Elle a tout d'abord entendu M. Laurent Giovannoni, secrétaire général du comité intermouvements auprès des évacués (CIMADE), accompagné de M. Damien Nantes, responsable du service défense des étrangers reconduits.
a tout d'abord retracé les conditions dans lesquelles la CIMADE avait été amenée à assumer cette mission d'assistance juridique aux étrangers dans les centres et locaux de rétention afin de permettre l'exercice effectif de leurs droits.
Il a rappelé que les centres de rétention administrative avaient été créés en 1983 à la suite d'une réforme initiée par M. Robert Badinter, garde des sceaux, visant à mettre fin à l'emprisonnement des étrangers interpellés en situation irrégulière, l'éloignement étant désormais prononcé à titre de peine principale. La durée maximale de rétention était alors de sept jours - 24 heures sur décision préfectorale, éventuellement prolongée de six jours par le juge.
Il a expliqué que, dès cette époque, les pouvoirs publics, conscients que l'éloignement par la force posait de nombreuses difficultés, s'étaient tournés vers la CIMADE pour assurer un accompagnement social et psychologique des étrangers retenus. L'expérience passée de la CIMADE, notamment dans les camps de réfugiés à la suite de la décolonisation, l'imposait comme l'intervenant le mieux adapté.
Il a précisé que jusqu'en 2003 le cadre juridique de cette mission d'assistance sociale et psychologique était une convention annuelle, puis pluriannuelle, entre le ministère des affaires sociales et la CIMADE.
a expliqué que les évolutions législatives à la fin des années 80 -création de l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière en 1986 et du recours suspensif en 1989- avaient conduit la CIMADE à faire évoluer sa mission vers un rôle de conseil juridique aux étrangers. En 1993, la convention avait été modifiée pour entériner cette évolution.
Il a ensuite évoqué les suites d'un rapport commandé en 1997 par M. Jean-Pierre Chevènement, à l'époque ministre de l'intérieur, afin de dresser un état des lieux sur le dispositif d'éloignement. Parmi les conclusions de ce rapport, figurait le constat que chaque centre de rétention administrative obéissait à des règles de fonctionnement et d'organisation très différentes. Il suggérait une amélioration des conditions matérielles et proposait qu'un décret fixe les normes d'hébergement et précise les responsabilités de chacun des intervenants dans ces lieux de rétention, ce qui fut fait avec la publication du décret du 19 mars 2001.
a observé qu'à l'époque l'élaboration de ce décret avait déjà soulevé quelques débats, le projet initial ne mentionnant pas la mission d'accompagnement juridique. Le décret final avait finalement prévu de confier cette mission à une association à caractère national.
Il a souligné qu'en 2003, une procédure de passation d'un marché public pour une durée de trois ans avait été substituée à celle de la conclusion de gré à gré d'une convention -ce marché ayant été renouvelé en 2006 jusqu'au 31 décembre 2008. Il a reconnu que la CIMADE n'avait pas pris conscience à cette époque des conséquences de ce changement de nature juridique.
Il a ensuite rappelé que le décret du 19 mars 2001 avait été modifié en 2005 pour tenir compte notamment de l'allongement de la durée maximale de rétention, sans remettre en cause l'organisation de l'aide juridique aux étrangers, le ministre de l'intérieur de l'époque ayant donné des garanties à cet égard. Il avait en particulier ouvert les zones d'attente à l'Anafé afin qu'elle y assure une présence permanente et offre sur le modèle de la CIMADE dans les centres de rétention une aide juridique aux étrangers non admis sur le territoire français.
Il a souligné que depuis 2003 les conditions d'exercice de la mission de la CIMADE avaient beaucoup changé en raison de l'augmentation constante du nombre d'étrangers éloignés du territoire et du triplement du nombre de places en centre de rétention, 25.000 à 30.000 étrangers étant désormais reconduits chaque année, contre 5.000 à 10.000 avant 2003. Il a estimé que la CIMADE avait su répondre à cette hausse très importante de l'activité et continuait à assumer correctement sa mission sans être débordée. M. Laurent Giovannoni a cité à cet égard un audit mené en 2006 et 2007 par l'Inspection générale des affaires sociales, dont les conclusions étaient plutôt positives.
Toutefois, consciente de ce changement d'échelle, il a expliqué que la CIMADE avait pris contact avec le Secours catholique dès 2003 pour lui proposer d'assumer cette mission en commun. Progressivement et à la suite de quelques expérimentations en 2006 et 2007, le Secours catholique s'est déclaré favorable à une action commune au printemps 2008.
Toutefois, ces projets ont été remis en cause par l'évolution récente du cadre juridique de l'assistance aux étrangers dans les lieux de rétention.
a indiqué que dès l'automne 2007 des contacts avaient été pris avec le cabinet de M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire afin d'étudier l'ouverture de cette mission à plusieurs associations à caractère national. Il a précisé que jusqu'au printemps 2008, les premiers contacts étaient plutôt positifs, les seules demandes posées par la CIMADE portant sur le caractère national des associations choisies, la non-modification de la nature de la mission et la concertation tout au long du processus.
Toutefois, dès mars 2008, les propositions relatives à une action commune de la CIMADE et du Secours catholique étaient restées sans réponse du ministère.
Il a ajouté que le projet de décret présenté par le ministère au printemps 2008 était globalement convenable, à l'exception des dispositions interdisant à plusieurs associations d'intervenir dans un même centre, ce qui excluait de fait toute possibilité de complémentarité opérationnelle au quotidien.
Observant que ces discussions coïncidaient avec l'incendie du centre de rétention de Vincennes en juin 2008, il a déploré que le décret du 22 août 2008 n'ait finalement tenu aucun compte des remarques de la CIMADE. Il a ajouté que le lancement rapide de l'appel d'offres à la fin du mois d'août et le choix de diviser le marché en huit lots étaient contradictoires avec les affirmations du ministre sur son souhait de partager cette mission entre trois associations au plus.
a particulièrement insisté sur la complémentarité et la coopération des différents intervenants et sur la nécessité de conserver une vision d'ensemble afin en particulier :
- d'assurer le suivi des dossiers complexes, des retenus pouvant par exemple changer de centre de rétention ;
- de suivre les personnes après leur éloignement ;
- d'être en capacité d'agir à plusieurs niveaux (préfet, juge judiciaire, juge administratif).
Il a jugé que les conditions de l'appel d'offres niaient ces exigences et que la procédure de mise en concurrence était inadéquate s'agissant de l'attribution d'une mission relative à l'accès aux droits et à la défense des droits individuels. Il a estimé qu'une délégation de service public serait plus appropriée.
Il a également précisé que l'appel d'offres avait été annulé sur le fond, et non sur la forme, comme cela avait pu être dit, et que le Conseil d'Etat ne s'était pas encore prononcé sur le recours en excès de pouvoir contre le décret.
Il a conclu que dans l'attente d'un nouvel appel d'offres, la CIMADE avait transmis au ministère une demande pour permettre à des associations de se porter candidates conjointement dans un cadre organisé.