Située au coeur de la région des Balkans, voie de passage naturelle entre l'Occident et l'Orient, au confluent de trois religions - catholicisme, orthodoxie et islam - et au carrefour de trois civilisations - l'Europe centrale, le monde méditerranéen et le monde turc- la Serbie est l'héritière d'une histoire tragique.
Constituée en royaume indépendant au Moyen Age, la Serbie a subi la domination de l'Empire ottoman à partir du XIVe et jusqu'au XIXe siècle. Après plusieurs soulèvements, une principauté de Serbie fut créée, qui obtint l'autonomie à l'égard de la Sublime Porte en 1830 et qui devint indépendante en 1878.
A l'issue de la première guerre mondiale, dont elle fut à l'origine, se constitua progressivement, autour de la monarchie serbe, un rassemblement de tous les Slaves du Sud, qui prit le nom de Yougoslavie en 1929.
Après avoir été soumise à une occupation particulièrement brutale pendant la deuxième guerre mondiale, les partisans communistes, sous la houlette de Tito, parvinrent à se libérer seuls et proclamèrent une nouvelle Yougoslavie fédérale et communiste, qui se distingua par son indépendance, tant à l'égard du bloc soviétique, que de l'Occident, mais dont la répression à l'égard des opposants n'avait rien à envier au régime stalinien.
A la mort de Tito en 1980, alors que le communisme était en perte de vitesse, les nationalismes ont fait leur réapparition dans les Balkans, permettant à Slobodan Milosevic d'accéder à la présidence de la Serbie en 1989.
La Slovénie et la Croatie ayant déclaré leur indépendance en 1991, suivie en 1992 par la Bosnie-Herzégovine et la Macédoine, les populations serbes de Croatie et de Bosnie-Herzégovine ont demandé leur rattachement à la Serbie offrant le prétexte à Slobodan Milosevic de faire intervenir l'armée yougoslave.
Les conflits en ex-Yougoslavie ont été particulièrement meurtriers, avec des centaines de milliers de morts, et ont été marqués par de nombreuses exactions à l'égard de la population civile, telles que la pratique du « nettoyage ethnique », la destruction de villes et des déplacements forcés, principalement par l'armée et les paramilitaires serbes, mais aussi par les milices croates ou musulmanes.
En définitive, les accords de paix de Dayton en 1995, négociés sous l'égide des Etats-Unis et de l'Union européenne, permirent la reconnaissance des frontières des anciennes républiques yougoslaves, tout en garantissant une large autonomie aux minorités serbes, en particulier au sein de la Republika Srpska de Bosnie-Herzégovine. Après la séparation amiable du Monténégro en 2006, la Serbie renonce définitivement à l'idée yougoslave.
En Serbie même, la région du Kosovo, où la Serbie avait jadis perdu son indépendance à la bataille du Champ des Merles et qui constitue le berceau de l'orthodoxie serbe, mais qui était devenue au fil des siècles une province peuplée à près de 90 % par des Albanais, un violent conflit éclate en 1998 entre l'armée serbe et la guérilla albanaise de l'UCK. L'OTAN doit intervenir pour mettre un terme au conflit, qui se solde, au terme d'un long processus, par la proclamation unilatérale de l'indépendance du Kosovo en 2008.
Même amputée du Kosovo, dont elle n'a cependant pas reconnu l'indépendance, la Serbie demeure le pays le plus étendu et le plus peuplé des Balkans occidentaux. C'est aussi une mosaïque, peuplée de 7,5 millions d'habitants, en majorité serbes et orthodoxes, mais avec d'importantes minorités, notamment hongroise en Voïvodine, bosniaque musulmane au Sandjak ou encore albanaise au Sud de la Serbie (vallée de Presevo).
Après ce bref rappel historique, je voudrais décrire la politique européenne à l'égard des Balkans occidentaux.
Comme vous le savez, la « vocation européenne » des pays des Balkans occidentaux, c'est-à-dire le principe de leur adhésion à l'Union européenne, a été reconnu au Conseil européen de Zagreb en 2000, sous présidence française de l'Union européenne, et régulièrement réaffirmé depuis, notamment à Thessalonique en juin 2003 et, plus récemment lors de la Conférence Union européenne-Balkans occidentaux du 2 juin 2010 à Sarajevo.
La perspective d'adhésion à l'Union européenne est vue comme un instrument majeur au service de la stabilité de la région.
L'Union européenne a lancé, en juin 1999, un processus de stabilisation et d'association destiné aux pays de la région, processus qui repose en particulier sur la conclusion d'accords de stabilisation et d'association (ASA) avec chacun des pays concernés.
Les objectifs de ces accords sont le renforcement du dialogue politique, le rapprochement de la législation de ces pays avec le droit communautaire, l'établissement progressif d'une zone de libre échange et le développement de la coopération régionale.
A ce jour, l'ensemble des pays des Balkans occidentaux, à l'exception du Kosovo, ont signé un accord de stabilisation et d'association avec l'Union européenne, y compris la Serbie en avril 2008.
L'adhésion est soumise au respect des critères dits de Copenhague : critères politiques : être une démocratie respectueuse de l'Etat de droit, des droits de l'homme, des minorités, critères économiques : disposer d'une économie de marché viable capable de faire face à la pression concurrentielle du marché, et critère tenant à la reprise de l'acquis communautaire.
S'y ajoute la « capacité d'absorption » de l'Union européenne, c'est-à-dire la capacité de l'Union européenne à intégrer de nouveaux membres tout en maintenant la dynamique de l'intégration.
A la différence de l'élargissement aux pays d'Europe centrale et orientale, l'adhésion à l'Union européenne devrait se faire de manière différenciée, en fonction de l'état de préparation de chaque pays.
Comment se présente la situation aujourd'hui ?
La Croatie est le pays le plus avancé dans son rapprochement avec l'Union européenne, puisqu'elle espère achever les négociations d'adhésion dans les prochaines semaines. L'ancienne république yougoslave de Macédoine et, plus récemment, le Monténégro, se sont vu reconnaître la qualité de « pays candidat » sans toutefois ouvrir les négociations d'adhésion. L'Albanie, la Bosnie-Herzégovine et la Serbie restent, quant à eux, des « candidats potentiels », c'est-à-dire qu'ils ne remplissent pas encore suffisamment les conditions requises pour être reconnus comme candidats.