La commission a procédé à l'examen du rapport de M. Alain Dufaut sur le projet de loi n° 309 (2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale en première lecture après déclaration d'urgence, relatif à la lutte contre le trafic de produits dopants.
a rappelé les grandes étapes de la politique de lutte contre le dopage en exprimant l'idée qu'elle était une politique par nature évolutive, sans cesse amenée à être corrigée, adaptée et renforcée.
Tout d'abord, la loi du 1er juin 1965, initiée par M. Maurice Herzog, a fait de la France l'un des premiers pays à se doter d'une législation réprimant le dopage. M. Alain Dufaut a noté qu'elle avait rapidement produit ses premiers effets : Désiré Lefort, qui avait été déclaré positif après sa victoire au championnat de France cycliste en 1967 n'avait pas pu participer aux championnats du monde l'année suivante.
Toutefois, l'inefficacité des sanctions pénales et le faible nombre de contrôles ont conduit, 20 ans après, à une nouvelle intervention du législateur. La loi du 28 juin 1989, portée par M. Roger Bambuck, a ainsi mis en place la Commission nationale de lutte contre le dopage et défini de nouvelles sanctions.
Puis au lendemain de « l'affaire Festina », la loi du 23 mars 1999 a réprimé le délit de pourvoyeur de produits dopants et attribué le pouvoir de sanction disciplinaire aux fédérations.
a souligné que ces différentes lois avaient eu un impact positif, mais que l'internationalisation de la lutte antidopage, et notamment l'instauration du code mondial antidopage, avait ensuite imposé un rapprochement des différentes législations nationales. Tel a été l'objet, en France, de la loi du 5 avril 2006, initiée par M. Jean-François Lamour, qui a doté l'Agence française de lutte contre le dopage de pouvoirs étendus en matière de contrôle, d'analyses et de sanctions.
Le rapporteur a jugé le bilan de l'application de cette loi très positif : en effet, la France est l'un des pays où le plus grand nombre de contrôles est réalisé avec 8.500 contrôles annuels, la plupart inopinés. Les sportifs français participant aux Jeux olympiques de Pékin auront ainsi tous été contrôlés au moins une fois pendant l'année 2008. Considérant que l'action de l'Agence française de lutte contre le dopage était de plus en plus dissuasive et efficace, il s'est félicité de ce qu'à l'initiative de la commission des affaires culturelles sa dotation ait été augmentée de 300.000 euros dans la loi de finances pour 2008.
Evoquant l'évolution de la lutte antidopage au niveau mondial, marquée par l'adoption, dans le cadre de l'UNESCO, de la Convention internationale contre le dopage dans le sport, qui permet de fixer un cadre juridique contraignant pour l'application du code mondial antidopage, M. Alain Dufaut, rapporteur, a insisté sur l'idée que la mise en place d'outils internationaux était nécessaire pour garantir l'équité des compétitions et préserver la santé des sportifs.
Il a affirmé, en outre, que la lutte contre le dopage devait être complétée par des mesures coercitives à l'encontre des « dopeurs », à savoir l'entourage du sportif et les personnes constituant les filières de produits dopants.
Il a souligné, à cet égard, qu'il était fréquent que l'entourage du sportif, constitué des entraîneurs, des soigneurs et des dirigeants des équipes sportives, lui conseille, voire lui impose, de prendre des substances interdites.
Le rapporteur a cité, par ailleurs, différents maillons de la « chaîne du dopage », composée des producteurs, des fabricants, des distributeurs, des transporteurs, et des revendeurs de substances et procédés dopants. S'inquiétant du faible nombre d'actions judiciaires menées contre ces « dealers du dopage », il a estimé que deux raisons principales pouvaient l'expliquer.
La première est que le trafic de produits dopants n'est pas interdit. Par conséquent, pour enclencher une action judiciaire en matière de trafic de produits dopants, il faut :
- soit que les produits concernés soient considérés comme « vénéneux » au sens du code de la santé publique ;
- soit que ces produits soient des stupéfiants, dont la détention est pénalement réprimée ;
- soit qu'il existe des indices très sérieux que cette personne cède, offre, administre, ou applique ces substances à un sportif ; il s'agit alors du « délit de pourvoyeur », sur la base duquel très peu de personnes ont jusqu'ici été condamnées.
La deuxième raison est que le sportif n'est jamais concerné par les actions judiciaires, puisque la détention n'est pas répréhensible. Un sportif n'est ainsi jamais entendu par les enquêteurs, ce qui pourrait pourtant l'inciter à révéler des informations sur ses sources d'approvisionnement.
en a conclu qu'il était nécessaire de mettre en place une législation pénale spécifique en matière de dopage et s'est réjoui, à ce titre, du dépôt du projet de loi, dont tel est le principal objet. En effet, ce texte propose de créer de nouvelles incriminations de détention de produits dopants s'agissant des sportifs, et de détention, de fabrication, de production, d'importation, d'exportation et de transport illicites de produits dopants pour ceux qui structurent la filière du dopage.
Bien que la détention de produits dopants par un sportif soit punie d'un an d'emprisonnement, le rapporteur a estimé qu'il ne s'agissait pas tant de condamner les sportifs que de faciliter la mise en oeuvre des pouvoirs de police judiciaire, dès lors que des raisons sérieuses laissent à penser que le sportif détient ce type de produits. Il a rappelé qu'il n'y avait pas d'enquête préliminaire sans incrimination pénale, ce qui nuit aux efforts de démantèlement des filières dopantes.
Il a souligné que, dans le cas d'une enquête de flagrance, la nouvelle incrimination permettrait désormais d'effectuer des perquisitions sur commission rogatoire du juge, ce qui n'est quasiment pas possible pour l'instant, évoquant à cet égard l'absence de perquisition dans l'hôtel de l'équipe Astana pendant le Tour de France en 2007, en dépit d'une enquête diligentée par le procureur de la République de Pau.
Pour ces différentes raisons, M. Alain Dufaut, rapporteur, s'est déclaré très favorable à cette disposition.
Il a ensuite fait part de sa pleine adhésion à la proposition d'inscrire dans la loi l'incrimination de trafic de substances et procédés dopants, afin que soit sanctionné l'ensemble des acteurs du dopage, du fabriquant au revendeur.
Enfin, il a rapidement décrit les autres mesures du projet de loi visant à compléter le code du sport, notamment pour renforcer les pouvoirs de l'Agence française de lutte contre le dopage, conformément aux souhaits qu'elle avait exprimés dans son rapport d'activité de 2006, et celles tendant à harmoniser les dispositions relatives au dopage animal avec les nouvelles incriminations instituées par le projet de loi.
Rappelant, enfin, que le projet de loi s'inscrivait dans une démarche d'amélioration de notre législation afin de l'adapter à l'évolution des pratiques dopantes et des avancées de la lutte antidopage au niveau mondial, M. Alain Dufaut, rapporteur, a souligné qu'il répondait aux attentes des enquêteurs de la lutte contre le dopage et du monde sportif.
La commission a ensuite procédé à l'examen des articles du projet de loi.
A l'article premier (Interdictions applicables aux sportifs en matière de produits dopants), la commission a adopté un amendement visant à définir un nouvel équilibre des conditions d'application de l'incrimination de détention de produits dopants. D'une part, afin de faciliter le travail des enquêteurs, cet amendement supprime la condition selon laquelle l'infraction de détention de produits dopants ne peut être constituée que s'il est démontré que les substances et procédés dopants détenus ont pour objectif un usage personnel du sportif. Il limite, d'autre part, l'incrimination de détention aux seules substances et procédés les plus dopants, tels que définis par l'Agence mondiale antidopage.
A l'article 2 (Interdictions applicables à toute personne en matière de produits dopants), la commission a adopté un amendement rédactionnel.
La commission a ensuite adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 2 ouvrant la possibilité pour l'Agence française de lutte contre le dopage d'effectuer un contrôle antidopage pendant la garde à vue d'un sportif soupçonné du délit de détention, de pourvoyeur ou de trafic de produits dopants.
La commission a adopté sans modification les articles 3 (Information du procureur de la République en cas de constat d'infraction à l'occasion d'un contrôle), 4 (Saisies par les agents chargés du contrôle) et 5 (Modalités d'échange d'informations entre autorités publiques).
A l'article 6 (Quantum des peines applicables), la commission a adopté un amendement rédactionnel, qui a entraîné, par coordination, l'adoption d'un amendement de suppression de l'article 7 (Peines complémentaires).
Elle a adopté l'article 8 (Constitution de partie civile par l'Agence française de lutte contre le dopage) sans modification.
A l'article 9 (Mesure de coordination relative au régime des autorisations pour usage à des fins thérapeutiques), elle a adopté un amendement de réécriture du deuxième alinéa de l'article L. 232-2 du code du sport.
A l'article 10 (Reconnaissance de l'Agence mondiale antidopage - Missions de l'Agence française de lutte contre le dopage), la commission a adopté un amendement rédactionnel, précisant les compétitions et manifestations sportives relevant de la compétence de l'Agence française de lutte contre le dopage.
Les articles 11 (Précision terminologique), 12 (Coordination), 13 (Rectification d'une erreur matérielle) et 14 (Caractère suspensif de la saisine de l'Agence française de lutte contre le dopage) ont été adoptés sans modification par la commission.
Puis la commission a adopté un article additionnel après l'article 14 visant à autoriser l'Agence française de lutte contre le dopage à demander à une fédération sportive le déclassement d'un sportif non licencié en France ayant commis une infraction à la législation antidopage lors d'une compétition ou manifestation sportive qu'elle a organisée ou autorisée.
A l'article 15 (Application des décisions disciplinaires des autorités de Nouvelle-Calédonie), la commission a adopté un amendement de codification.
Puis elle a adopté sans modification les articles 16 (Incrimination du fait de ne pas respecter les décisions disciplinaires des fédérations sportives) et 16 bis (Adaptation du droit français au droit communautaire en matière de contrôle de précurseurs chimiques).
A l'article 17 (Régime des infractions pénales en matière de dopage animal), la commission a adopté un amendement rédactionnel.
A l'article 18 (Précision relative au régime du contrôle en matière de dopage animal), elle a adopté un amendement visant à garantir la sécurité juridique des prélèvements effectués sur les animaux dans le cadre des contrôles antidopage.
Les articles 19 (Précision relative au régime des sanctions administratives en matière de dopage animal) et 20 (Lutte contre le trafic de produits dopants en Nouvelle-Calédonie) ont été adoptés sans modification.
La commission a enfin adopté deux amendements tendant à insérer deux articles additionnels après l'article 20. Le premier vise à ratifier l'ordonnance n° 2007-1389 du 27 septembre 2007 relative aux contrôles, au constat des infractions et aux sanctions en matière de lutte contre le dopage et de protection de la santé des sportifs en Nouvelle Calédonie. Le second tend à faire bénéficier l'Agence française de lutte contre le dopage des mêmes modalités spécifiques que celles appliquées pour le ministère des sports avant la création de l'Agence, pour le calcul des charges sociales afférentes aux rémunérations de leurs préleveurs.
a estimé que la démarche de la commission avait été pragmatique et que le texte permettrait de renforcer à la fois l'éthique sportive et l'intégrité physique et morale des sportifs.
La commission a adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.