Intervention de Alain Milon

Commission des affaires sociales — Réunion du 23 juin 2011 : 1ère réunion
Modification de la loi hôpital patients santé et territoires — Examen du rapport et du texte de la commission en deuxième lecture

Photo de Alain MilonAlain Milon, rapporteur :

Ce texte n'est plus celui que nous avions examiné début février : la proposition de loi « Fourcade » est devenue une proposition de loi « fourre-tout » ! Son auteur avait eu le mérite de bien sérier les problèmes et de limiter strictement le champ initial de la proposition de loi à certains sujets de la loi HPST, réservant à un autre texte les ajustements concernant, par exemple, l'hôpital. Je regrette l'invraisemblable prolifération d'articles subie par ce texte : seize dans sa première mouture puis trente après la première lecture au Sénat ; l'Assemblée nationale en a voté neuf conformes, a modifié les autres et en a ajouté quarante-cinq ! Nous devons donc examiner soixante-six articles, dans des délais - hélas comme toujours - particulièrement contraints.

Les députés ont introduit des sujets substantiels et divers, n'hésitant pas à reprendre plusieurs de leurs propositions de loi, dont l'examen était plus ou moins avancé. Je pense notamment au dépistage de la surdité, à l'implantation du dossier médical sur clé USB, au dépistage du saturnisme et à la publication sur internet des tarifs pratiqués par les cliniques. Parmi ces ajouts, trois nécessitent quelques explications complémentaires.

Je commencerai par la biologie médicale, qui fait l'objet de neuf articles consacrés à la réforme opérée par l'ordonnance du 13 janvier 2010.

Lorsqu'elle a discuté le projet de loi sur la bioéthique, l'Assemblée nationale a inopinément abrogé cette ordonnance. De façon tout aussi imprévue, elle a introduit cette fois une série d'articles - dont le dernier, numéroté 20 decies, comporte soixante-douze alinéas - qui procède à la ratification expresse, à tous les sens du terme, de cette ordonnance, tout en la modifiant sur de nombreux points. Ces dispositions de dernière heure concernent notamment la défense des laboratoires contre la mainmise de grands groupes financiers, la réalisation de prélèvements sanguins dans des cabinets d'infirmières, l'accès des vétérinaires au diplôme d'études spéciales (DES) de biologie médicale, les « ristournes », qui heurtent profondément les biologistes médicaux en raison des risques de dérive commerciale, la nomination de responsables hospitaliers non titulaires du DES de biologie médicale - ce dont le Sénat avait écarté le principe il y a quelques mois. Vient enfin l'accréditation, certes garantie de qualité, mais qui impose aux laboratoires privés des efforts de grande ampleur.

Tous les biologistes médicaux réagissent vivement à ces mesures inattendues. Les plus jeunes redoutent de ne plus avoir d'avenir, alors que l'ordonnance de 2010 avait suscité beaucoup d'espoir. Sans pouvoir satisfaire tous les intéressés, nous devons défendre une réforme qui avait rassemblé toute une profession autour d'une ambition commune.

Le deuxième sujet surprise apparaît à l'article 22, avec la modulation des prestations versées par les mutuelles. Sans le moindre lien avec l'objet du texte, cette disposition reprend l'article 1er d'une proposition de loi déposée par Yves Bur et Jean-Pierre Door, précédemment adoptée par l'Assemblée nationale. Elle tend à modifier le code de la mutualité pour autoriser les mutuelles à mieux rembourser leurs adhérents qui s'adressent à un professionnel ou à un établissement de santé avec qui elles ont contracté. Cette pratique est proscrite, ce que la Cour de cassation a récemment rappelé. Les autres organismes complémentaires d'assurance maladie échappant à cette interdiction, les mutuelles souhaitent qu'une modification législative mette fin à cette distorsion de concurrence.

Or, nul n'interdit aux mutuelles d'établir des relations contractuelles avec les prestataires de soins. Leur principe est parfaitement défendable, dès lors qu'elles procurent aux adhérents des prestations de qualité à des tarifs avantageux, tout en permettant aux professionnels d'élargir leur patientèle. En revanche, nous ignorons comment le dispositif fonctionne concrètement, surtout en matière de qualité des soins. Il est légitime de s'interroger sérieusement sur les incitations financières que les mutuelles souhaitent pratiquer. Sont-elles véritablement légales de la part des autres organismes complémentaires d'assurance maladie ? Je n'en suis pas certain, car le principe fondamental du libre choix est mis à mal pour les patients que leur manque de moyens oblige à choisir la solution la moins onéreuse. Dans ces conditions, ce que l'on nous demande d'adopter est très choquant.

J'en viens à la responsabilité civile des professionnels de santé, un sujet dont nous avons déjà amplement parlé, sans que les dispositifs adoptés n'apportent de solution d'ensemble satisfaisante.

L'article 24, rédigé par l'Assemblée nationale, tend à créer - au plus tard d'ici le 1er janvier 2013 - un dispositif de mutualisation assurantielle des risques civils professionnels encourus par les professionnels de santé libéraux, pour faire disparaître les « trous de garantie » qui subsistent encore. Concrètement, les intéressés devraient s'assurer à titre individuel pour au moins 8 millions d'euros par sinistre, le nouveau système mutualisé intervenant au-delà.

Le dispositif proposé est trop général ; il faudra des précisions. Il est en particulier souhaitable qu'il entre en vigueur avant la date du 1er janvier 2013 prévue par la proposition de loi.

Pour le reste du texte, les amendements que je vais vous présenter permettront d'ajuster et d'affiner les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale.

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