La couverture des risques en agriculture est une de mes grandes priorités. Il est indispensable que nous disposions d'une meilleure protection, notamment face aux risques économiques. Les contrats d'assurance au titre d'une année sont pris en charge par l'État sur le budget de l'année n +1 : la dotation budgétaires pour 2010 est donc utilisée pour honorer les contrats 2009, pour lesquels 26 millions avaient été versés. Les contrats 2010 seront payés par les dotations pour 2011 qui prévoient 33,3 millions, plus 100 millions de crédits communautaires.
Nous ne connaîtrons précisément le nombre de contrats d'assurance souscrits cette année que fin novembre.
La question de la réassurance publique est capitale et nous nous sommes tous battus pour en obtenir la création. Les travaux de réflexion ont commencé avec le Trésor, les assureurs et les réassureurs. Le démarrage officiel du groupe de travail est prévu pour le 15 novembre. Je souhaite qu'il aboutisse fin janvier 2011, conformément aux délais prévus dans la loi de modernisation. S'agissant plus spécifiquement de l'assurance fourrage, nous devrons vraisemblablement mettre l'épée dans les reins des assureurs, car Groupama et Pacifica n'avancent que très lentement : ils n'ont pas l'intention de lancer de produits avant 2012, voire 2013. Des expérimentations sont plus que souhaitables dès l'année prochaine, et je demande votre soutien.
Vous m'avez également interrogé sur les 350 millions d'euros destinés aux jeunes agriculteurs. Chaque année, 11 000 jeunes de moins de 40 ans s'installent en agriculture, dont 6 000 sont aidés car ils répondent aux critères de formation. Les plans de professionnalisation personnalisés ont connu un réel succès car ils mettent l'accent sur tout ce qui précède l'installation. Un fonds pour les jeunes agriculteurs a été créé, alimenté par la taxe dont je vous ai parlé, afin de favoriser l'accès des jeunes au foncier et de développer les projets innovants.
Les 350 millions se décomposent ainsi : 169 millions de crédits budgétaires inscrits en loi de finances pour 2011, au titre de mon ministère, et 86,9 millions qui proviennent de dépenses fiscales comptabilisées au titre de l'installation des jeunes, soit des exonérations fiscales ou sociales. Le total est donc de 255,9 millions, auquel il convient d'ajouter 94,1 millions de dotations jeunes agriculteurs au titre de la politique commune. Nous en arrivons donc à 350 millions.
La DPA et la DPI ne sont pas à mettre sur la même échelle puisqu'elles concernent respectivement 1 100 et 115 000 entreprises. La dépense fiscale est de 2 millions pour la DPA et de 305 millions pour la DPI. Vous avez souhaité renforcer la DPA ce qui permettra une meilleure couverture face aux aléas économiques.
Sur l'ONF, je tiens à éviter toute mauvaise interprétation sur le départ de mon directeur de cabinet. Nous nous connaissons depuis des années et nous avons toujours remarquablement bien travaillé ensemble, en véritables partenaires politiques. Une opportunité se présentait à lui et je m'en réjouis. N'ayez crainte, son successeur sera également excellent. L'audition de demain permettra à Pascal Viné d'exposer en détail sa vision et le projet qu'il a pour l'ONF.
En 2011, nous allons consacrer 19,7 millions pour la promotion internationale des produits et du modèle agro-alimentaire français. Nous consacrerons au maximum 15 millions à la délégation de service public de la Sopexa qui court jusqu'en 2012. Je crois au maintien d'un instrument spécifique pour soutenir les exportations des produits agro-alimentaire et je suis opposé à la fusion entre la Sopexa et Ubifrance, dont les relations se sont d'ailleurs améliorées. L'industrie agroalimentaire est un domaine à part entière : 400 000 emplois en dépendent et ce secteur compte pour beaucoup dans notre balance commerciale.
L'Union européenne accorde des crédits à la France pour soutenir ses exportations, or seuls 8 % sont consommés pour la promotion vers les pays tiers, comme la Chine ou l'Amérique du sud, tout le reste étant consacré aux pays européens, alors que ce sont les pays émergents qui connaissent la croissance la plus forte. Au Salon international de l'alimentation, j'ai constaté que les Italiens avaient réussi à imposer une seule marque italienne, identifiable partout dans le monde, avec des indications régionales. Pourquoi poursuivons-nous nos querelles de chapelle et ne sommes-nous capables d'avoir une marque France, clairement identifiable au Japon, en Inde, en Chine, au Canada ou au Brésil ? Il est temps d'y travailler ! Les filières professionnelles doivent se remettre en question. Ainsi, le travail engagé pour la viticulture doit se poursuivre. Nous produisons 47 millions d'hectolitres de vin chaque année, dont la moitié en AOC. Est-ce raisonnable ? Je suis persuadé du contraire.
Enfin, la question du coût du travail dans l'industrie agro-alimentaire est vitale. Nous avons fait des efforts pour le travail occasionnel. Nous devons nous pencher sur le travail permanent, et j'attends vos propositions. Nous devrons aussi poser un jour ou l'autre la question de l'harmonisation sociale européenne pour éviter des distorsions de concurrence insupportables pour nos agriculteurs. Est-il normal qu'il existe des contrats de service dans certains pays européens et pas dans d'autres ? Est-il normal que certains salariés dans les abattoirs allemands puissent être embauchés pour un travail pénible à 6 euros de l'heure alors que les nôtres le sont à 14 ou 15 euros ?
Je continuerai à me battre pour une harmonisation des règles européennes. On ne peut demander à nos éleveurs d'être compétitifs et de rogner un centime d'euro par kilo de carcasse tout en leur interdisant, en matière de transport, d'utiliser des 44 tonnes, comme en Allemagne : cela représente 10 centimes supplémentaire par kilo de carcasse ! De tels choix engagent la survie de la filière toute entière.
A marché unique, je souhaite des règles uniques.
J'en viens aux questions de Raymond Vall. L'hydraulique est un sujet majeur : le Conseil de modernisation des politiques publiques a mis fin en 2008 au financement de l'État pour tous les travaux hydrauliques agricoles, en dehors des ouvrages domaniaux et des concessions de l'État. Nous allons mettre en place divers programmes, notamment sur la question des tuyaux et des relais hydrauliques. Avec les collectivités territoriales et les agences de l'eau, nous devrons nous accorder sur le partage de ces financements.
On ne peut pas demander des efforts à l'État en matière de crédits de fonctionnement et parallèlement exonérer les chambres d'agriculture de toute réduction de leurs dépenses de fonctionnement. La baisse des subventions de l'État est progressive : 14,7 millions en 2010, 8 millions en 2011 et 3 millions en 2012. L'année prochaine, les chambres d'agriculture verront leur budget baisser de 6,7 millions, soit 1 % de leur budget total. Dans mon ministère, je réduis mes dépenses de fonctionnement de 5 %. Nous avons prévu une augmentation de 1,5 % de la taxe pour les chambres et il sera possible de prévoir des taux différenciés par département pouvant aller jusqu'à 3 %. Tout cela doit permettre d'opérer le transfert des missions des ADASEA aux chambres d'agriculture dans les meilleures conditions possibles.
Enfin, Joël Bourdin m'a interrogé sur le soutien à la filière bovine. Dans de nombreuses filières, de vraies réformes structurelles ont été mises en place. Ce fut le cas dans les secteurs laitier, des fruits et légumes, et pour la viticulture. Reste la filière de l'élevage, notamment bovin. Le revenu moyen des éleveurs de bovins, c'est 40 % du revenu moyen agricole, qui est lui-même inférieur de 15 % au revenu moyen des salariés français. Ces éleveurs sont donc dans une situation de grande détresse. Nous avons proposé des plans de développement et des aides immédiates. Mais les subventions n'ont jamais réglé les problèmes. Nous sommes donc convenus aujourd'hui même avec les représentants de la filière de mettre en place un plan d'urgence qui tient en trois points. Il est indispensable que tous les acteurs de la filière jouent le jeu, surtout dans le secteur de l'abattage, pour que les prix remontent rapidement. Si tel n'est pas le cas, aucune discussion ne sera possible car les éleveurs refuseront de se mettre autour de la table des négociations. J'ose espérer que les résultats se feront sentir rapidement, c'est la condition sine qua non. Deuxième point : l'interprofession va se réunir pour traiter d'un certain nombre de sujets qui n'ont jamais été examinés depuis des années. Or, cette réunion marque une avancée importante car cela faisait des mois que ses représentants ne se parlaient plus ! Ils doivent apprendre à renouer le dialogue : tous les acteurs ont pris l'engagement d'être là demain matin, en présence d'un médiateur.
J'ai proposé divers chantiers : la valorisation des carcasses en fonction de l'origine des bêtes. Il n'est pas normal que le prix directeur en matière d'élevage soit fixé par rapport à celui de la vache de réforme. Tous ceux qui font de la race à viande, Salers, Charolais, Blonde d'Aquitaine... se retrouvent systématiquement dévalorisés. L'échelonnage du produit doit donc être beaucoup plus strict car la force de la France, c'est la qualité.
Deuxième chantier : la question de l'évaluation des carcasses. Ce sujet est majeur, mais on ne dispose pas aujourd'hui d'instruments d'évaluation fiables aux yeux des éleveurs. Il n'est pas possible de valoriser les avants ou les arrières : on ne sait que peser l'ensemble de la carcasse. Il existe des machines pour faire cela, mais elles sont coûteuses. Elles auraient dû être installées depuis des années et elles ne le seront qu'en 2012. On ne va pas attendre jusque là ! J'ai demandé à l'interprofession de hâter les choses et si elle n'y parvient pas, je publierai un décret.
Troisième chantier : les contrats. On m'explique depuis des mois que cela ne se fait pas dans l'élevage mais les éleveurs sont sans ressources, ce qui prouve que le système actuel ne fonctionne pas. Je m'attends à des oppositions mais je dois garantir le revenu des éleveurs !
Enfin, j'ai demandé au président de l'Observatoire des prix et des marges de me remettre d'ici la fin de l'année un rapport sur les prix et les marges dans la filière de l'élevage bovin. Je n'arrive en effet pas à comprendre pourquoi une entrecôte à 17 euros dans la grande distribution n'est payée que 3 euros au producteur. Où passent les 14 euros manquants ?
Contrairement à ce que croient certaines bonnes âmes, l'agriculture est facilement délocalisable. Si on ne défend pas nos filières agricoles, elles partiront ailleurs. La viande viendra d'Amérique du sud, les fruits et légumes seront produits en Afrique du nord et notre agriculture disparaîtra. Il est indispensable de tout faire pour éviter la désespérance et les fermetures d'exploitations.
Pour ce qui est de l'ONF, seules une dizaine de maisons forestières sont en cours de vente alors qu'une centaine de cessions était prévue. Cela rapportera 2,5 millions au lieu des 10 millions espérés. Pascal Viné a donc du travail en perspective. (Sourires)