion et les prestations fournies aux assurés. Parallèlement, il a imposé aux obras sociales la mise en place d'un panier de biens et services minimum garanti aux assurés.
Toutefois, ces réformes n'ont pas produit les effets escomptés, car la fragilité financière des caisses n'a pas permis d'assurer un panier de biens et services minimum, mais seulement les prestations relevant de l'urgence. La grave crise économique, politique et sociale traversée par l'Argentine au début des années 2000 a accru leurs difficultés et s'est traduite par un net recul du nombre des assurés : les « obras » sociales ne couvrent plus aujourd'hui que 52 % de la population, soit 10 % de moins qu'il y a dix ans.
Le secteur privé intervient essentiellement comme un régime de base, mais il offre l'accès à des structures de soins plus performantes. Il assure la couverture de 9 % de la population, résidant à plus de 80 % à Buenos Aires et ses alentours.
Enfin, le service public hospitalier, troisième grand acteur du système d'assurance maladie, constitue pour près de 40 % des Argentins, le seul moyen d'accès à la santé. Il est gratuit et financé par les régions sur leurs ressources propres.
a estimé que ce système d'assurance maladie souffre de faiblesses importantes : il n'a pas la capacité d'offrir une couverture à l'ensemble de la population et l'accès aux soins primaires gratuits ou pris en charge par un assureur n'exclut pas l'existence d'une participation financière à la charge des assurés.
Pour pallier ces carences et améliorer l'état sanitaire de la population, les autorités argentines tentent de développer une politique de santé publique dynamique, un plan triennal 2004-2007 a été mis en oeuvre pour développer une politique de promotion de la santé qui tienne compte de l'état sanitaire de la population et de l'environnement où elle vit. Il comporte des objectifs chiffrés répartis en six catégories : santé de l'enfant, santé maternelle, éducation sexuelle et prise en charge de la grossesse, personnes handicapées, lutte contre le tabac et « autres actions ».
Cette politique se heurte toutefois à deux obstacles : le caractère hospitalo-centré du système de santé public, qui empêche un travail de proximité et promeut presque exclusivement le recours aux soins curatifs, et le coût de développement des centres de promotion de la santé, qui est supérieur aux ressources des instances régionales. La mise en oeuvre de cette politique de santé publique est une préoccupation majeure des autorités argentines, notamment dans sa partie consacrée à l'amélioration de la santé maternelle et infantile, compte tenu des taux élevés de mortalité et des conditions de vie des jeunes enfants.
a ensuite présenté deux autres volets du système de protection sociale argentin : les retraites et la lutte contre l'exclusion.
Tout comme l'assurance maladie, le système de retraite trouve son origine dans les mutuelles ouvrières. Progressivement développé à partir de 1950, il a fait l'objet d'une réforme structurelle d'ensemble en 1994, avec la création d'un système unique intégré des retraites et pensions, organisé autour de deux branches gérées par des caisses distinctes : l'Agence nationale de la sécurité sociale, structure publique en charge du régime par répartition, et l'Agence des fonds de retraites et pensions, qui assure la gestion du régime de retraites par capitalisation.
L'adhésion à ce système, équivalent à un régime général, est obligatoire pour tous les salariés âgés de dix-huit ans et plus, ainsi que pour les professions libérales. L'âge de départ à la retraite a été fixé à soixante-cinq ans pour les hommes, avec une durée de cotisation de trente ans, et à soixante ans pour les femmes, avec vingt-cinq annuités de cotisation. Une période de transition de cinq ans a été prévue afin de permettre la montée en charge de ce nouveau système de retraites.
A la différence de la réforme plus radicale mise en oeuvre au Chili, le modèle argentin se caractérise par l'équilibre qu'il a su trouver entre un système par répartition, qui offre une prestation de base, et un système par capitalisation, qui vient le compléter.
Le premier pilier permet de servir à chaque assuré une prestation de base, universelle dont le montant est indépendant du niveau des cotisations. Il s'élève aujourd'hui à 200 pesos, soit moins de 50 euros, auxquels s'ajoute par une prestation compensatoire variant selon le niveau de cotisation de chaque assuré. Ces deux prestations constituent la retraite de base de tous les cotisants au régime général.
Le second pilier offre au travailleur le choix entre deux régimes, soit un programme à prestation définie, administré par la sécurité sociale, financé par répartition sur la base de cotisations salariales individuelles et offrant un complément égal à 0,85 % du revenu de référence pour chaque année de cotisation, soit un système de capitalisation administré par des institutions privées et financé au moyen de cotisations individuelles.
Sur les 12 millions de cotisants, dont près de 8 millions d'hommes, 86 % ont souscrit au régime de capitalisation. Fin 2003, la pension moyenne était de 503 pesos (environ 120 euros), soit 486 pesos (117 euros) pour le régime de répartition et 596 pesos (142 euros) pour celui par capitalisation, sachant que la moitié des salariés argentins gagne moins de 400 pesos par mois, soit 96 euros.
Comme l'assurance maladie, le système de retraite a été frappé de plein fouet par la crise économique, entraînant une réduction du niveau des pensions de 13 %. En outre, le système connaît d'autres difficultés, et notamment le recul très net de la population couverte. Le taux de couverture était déjà peu élevé au moment de la réforme, mais il n'a cessé de diminuer entre 1994 et 2001, revenant de 50 % de la population active à environ 40 %. Cette dégradation s'explique par le durcissement des conditions d'obtention des prestations, en dépit de l'instauration d'un régime de transition, et plus encore par la forte hausse du chômage, la mise en oeuvre d'une politique de l'emploi qui permet d'embaucher sans obligation de cotiser à la sécurité sociale et la progression du travail informel.
a alors indiqué que cette situation a conduit le gouvernement argentin à développer une politique de lutte contre les exclusions.
Créé en janvier 2002 par le précédent président de la République, Eduardo Duhalde, le plan Jefes y Jefas avait pour objectif d'apporter une aide aux familles les plus démunies. Conçu comme un plan d'urgence en réponse à la crise de 2001, sa durée initiale devait être d'un an ; depuis, il a été reconduit chaque année et constitue l'un des piliers de l'action sociale menée par le Gouvernement.
Doté d'un budget de 3,5 milliards de pesos (environ 900 millions d'euros, soit 80 % du montant de l'aide sociale distribuée par l'Etat), il distribue une aide de 150 pesos (soit 36 euros) à toute personne sans emploi ayant des enfants mineurs ou handicapés à charge, en contrepartie d'une obligation de scolarisation et de vaccination des enfants et de travaux d'intérêts généraux. Il est géré par les collectivités locales et financé par les ressources fiscales fédérales et régionales et des crédits spécifiques obtenus auprès de la Banque mondiale.
En octobre 2006, 1,5 million de personnes bénéficiaient de ce programme, dont 70 % de femmes chefs de famille et deux tiers d'adultes âgés de vingt-six ans à quarante-cinq ans.
Le gouvernement du président Duhalde a tenté de transformer ce programme en une stratégie de lutte contre le chômage. L'idée, avancée en janvier 2003, était d'adjoindre à ce programme social un volet réinsertion, en se fixant comme objectif le recrutement d'un quart des deux millions de bénéficiaires par le tissu des PME.
Le volet réinsertion de ce plan s'est avéré être un échec. Outre les problèmes de gestion des bénéficiaires, il a créé un effet d'aubaine pour les PME, qui ont licencié leurs salariés pour les remplacer par des bénéficiaires du programme Jefes y Jefas afin de réduire le coût de leur main-d'oeuvre. Des détournements ont également été constatés au niveau local, le plan étant mis à profit pour la constitution de clientèles électorales.
Face à cet échec, le gouvernement du président Kirchner a mis en place un nouveau dispositif, intitulé Mas y mejor Trabajo. Pour y être éligible, une entreprise ne peut licencier aucun de ses employés pendant les trois mois qui précèdent le dépôt de sa demande et doit s'engager à embaucher l'allocataire après huit mois d'activité et à payer ses contributions au système de sécurité sociale. A ce jour, seuls, 13 % des bénéficiaires du programme ont pu retrouver un emploi stable.
a fait observer que l'étude de la situation en Argentine conduit à mieux apprécier encore le fonctionnement du système de protection sociale français. Elle a confirmé que la question de l'optimisation du fonctionnement des établissements de santé est un problème crucial pour le système de santé. Lors de leurs visites à Buenos Aires et à Salta, les membres de la délégation ont ainsi pu recueillir de nombreux témoignages d'usagers et de médecins sur ce thème.
s'est félicitée de ce que le rapport de la mission fasse clairement apparaître les dysfonctionnements du système de santé argentin. Elle a indiqué que la délégation a constaté l'existence de files d'attente importantes dans les établissements de santé argentins, y compris dans les services de chimiothérapie. Puis elle a souligné l'importance accordée par les autorités argentines à la question de la santé materno-infantile. Le développement d'une politique de prévention doit permettre de lutter contre le nombre trop élevé de naissances prématurées provoquées par les problèmes de nutrition et l'absence de politique de prévention.
a estimé qu'il est toujours utile de comparer le système de protection sociale français à d'autres dispositifs. Les mutations récentes du système argentin, même si elles ne sont pas transposables, permettent de renouveler notre regard sur le fonctionnement de notre propre système de sécurité sociale.
a signalé que la délégation a également visité un établissement récemment créé pour personnes handicapées.
a précisé que la délégation a été sensibilisée à tous les aspects du système de protection sociale argentin (santé, assurance maladie, retraites), y compris la lutte contre l'exclusion. La réalité de la situation était particulièrement perceptible lors du déplacement effectué au comedor Casa Nazareth, une structure installée dans un bidonville de la commune de Salta. Ce lieu sert un repas par jour aux enfants du quartier. Faute de moyens financiers suffisants, le comedor, géré par la paroisse, n'est pas en mesure d'apporter une aide plus importante à ces populations démunies.