Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi est pour le moins ambitieux. En effet, il ne vise pas moins qu’à redynamiser la démocratie sociale, à assouplir l’organisation du temps de travail, à relégitimer les syndicats en améliorant leur représentativité et à s’affranchir des contraintes liées aux 35 heures.
Lorsque l’on connaît les difficultés du dialogue social et la réalité de la vie économique, peut-on ne pas souscrire à de tels objectifs ? Cela me semble difficile.
Cela étant, par-delà une ambition et un volontarisme politique bienvenus, l’architecture de ce projet de loi ne nous semble pas couler de source et son contenu apparaît quelque peu déséquilibré.
Le présent texte met en effet en parallèle, et sur un pied d’égalité, deux volets qui, pourtant, ne relèvent pas de la même logique procédurale et ne visent pas le même aboutissement législatif.
Tandis que la partie du projet de loi consacrée à la démocratie sociale s’appuie sur une concertation substantielle, formalisée par la position commune du 9 avril 2008, et porte une réforme structurelle de la représentativité syndicale, le volet relatif à la réforme du temps de travail va très largement au-delà du seul article de la position commune traitant de cette question… mais en ne réformant l’aménagement du temps de travail que par touches et contournement.
Alors, pourquoi avoir voulu traiter de l’un et de l’autre sujets au sein du même véhicule législatif ?
Le choix fait par le Gouvernement n’ôte rien à l’importance du texte en matière de représentativité syndicale. La représentativité des syndicats, c’était le serpent de mer de la démocratie sociale. Jusqu’alors, aucun gouvernement n’avait osé s’y attaquer. Celui-ci le fait. C’était une nécessité, une urgence même, car les critères de représentativité, inchangés depuis 1946, étaient totalement obsolètes.
Partenaires sociaux et Gouvernement ont voulu prendre à bras-le-corps la question de la représentativité syndicale, mais le résultat est-il positif ? À notre avis, oui, même si cette affirmation mérite d’être nuancée.
La réforme proposée démocratisera vraiment la représentativité syndicale, renforçant potentiellement les organisations. Pourtant, elle pourrait, dans le même temps, fragiliser ces mêmes organisations, à tout le moins certaines d’entre elles, et c’est bien là le paradoxe.
Oui, indéniablement, la réforme qui est proposée démocratisera le dialogue social, d’une manière positive en fondant la légitimité des organisations sur des critères pleinement démocratiques, et négativement en battant en brèche tous les archaïsmes liés aux anciens critères de représentativité.
Positivement, les nouveaux critères de représentativité établis par le présent texte et issus de la position commune – respect des valeurs républicaines, indépendance, transparence financière, ancienneté minimale, audience, influence, effectifs et cotisations – sont bien de nature à renforcer la légitimité des syndicats de salariés et à redynamiser la démocratie sociale.
Arrêtons-nous un instant sur certains de ces critères.
L’influence, tout d’abord, est un critère jurisprudentiel très pertinent désormais intégré au corpus législatif. Il est éminemment démocratique puisqu’il évalue la capacité d’une organisation à mobiliser et à peser dans le débat.
Ensuite, les critères de la transparence financière et de l’audience sont, eux aussi, déterminants pour démocratiser le dialogue social.
Ce n’est donc pas un hasard si ces critères sont détaillés dans le projet de loi.
L’article 8, consacré aux ressources et moyens des organisations syndicales et professionnelles, est porteur d’une avancée significative en ce qu’il impose une obligation de transparence financière aux syndicats. Dorénavant, ceux-ci auront l’obligation d’assurer la certification et la publicité de leurs comptes.
En outre, la possibilité de créer, par accord ou convention, une ressource assise sur la masse salariale assurera le financement du dialogue social tout en n’imposant pas aux entreprises de payer deux fois, puisque toutes leurs dépenses engagées au titre du dialogue social pourront être déductibles de l’assiette de cette nouvelle contribution.
Ces règles sont fondamentales et nous y sommes très favorables, en particulier parce qu’elles permettront d’organiser le dialogue social dans les branches composées de très petites entreprises au sein desquelles des négociations internes ne peuvent avoir lieu.
C’est pourquoi il nous paraît important qu’elles puissent entrer en vigueur en même temps que l’ensemble de la loi, et non à partir du 30 juin 2009 comme le prévoit actuellement le texte, tel qu’amendé par l’Assemblée nationale. Nous avons déposé un amendement en ce sens, aucune raison valable ne nous semblant justifier un tel différé.
L’autre critère fondateur de la nouvelle représentativité syndicale est bien sûr l’audience, un critère qui substitue une légitimité réellement démocratique, fondée sur le vote, à une légitimité historique, héritée du passé. Dans son principe, nous ne pouvons qu’adhérer à cette mesure.
Je l’ai dit, la présente réforme démocratisera le dialogue social positivement en fondant sa légitimité sur des critères démocratiques, mais aussi négativement en tirant les conséquences de cette rénovation des critères de légitimité, c’est-à-dire en battant en brèche, un à un, tous les archaïsmes associés aux anciens critères.
Premier archaïsme, de taille : la présomption irréfragable de représentativité. Elle disparaît, c’est un grand pas en avant.