Je voudrais faire quelques remarques sur l’état d’esprit qui préside à notre discussion.
Un débat a actuellement lieu sur la démocratie locale, la décentralisation et les collectivités territoriales, au cours duquel le Gouvernement n’a de cesse de répéter qu’il faut introduire de l’ordre et de la rationalité et lutter contre le millefeuille des structures. Monsieur le secrétaire d'État, nous l’avons déjà fait remarquer, n’est-il pas dès lors contradictoire d’ajouter la Société du Grand Paris aux organismes qui exercent déjà les mêmes compétences ?
En réalité, la contradiction n’est qu’apparente, puisque, comme vous ne pouvez pas abolir la démocratie locale et les autres institutions, vous avez créé non pas une structure de plus, mais une société qui, par ses prérogatives dans un certain nombre de domaines – transport, aménagement, foncier –, supplantera la région, les municipalités et le STIF. Effectivement, ce n’est pas un ajout au millefeuille, c’est bien pis !
Lorsqu’on sera d’accord avec cette structure, il n’y aura pas de problèmes ; lorsque ce ne sera pas le cas, elle continuera de toute manière à avancer, en ne recevant d’ordre de personne sinon de l’État, sans s’embarrasser de la démocratie locale. Je connais cette thèse selon laquelle la démocratie nuit à l’efficacité, car les procédures sont lourdes, nécessitent du temps : il faudrait aller vite pour devenir la ville-monde et ne pas se laisser distancer par les grandes métropoles qui, elles, avancent !
De ma petite expérience d’élu local, j’ai appris que la démocratie, lorsqu’elle est bien comprise, a toujours été un gage d’efficacité, même si cela n’est pas visible immédiatement : elle garantit des projets réfléchis, durables et concertés, sur lesquels il n’y aura pas de couacs.
Le Président de la République avait annoncé que, pour être à la hauteur de nos ambitions et faire avancer un certain nombre de projets, il allait falloir simplifier la complexité si française de nos règles administratives, qui fait que tout prend du temps, et nous ne pouvons qu’être tous d’accord avec lui. Effectivement, le fait qu’une crèche mette cinq ans pour sortir de terre ne permet pas de répondre à des demandes immédiates.
Mais au lieu de s’engager dans cette voie, qui suppose d’ouvrir un véritable chantier législatif, on multiplie les dérogations pour ne plus avoir à s’embarrasser de ces règles. C’est cette conception recentralisatrice autoritaire que vous portez ici, monsieur le secrétaire d'État, et qui, in fine – nous sommes prêts à en prendre avec vous le pari –, ne sera pas efficace et ne nous fera pas gagner de temps. Vous verrez que, à chaque fois que vous voudrez passer en force, des organes de la démocratie locale – municipalités, région, STIF – demanderont la parole, ce qui alourdira le processus. Au final, les projets seront mal réalisés parce qu’ils n’auront pas fait l’objet d’une concertation.
La société que vous nous proposez n’est ni efficace ni conforme à l’idée de la démocratie qui est la nôtre, elle est un outil de guerre de l’État contre la région. Ma seule note d’optimisme, c’est que l’État ne sera pas toujours gouverné par votre majorité et que, à un moment donné – bientôt, je l’espère –…