Sur le plan social, votre projet de loi est profondément déstructurant, et je ne peux m’empêcher de vous rappeler, monsieur le ministre, que la santé et la sécurité au travail relèvent aussi de votre responsabilité. Comment donc ne pas faire le lien entre la disparition du repos compensateur, la hausse du nombre des salariés au forfait ou l’augmentation des heures supplémentaires, d’une part, et le développement des accidents du travail, des maladies professionnelles, du stress et parfois, malheureusement, des situations extrêmes, d’autre part ?
Ce sont là aujourd’hui de graves problèmes de santé publique, que les dispositions de ce texte ne manqueront pas d’aggraver, sans parler, en outre, de l’enlisement des négociations sur la pénibilité, que le patronat refuse toujours d’admettre. Voilà trois ans que l’on attend, mais, pour ce texte, vous n’avez pas attendu trois mois ! Il y a donc une différence de traitement !
Vous êtes également ministre chargé de la famille. Comment pouvez-vous penser que les dispositions de ce projet de loi permettront aux salariés de concilier vie professionnelle, vie privée et vie familiale ? À l’heure où le développement des nouvelles technologies permet déjà au travail d’envahir la sphère privée, ne croyez-vous pas que les dispositions de ce texte vont aggraver la situation ? Alors que le ministre de l’éducation nationale a récemment annoncé la suppression de l’école le samedi matin pour les enfants, ce seront maintenant les parents qui devront travailler plus !
Ce qui n’aura pas été, ou si peu, gagné en salaire malgré l’allongement du temps de travail sera perdu en frais de garde supplémentaires, sauf à laisser les enfants livrés à eux-mêmes, ce qui est plus grave encore. Un peu de cohérence gouvernementale serait bienvenue : le risque est réel que la cellule familiale se distende de plus en plus.
Vous êtes, enfin, ministre chargé de la solidarité : or ce texte ouvrira une concurrence totalement dérégulée à tous les niveaux, entre entreprises, entre salariés, entre salariés et chômeurs…
En privilégiant l’augmentation de la durée du travail pour les salariés à temps plein, vous oubliez ceux qui ont besoin de tout simplement travailler pour gagner leur vie : les chômeurs, les 1, 2 million de salariés qui sont à temps partiel, ceux qui sont mis en préretraite à 55 ans. Vous imposez des conditions de travail plus dures aux salariés, qui, au final, ne gagneront rien ou presque, mais vous renoncez toujours à taxer les stock-options selon le régime de droit commun. Belle solidarité nationale en vérité !
Je pense que vous commettez une erreur majeure en démantelant ainsi le droit du travail et notre modèle social. Le groupe socialiste votera donc résolument contre votre projet de loi.