Intervention de Alain Dufaut

Commission des affaires culturelles, familiales et sociales — Réunion du 14 mai 2008 : 1ère réunion
Sports — Lutte contre le trafic de produits dopants - examen du rapport

Photo de Alain DufautAlain Dufaut, rapporteur :

a rappelé les grandes étapes de la politique de lutte contre le dopage en exprimant l'idée qu'elle était une politique par nature évolutive, sans cesse amenée à être corrigée, adaptée et renforcée.

Tout d'abord, la loi du 1er juin 1965, initiée par M. Maurice Herzog, a fait de la France l'un des premiers pays à se doter d'une législation réprimant le dopage. M. Alain Dufaut a noté qu'elle avait rapidement produit ses premiers effets : Désiré Lefort, qui avait été déclaré positif après sa victoire au championnat de France cycliste en 1967 n'avait pas pu participer aux championnats du monde l'année suivante.

Toutefois, l'inefficacité des sanctions pénales et le faible nombre de contrôles ont conduit, 20 ans après, à une nouvelle intervention du législateur. La loi du 28 juin 1989, portée par M. Roger Bambuck, a ainsi mis en place la Commission nationale de lutte contre le dopage et défini de nouvelles sanctions.

Puis au lendemain de « l'affaire Festina », la loi du 23 mars 1999 a réprimé le délit de pourvoyeur de produits dopants et attribué le pouvoir de sanction disciplinaire aux fédérations.

a souligné que ces différentes lois avaient eu un impact positif, mais que l'internationalisation de la lutte antidopage, et notamment l'instauration du code mondial antidopage, avait ensuite imposé un rapprochement des différentes législations nationales. Tel a été l'objet, en France, de la loi du 5 avril 2006, initiée par M. Jean-François Lamour, qui a doté l'Agence française de lutte contre le dopage de pouvoirs étendus en matière de contrôle, d'analyses et de sanctions.

Le rapporteur a jugé le bilan de l'application de cette loi très positif : en effet, la France est l'un des pays où le plus grand nombre de contrôles est réalisé avec 8.500 contrôles annuels, la plupart inopinés. Les sportifs français participant aux Jeux olympiques de Pékin auront ainsi tous été contrôlés au moins une fois pendant l'année 2008. Considérant que l'action de l'Agence française de lutte contre le dopage était de plus en plus dissuasive et efficace, il s'est félicité de ce qu'à l'initiative de la commission des affaires culturelles sa dotation ait été augmentée de 300.000 euros dans la loi de finances pour 2008.

Evoquant l'évolution de la lutte antidopage au niveau mondial, marquée par l'adoption, dans le cadre de l'UNESCO, de la Convention internationale contre le dopage dans le sport, qui permet de fixer un cadre juridique contraignant pour l'application du code mondial antidopage, M. Alain Dufaut, rapporteur, a insisté sur l'idée que la mise en place d'outils internationaux était nécessaire pour garantir l'équité des compétitions et préserver la santé des sportifs.

Il a affirmé, en outre, que la lutte contre le dopage devait être complétée par des mesures coercitives à l'encontre des « dopeurs », à savoir l'entourage du sportif et les personnes constituant les filières de produits dopants.

Il a souligné, à cet égard, qu'il était fréquent que l'entourage du sportif, constitué des entraîneurs, des soigneurs et des dirigeants des équipes sportives, lui conseille, voire lui impose, de prendre des substances interdites.

Le rapporteur a cité, par ailleurs, différents maillons de la « chaîne du dopage », composée des producteurs, des fabricants, des distributeurs, des transporteurs, et des revendeurs de substances et procédés dopants. S'inquiétant du faible nombre d'actions judiciaires menées contre ces « dealers du dopage », il a estimé que deux raisons principales pouvaient l'expliquer.

La première est que le trafic de produits dopants n'est pas interdit. Par conséquent, pour enclencher une action judiciaire en matière de trafic de produits dopants, il faut :

- soit que les produits concernés soient considérés comme « vénéneux » au sens du code de la santé publique ;

- soit que ces produits soient des stupéfiants, dont la détention est pénalement réprimée ;

- soit qu'il existe des indices très sérieux que cette personne cède, offre, administre, ou applique ces substances à un sportif ; il s'agit alors du « délit de pourvoyeur », sur la base duquel très peu de personnes ont jusqu'ici été condamnées.

La deuxième raison est que le sportif n'est jamais concerné par les actions judiciaires, puisque la détention n'est pas répréhensible. Un sportif n'est ainsi jamais entendu par les enquêteurs, ce qui pourrait pourtant l'inciter à révéler des informations sur ses sources d'approvisionnement.

en a conclu qu'il était nécessaire de mettre en place une législation pénale spécifique en matière de dopage et s'est réjoui, à ce titre, du dépôt du projet de loi, dont tel est le principal objet. En effet, ce texte propose de créer de nouvelles incriminations de détention de produits dopants s'agissant des sportifs, et de détention, de fabrication, de production, d'importation, d'exportation et de transport illicites de produits dopants pour ceux qui structurent la filière du dopage.

Bien que la détention de produits dopants par un sportif soit punie d'un an d'emprisonnement, le rapporteur a estimé qu'il ne s'agissait pas tant de condamner les sportifs que de faciliter la mise en oeuvre des pouvoirs de police judiciaire, dès lors que des raisons sérieuses laissent à penser que le sportif détient ce type de produits. Il a rappelé qu'il n'y avait pas d'enquête préliminaire sans incrimination pénale, ce qui nuit aux efforts de démantèlement des filières dopantes.

Il a souligné que, dans le cas d'une enquête de flagrance, la nouvelle incrimination permettrait désormais d'effectuer des perquisitions sur commission rogatoire du juge, ce qui n'est quasiment pas possible pour l'instant, évoquant à cet égard l'absence de perquisition dans l'hôtel de l'équipe Astana pendant le Tour de France en 2007, en dépit d'une enquête diligentée par le procureur de la République de Pau.

Pour ces différentes raisons, M. Alain Dufaut, rapporteur, s'est déclaré très favorable à cette disposition.

Il a ensuite fait part de sa pleine adhésion à la proposition d'inscrire dans la loi l'incrimination de trafic de substances et procédés dopants, afin que soit sanctionné l'ensemble des acteurs du dopage, du fabriquant au revendeur.

Enfin, il a rapidement décrit les autres mesures du projet de loi visant à compléter le code du sport, notamment pour renforcer les pouvoirs de l'Agence française de lutte contre le dopage, conformément aux souhaits qu'elle avait exprimés dans son rapport d'activité de 2006, et celles tendant à harmoniser les dispositions relatives au dopage animal avec les nouvelles incriminations instituées par le projet de loi.

Rappelant, enfin, que le projet de loi s'inscrivait dans une démarche d'amélioration de notre législation afin de l'adapter à l'évolution des pratiques dopantes et des avancées de la lutte antidopage au niveau mondial, M. Alain Dufaut, rapporteur, a souligné qu'il répondait aux attentes des enquêteurs de la lutte contre le dopage et du monde sportif.

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