Intervention de Philippe Bas

Commission des affaires sociales — Réunion du 17 juin 2009 : 1ère réunion
Bioéthique — Audition de M. Philippe Bas président du groupe de travail du conseil d'etat sur la révision des lois de bioéthique

Photo de Philippe BasPhilippe Bas, président du groupe de travail du Conseil d'Etat :

a souligné à titre liminaire le caractère relativement imprécis de la notion de bioéthique et noté qu'il faudrait plutôt parler de l'éthique biomédicale, de l'éthique de l'usage des progrès scientifiques qui peuvent concerner la vie humaine.

Saisi par le Gouvernement d'une mission d'évaluation de la mise en oeuvre de la loi de 2004, le Conseil d'Etat a constitué -comme il l'avait déjà fait en 1988 et en 1999- un groupe de travail d'une vingtaine de personnes, dans lequel les membres du Conseil d'Etat étaient minoritaires, réunissant des personnalités ayant une expertise dans tous les domaines sur lesquels portait la saisine, mais n'ayant pas pris de positions publiques sur ces sujets : l'idée était en effet de favoriser une réflexion commune de personnes très ouvertes sur toutes les questions qu'il convenait de soulever.

Le groupe de travail a très vite constaté que peu de questions nouvelles se sont posées depuis 2004 car, en 1994 et en 2004, le législateur a déjà débattu de l'ensemble des sujets et leur a apporté des réponses.

Il a poursuivi ses travaux pendant près d'un an, procédé à soixante auditions et élaboré un rapport qui a été amendé puis approuvé par l'assemblée générale du Conseil d'Etat.

Ce rapport ne constitue qu'une contribution parmi d'autres à la réflexion du législateur, avec celles du comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé, de l'académie de médecine, du conseil de l'agence française de biomédecine, et le groupe de travail lui-même a pris en compte les travaux du Sénat évoqués par le président Jean-Jacques Hyest.

Les membres du groupe de travail ont partagé la conviction exprimée par le président Nicolas About que les principes dégagés par le législateur en 1994 et 2004 ne sont pas des principes contingents, subordonnés à l'état des connaissances ou des moeurs, mais des principes faits pour durer.

C'est pourquoi le rapport préconise que le législateur veuille bien considérer que l'on est entré, en quelque sorte, dans un « régime de croisière », que les lois doivent s'affirmer comme permanentes et non plus temporaires, et qu'il n'est plus nécessaire, par conséquent, de remettre tous les cinq ans l'ouvrage sur le métier. Il est important, en effet, que le législateur dise qu'il ne faut pas revenir sur des principes qui sont des principes fondamentaux et non contingents.

a également évoqué les enseignements tirés par le groupe de travail des analyses de droit comparé auxquelles il a procédé : la France est le seul grand pays qui se soit doté d'une législation d'ensemble fondée sur l'affirmation de principes. L'idée de s'inspirer des exemples étrangers sur telle ou telle question comporterait le risque d'un alignement sur le « moins-disant éthique ».

Il faut certes prendre en compte les expériences des autres pays mais ce n'est pas parce qu'une chose est autorisée dans un pays voisin qu'il faut l'autoriser en France.

Cela ne veut pas dire que la coopération européenne et internationale n'est pas nécessaire. Mais il faut placer la barre très haut car, s'il existe de profondes divergences avec d'autres pays, y compris parmi ceux qui partagent les valeurs françaises, ce n'est pas une raison pour renoncer aux principes affirmés par la législation, qui ont une valeur universelle, et ne pas maintenir les règles qui en découlent.

Exposant l'approche du groupe de travail, M. Philippe Bas a rappelé les principes sur lesquels peut se fonder la loi de bioéthique.

Il faut d'abord prendre en compte le respect de la liberté, au sens de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, c'est-à-dire un droit naturel, qui existe en dehors de toute reconnaissance, qui est « imprescriptible, inaliénable, inviolable et sacré ». Le législateur ne peut intervenir que pour poser des limites à des libertés privées, lorsque leur usage est susceptible de nuire à autrui, lorsqu'il doit prendre en compte les principes d'organisation collective de la société ou lorsqu'il peut porter atteinte à d'autres droits relatifs à l'organisation collective de la société, à la dignité humaine, au respect de la vie.

Ainsi, une personne qui veut bénéficier des possibilités de la procréation médicale assistée (PMA) exerce en quelque sorte un « droit de tirage » sur la collectivité, qui concerne le système médical, l'hôpital et la sécurité sociale.

Le droit à la liberté doit aussi respecter la dignité de la personne humaine, qui a valeur constitutionnelle, mais dont tous n'ont pas la même définition, même si tous s'accordent sur sa prééminence.

Il doit de même être concilié avec le principe du respect de la personne humaine dès le commencement de la vie, reconnu par la loi sur l'interruption volontaire de grossesse, et le principe de non-patrimonialité du corps humain, qui ne peut être vendu, loué, ni prêté.

Le législateur doit donc intervenir quand il y a lieu de définir un équilibre entre le respect de la liberté et celui d'autres droits ou principes et quand il faut empêcher que l'exercice de la liberté porte atteinte aux droits du plus faible.

En recherchant, sur chaque sujet, les principes à appliquer et les solutions qui doivent en résulter, le groupe de travail du Conseil d'Etat a constaté que la loi est plutôt bien faite et répond aux principales questions que l'on peut se poser. Le législateur a affirmé des principes et défini les règles qui en découlent.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion